Avec la première européenne de Virunga et la consécration, le week-end dernier, de ce superbe film au festival du film documentaire de Louvain, Docville, le parc des Virunga est à nouveau sous les feux de la rampe. Le constat est plus qu’amer : du pôle Nord aux tropiques, la nature n’est nulle part à l’abri de l’industrie du pétrole.

Face à la chute rapide des réserves mondiales, les compagnies pétrolières cherchent de plus en plus activement du pétrole dans les écosystèmes les plus vulnérables. Qui a dit crise climatique ? Greenpeace souhaite que les pouvoirs publics et l’industrie abandonnent leurs nouveaux projets pétroliers et investissent plutôt résolument dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie. L’organisation environnementale mène dans ce sens une campagne mondiale contre les projets de sociétés telles que Gazprom et Shell, qui prévoient d’extraire du pétrole dans la région du pôle Nord.

Si la zone de l’Arctique est menacée, les précieuses forêts pluviales tropicales risquent également de devenir la proie de la convoitise des compagnies pétrolières. Il y a quelques jours, le gouvernement équatorien a rejeté un appel de la population pour s’exprimer par référendum sur un projet d’exploitation pétrolière dans le parc Yasuni, dans la forêt amazonienne. Et en République démocratique du Congo, la compagnie pétrolière britannique Soco poursuit sans sourciller, malgré une vague de protestations, ses préparatifs en vue d’extraire du pétrole dans le parc des Virunga.

Le fait que des compagnies pétrolières cherchent désormais aussi à exploiter les territoires les plus vulnérables de la planète en dit long sur ce que ce secteur est prêt à faire pour poursuivre ses activités lucratives au détriment du climat, de la biodiversité et souvent des populations locales. Si nous renonçons à nous affranchir rapidement du pétrole et du gaz et à les remplacer par des sources d’énergie propres, ces derniers écrins naturels renfermant du pétrole seront également saccagés l’un après l’autre au nom de l’impératif énergétique.

La compagnie pétrolière britannique Soco  

La société britannique Soco International a récemment commencé sa quête de pétrole dans le parc national des Virunga, au Congo. Autoriser l’exploration pétrolière dans une telle région créerait un précédent dramatique. Si l’exploitation pétrolière dans le parc des Virunga obtient le feu vert, plus aucune zone naturelle en Afrique ne sera encore à l’abri.

Le parc des Virunga est effectivement l’icône de la préservation de la nature africaine. Fondé en 1925, il s’agit de la plus ancienne réserve naturelle d’Afrique. Dans une zone de 800 000 hectares (plus que les provinces de Flandre orientale et occidentale réunies) vivent plus d’espèces de mammifères, d’oiseaux et de reptiles que dans tout autre parc du continent. Une grande partie des quelque 880 gorilles des montagnes encore en vie sur Terre dépendent du parc pour leur survie. Pour cette raison, le parc a été classé patrimoine mondial par les Nations Unies en 1979. C’est le statut de protection le plus élevé qui soit pour un tel territoire.

La prospection pétrolière n’est pas le seul danger qui menace la préservation de la nature du parc. Le braconnage et l’exploitation forestière illégale compromettent sa sécurité et provoquent des dégâts incalculables. Le parc sert souvent de cachette pour les soldats et les groupes rebelles armés. Le parc des Virunga représente dès lors un des endroits les plus dangereux au monde pour les défenseurs de la nature. Récemment, son directeur, le Belge Emmanuel de Mérode, a réchappé de justesse à la mort. Depuis 1996, pas moins de 140 gardes ont été tués dans le parc.

Bien que l’exploitation pétrolière dans cette zone soit interdite en vertu du droit congolais et international, Soco continue de clamer que son projet vise à stimuler le développement économique et à créer des emplois dans l’est du Congo. Ces affirmations sont plus que douteuses. Il y a en effet fort à parier qu’un petit groupe de personnes au Congo deviendront très riches grâce aux activités de Soco, tandis que la majorité des quatre millions de Congolais qui vivent dans le parc et ses alentours continueront de croupir dans la misère. Sans parler des dégâts écologiques dont souffrira le parc et qui auront aussi un impact négatif sur leur vie.

Documentaire

Le contraste saisissant entre la rhétorique de Soco et ses pratiques sur le terrain est mis en lumière dans le sensationnel documentaire “Virunga”. Des conversations éloquentes avec des collaborateurs de l’entreprise ont été captées en caméra cachée. Le film montre notamment comment le conservateur du parc, Rodrigue Katembo, qui collabore étroitement avec de Mérode, a été approché par un agent de sécurité et des collaborateurs de Soco. Ceux-ci lui proposent un pont d’or pour désobéir à son patron et leur accorder l’accès au parc. Le film dénonce la manière dont Soco achète aussi bien les responsables gouvernementaux congolais que les leaders rebelles, tout en essayant de monter la population locale contre les défenseurs de la nature.

Quel espoir pour le parc des Virunga ?

Les événements inquiétants dans le parc des Virunga suscitent une indignation internationale croissante ainsi qu’une pression politique de plus en plus forte afin de stopper les projets de Soco. Greenpeace s’inscrit dans une large coalition internationale qui enjoint le gouvernement congolais d’interdire les activités de Soco dans le parc des Virunga.

Fin avril, Desmond Tutu, l’éminent archevêque sud-africain, s’est également rallié à ce mouvement de protestation. À l’initiative d’Emmanuel de Mérode et avec le soutien de grands investisseurs tels que Howard G Buffet (le fils du milliardaire Warren Buffett), la Virunga Alliance a été fondée en avril de cette année. Cette alliance élabore des projets ambitieux mais réalistes en vue de soutenir les activités économiques dans le parc et ses abords : entre autres via la production d’électricité dans la région au moyen de petites centrales hydroélectriques, la promotion du tourisme et le développement de programmes en faveur de l’agriculture et de la pêche durables.

La réalisation de ces projets est cruciale pour la survie du parc des Virunga, mais elle pourrait également contribuer de façon significative à la paix et à la stabilité dans toute la région.

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