Dans le cadre de la Semaine d’action mondiale pour promouvoir la Révolution du Réutilisable, les bénévoles de Greenpeace Canada ont placé des cartes sur les tablettes des supermarchés pour exiger des produits sans emballage, des options de vrac ainsi que davantage de produits offerts dans des contenants réutilisables.

Dès le début de la pandémie, plusieurs entreprises se sont empressées, à juste titre, de prendre des mesures pour limiter la contamination dans leurs restaurants et magasins. Dans l’urgence, elles ont choisi d’interdire l’usage de contenants réutilisables. Mais les emballages et contenants à usage unique sont-il plus sûrs et cette crainte de contamination par les contenants réutilisables est-elle justifiée?

Une récente étude britannique a démontré que le virus peut rester viable sur les surfaces inertes, avec des durées variables selon les surfaces. Quatre heures sur le cuivre, 24h sur les surfaces en métal, 48h sur le carton et jusqu’à 72h sur le plastique.

On peut donc en déduire une chose: qu’il s’agisse de contenants réutilisables ou jetables, la contamination peut se produire sur n’importe quelle surface, quelque soit son matériau. La règle N˙1 est donc d’observer les règles d’hygiène et de désinfection les plus strictes : se laver les mains et laver ses contenants, tasses, bouteilles et sacs réutilisables le plus souvent possible.


Cette étude n’a pas empêché l’industrie des plastiques de sauter sur l’occasion pour s’engager dans une guerre de relations publiques pour contrer les réglementations visant à interdire l’usage des sacs plastiques à usage unique. À coup d’éditoriaux et d’articles alarmistes, les lobbies industriels martèlent le même message en boucle depuis plusieurs semaines : l’usage de sacs réutilisables jouerait un rôle dans la contamination de la Covid-19 et, de facto,  “ l’interdiction des sacs plastiques à usage unique ne pourrait pas plus mal tomber.”

En clair, les groupes industriels aux États-Unis ont vu cette crise comme une opportunité d’exploiter les craintes des gens autour de la COVID-19, pour faire avancer leurs programmes pro-pollution.

Comme l’ont souligné nos collègues de Greenpeace États-Unis, la vérité est qu’il n’y a pas de substitut à une hygiène stricte. Ce n’est pas parce qu’un matériau est fabriqué à partir de plastique à usage unique, qu’il est moins susceptible de transmettre des infections virales pendant son utilisation.  

« Les décisions que nous prenons pour nos familles dans cette crise sanitaire devraient être basées sur la science et les conseils des professionnel·les de santé, et non sur ce que nous disent les lobbyistes des industries des combustibles fossiles et du plastique. 

Partout où les produits réutilisables sont une option, il nous incombe de faire notre part pour nous protéger les uns les autres en les lavant soigneusement après chaque utilisation. Et au-delà de cette crise, les entreprises doivent faire tout leur possible pour s’assurer que tous les moyens qu’elles utilisent pour vendre leurs produits sont sans risques pour la santé et protègent la santé des employés et des clients – ainsi que l’environnement. » ~ John Hocevar, Responsable de la campagne Océans, Greenpeace USA 

Gardant en tête que plusieurs pays travaillent en ce moment même à l’élaboration des règlements visant à réduire et interdire l’usage de certains plastiques à usage unique, il est primordial d’accorder la plus grande place à la science et non aux lobbies industriels qui défendent des intérêts incompatibles avec la crise environnementale en cours. Et c’est ce sur quoi nous allons travailler dans les prochaines semaines.

En attendant, si vous souhaitez poursuivre les efforts que vous entreprenez pour endiguer la crise de la pollution plastique, voici quelques conseils pour démêler le vrai du faux concernant le réutilisable :

Peut-on continuer à utiliser des contenants réutilisables en sécurité?

Oui, si vous les lavez correctement. Le savon et l’eau chaude sont efficaces pour désinfecter les surfaces des virus, y compris le coronavirus, et des bactéries. 

