Les théories du complot sont amusantes… jusqu’à ce qu’elles provoquent des décès. En tant qu’adepte de science-fiction, j’admets que la créativité de certaines croyances complotistes sur les feux de forêt et les conditions météorologiques extrêmes suscitent en moi un sentiment d’émerveillement macabre. Mais elles n’ont rien de drôle, et leur occultation du rôle des changements climatiques n’a pas fini de faire des victimes.

Nous devrions exiger mieux de la part des personnes au pouvoir, comme les six membres du Congrès américain qui ont récemment écrit une lettre ouverte blâmant le Canada pour la fumée de nos incendies de forêt. Après avoir voté pour le démantèlement du plan climatique américain et accepté collectivement plus de 1 M$ US en financement de campagne de lobbyistes du pétrole et du gaz, ces politicien·nes ont choisi d’imputer les incendies à des actes criminels et à une mauvaise gestion des forêts en passant sous silence le rôle des changements climatiques, perpétuant ainsi une tradition où les théories du complot l’emportent sur la science.

Cependant, j’éprouve de la sympathie pour les personnes qui les soutiennent et qui se font duper. Plutôt que de céder à la moquerie, nous devrions nous demander pourquoi tant de gens trouvent plus facile de croire les théories du complot que les données scientifiques.

Certaines de ces théories conspirationnistes sont issues de vieux clichés haineux qui ont été mis à la sauce du jour. Lorsque la représentante méga-MAGA Marjorie Taylor Greene a attribué les incendies de forêt à des lasers de l’espace, elle s’appuyait sur une allégation antisémite vieille de 200 ans.

Il existe également une croyance complotiste tenace affirmant que les écologistes provoquent des incendies de forêt afin de faire croire aux gens que les changements climatiques sont réels. La conspiration a atteint son paroxysme lorsqu’un climatonégationniste canadien, qui affirmait en ligne que les feux de forêt étaient de source criminelle plutôt que climatique, a été arrêté pour avoir allumé 14 brasiers qui ont chassé des centaines de personnes de leur domicile.

Les théories sur la manipulation des conditions météorologiques sont si nombreuses que l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) des États-Unis a une page dédiée à leur démystification (du moins pour l’instant, car je ne crois pas que celle-ci survivra à l’administration Trump). Une nouvelle théorie conspirationniste en vogue affirme que les inondations soudaines et dévastatrices qui ont tué plus de 130 personnes au Texas sont le résultat d’une « arme météorologique » secrète, encourageant les gens qui y adhèrent à cibler des stations de radar météorologique.

Comme toute bonne théorie du complot, il y a une parcelle de vérité dans ces propos. Les conditions météorologiques subissent bel et bien des modifications, mais cela se fait au grand jour au bénéfice d’une poignée de personnes privilégiées.

Les fondements de la science des changements climatiques ont été découverts au XIXe siècle. Au cours des dernières décennies, des scientifiques ont établi un lien direct entre les gigatonnes de combustibles fossiles que nous brûlons chaque année et les gaz à effet de serre rejetés dans notre atmosphère, qui entraînent l’aggravation des conditions météorologiques extrêmes et des feux de forêt.

Alors que les causes (principalement la combustion de combustibles fossiles et la déforestation) et les solutions (passer à des sources d’énergie propres et protéger la nature) sont si évidentes, pourquoi tant de personnes préfèrent-elles s’en remettre aux théories du complot plutôt qu’à la science?

De nombreuses raisons poussent les gens à adhérer aux théories du complot. Pour une présentation informative et divertissante sur le sujet, je vous recommande cette vidéo de la youtubeuse ContraPoints.

En ce qui concerne les croyances complotistes à saveur climatique, je pense qu’une partie de la réponse provient du désir très humain de trouver un coupable – de préférence en chair et en os plutôt qu’un système complexe et sans visage. Si des choses terribles (comme la mort d’enfants dans des crues soudaines au Texas ou des gens qui perdent leur maison à la suite d’incendies de forêt au Canada) peuvent être directement attribuées à des personnes mal intentionnées, elles semblent alors gérables. Après tout, s’il y a une chose que les films d’action ou les séries policières de Netflix m’ont apprise, c’est que des individus courageux ou intelligents (comme Daniel Craig dans les rôles de James Bond et de Benoît Blanc) sont en mesure d’arrêter les gens qui font le mal.

J’aimerais tant que cela soit vrai. Mais en réalité, ces choses terribles se produisent (ou sont aggravées) car notre système énergétique repose actuellement sur la combustion de combustibles fossiles. Pour remédier à cette situation, il faut bien comprendre le fonctionnement du système énergétique fondé sur les combustibles fossiles, connaître les solutions qui s’offrent à nous et, enfin, s’attaquer au pouvoir des quelques acteurs qui en bénéficient.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de méchants à pointer du doigt. Certaines entités bien au fait de la science climatique – comme les pétrolières, qui le sont depuis les années 1950! – ont lancé des campagnes de désinformation pour discréditer la science afin de retarder ou d’empêcher la mise en œuvre de solutions. Le doute qu’elles ont semé a probablement facilité la montée en popularité de ces théories du complot.

Ce qui est le plus regrettable, c’est que la colère justifiée des gens face à l’impact des catastrophes climatiques est instrumentalisée par des acteurs sans scrupules de l’extrême droite dans le cadre des « guerres culturelles », où ils minent la confiance de la population dans les solutions climatiques et attisent la colère contre les scientifiques et les écologistes qui tentent de s’attaquer à la racine du problème.

Cette stratégie est très efficace. Selon un article récent de DeSmog :

« Les affirmations mensongères du conspirationniste américain Alex Jones concernant les feux de Los Angeles ont été vues 408 millions de fois sur X. Jones a affirmé sans preuve que l’Agence fédérale de gestion des situations d’urgence (FEMA) “confisquait de la nourriture” et que les incendies faisaient partie d’un complot “mondialiste”. »

« Ces messages ont été plus visionnés que les informations diffusées sur la même plateforme par 10 comptes clés d’intervention d’urgence – dont la FEMA, le service d’incendie de la ville et les autorités locales – et par les 10 plus grands organes de presse américains. »

Face aux théories du complot, continuons à parler des causes réelles des changements climatiques, de la science climatique et des solutions très concrètes que nous pouvons mettre en œuvre.

Ensemble, nous pouvons demander aux gouvernements canadiens de faire payer les pollueurs pour les dommages qu’ils causent.