Les lave-vaisselles domestiques et industriels sont également efficaces pour désinfecter vaisselle et contenants réutilisables. Comme l’a souligné Vineet Menachery, professeur adjoint de microbiologie à la faculté de médecine de l’université du Texas, « je ne m’attendrais pas à ce qu’un virus survive à un lave-vaisselle ».

Les emballages à usage unique sont-ils plus sûrs?

Non, pas si on les compare à des contenants réutilisables soigneusement lavés. Les articles jetables à usage unique peuvent héberger des virus et des bactéries pathogènes. Ils sont exposés à tous les agents pathogènes qui se sont fixés sur eux lors de leur fabrication, de leur transport, de leur stockage et de leur utilisation éventuelle.

La spécialiste du zéro-déchet Béa Johnson l’a résumé en ces termes: “ous n’avez aucune idée de qui les a touchés les produits jetables. Avec vos propres contenants réutilisables, vous le savez !”

De plus, lorsque le plastique à usage unique se retrouve sous forme de pollution, une étude a montré qu’il peut transporter des agents pathogènes nocifs par les cours d’eau et nos océans. 

Les grandes chaînes de café ont récemment annoncé qu’elles n’autorisaient plus l’usage des tasses réutilisables. Pensez-vous que cela va continuer, et qu’est-ce que cela signifie ?

Aujourd’hui, les entreprises se concentrent, à juste titre, sur les moyens d’assurer notre sécurité à tous. Ces entreprises ont assuré qu’il s’agissait de mesures temporaires. 

La crise du coronavirus a mis en évidence que nous n’avons pas les systèmes en place pour assurer une totale désinfection pour les produits à emporter, ce qui est valable pour les produits jetables ou réutilisables. Elle nous montre aussi que certains commerces ont su s’adapter très rapidement et offrir de solutions. Ce dont nous avons besoin est donc de mettre en place de meilleurs systèmes de distribution et de livraison, pour assurer que les achats à emporter ou les achats en vrac puissent se faire sans risques pour la santé.

Toutes les entreprises de biens de consommation et de services doivent s’assurer qu’elles disposent de modèles de réutilisation de rechange qui respectent les objectifs environnementaux tout en répondant à des objectifs de santé et de sécurité potentiellement plus élevés, au lieu de créer des monticules de déchets d’emballage et de pollution potentielle.

Dans l’urgence, les restaurants, supermarchés et magasins ont du s’adapter et il est très probable qu’il y aura une explosion de produits à usage unique. Lorsque le coronavirus sera passé, nous veillerons à ce que les mesures de réduction du plastique à la source soient de retour et à ce que ces entreprises trouvent des solutions pérennes pour se préparer à d’éventuelles nouvelles crises sanitaires.

Quelles mesures devrait-on mettre en place à l’avenir pour répondre à ce type de crise sanitaire sans mettre à mal le modèle zéro-déchet?

Ailleurs dans le monde, des initiatives se sont développées pour fournir aux restaurants et aux cafés des tasses réutilisables et des contenants à emporter propres et aseptisés. Par exemple, les tasses sales sont collectées dans des boîtes dédiées et installées dans les lieux stratégiques, lavées et aseptisées dans des lave-vaisselle commerciaux, puis remises en service.

Les grandes entreprises ont les moyens de créer de nouveaux systèmes adaptés pour assurer que la transition vers des modèles moins générateurs de déchets puissent se faire en toute sécurité et en respectant les normes de désinfection les plus strictes afin de répondre à la crise de pollution plastique.

Une chose est sûre, si cette pandémie va changer beaucoup de choses dans notre vie pendant un certain temps, elle ne changera pas nos valeurs fondamentales, comme le fait d’oeuvrer en faveur d’une planète saine et d’une économie juste et durable.

Note : pour protéger votre santé et celle des autres contre la COVID-19, les meilleures sources d’informations restent les sources officielles, telles que ces ressources de sensibilisation à la santé publique de l’OMS.

Rédactrice, passionnée de la mer et aspirante zéro déchet, Agnès a rejoint Greenpeace Canada en 2011 en tant que Chargée de communication numérique. Elle est récemment devenue porte-parole et Chargée de campagne Océans et Plastique.