2 juillet 2025, Amsterdam, Pays-Bas  Ce mercredi a lieu la première audience préliminaire dans le cas qui oppose Greenpeace International à la compagnie pétrolière américaine Energy Transfer. Il s’agit du premier test majeur de la nouvelle directive européenne visant à lutter contre l’utilisation de procédures-baillons (ou ‘SLAPP’ en anglais) et à mieux protéger la liberté d’expression. Parallèlement, trente organisations dans onze pays européens appellent leurs gouvernements à transposer rapidement la directive dans leur législation nationale. En Belgique, une délégation du groupe de travail ‘anti-SLAPP’ s’entretient aujourd’hui avec le cabinet de la ministre de la Justice Annelies Verlinden.

La multinationale Energy Transfer, qui pèse plusieurs milliards de dollars, a mené deux procédures-bâillons contre Greenpeace aux Etats-Unis. La première a échoué mais la deuxième est toujours en cours. Un jury du Dakota du Nord a condamné Greenpeace International et Greenpeace USA à payer plus de 660 millions de dollars de dommages et intérêts à Energy Transfer. Greenpeace a fait appel de cette décision. 

Des activistes de Greenpeace International et d’organisations alliées ont mené une action aujourd’hui devant le tribunal d’Amsterdam, déployant une banderole indiquant “Energy Transfer, bienvenue en Europe, ou la liberté d’expression existe toujours”.

“Les procédures-bâillons constituent une menace directe pour la liberté d’expression et le droit de protester pacifiquement” explique Mads Flarup Christensen, directeur de Greenpeace International . “L’affaire que nous menons ici face à Energy Transfer pourrait marquer un tournant dans la lutte contre les poursuites judiciaires destinées à intimider, et prouver que les entreprises ne peuvent pas obtenir gain de cause via un harcèlement judiciaire.”

La coalition européenne contre les procédures-baillons (Coalition Against SLAPPs in Europe ou CASE), a recensé un total de 1049 procédures-baillons en Europe entre 2010 et 2023. Elle concerne des organisations, des journalistes, des activistes, etc. Les États membres de l’UE ont jusqu’au 7 mai 2026 pour transposer la directive anti-SLAPP dans leur législation nationale, mais jusqu’à présent, peu de progrès ont été réalisés. Trente organisations demandent donc aujourd’hui à travers l’Europe à leurs pays respectifs de mettre en œuvre la directive.

“Cela fait plus d’un an que la directive ‘anti-SLAPP’ a été adoptée, mais sa mise en œuvre dans la pratique est effroyablement lente” déplore Charlie Holt, de Global Climate Legal Defense et membre de CASE. “Le procès intenté par Greenpeace International aux Pays-Bas fait figure de premier test majeur pour cette directive. Si cette protection ne s’applique pas dans une affaire qui abuse aussi clairement et agressivement du droit, alors quand le fera-t-elle ? Tant qu’un signal juridique fort ne sera pas envoyé, notre démocratie restera vulnérable à ce genre d’intimidation judiciaire.”

Les procédures-bâillons en Belgique

Des exemples de procédures-bâillons existent aussi en Belgique. Rappelons le cas du journaliste indépendant David Leloup, attaqué à de nombreuses reprises alors qu’il enquêtait sur l’affaire de corruption Nethis/Publifin. La RTBFLe Soir ou SudInfo ont également fait l’objet de procédures-bâillons. Dans un autre registre, deux organisations de défense des droits des animaux ont récemment été poursuivies pour diffamation et atteinte à l’honneur après avoir publié des textes critiques.

“Les entreprises qui lancent ce genre d’affaires n’ont la plupart du temps même pas pour objectif de les gagner” explique Nadia Cornejo, porte-parole de Greenpeace Belgique. “Le but est d’intimider, de faire taire et de ruiner financièrement les voix critiques. Et l’effet dépasse souvent les cibles des ces affaires. Cela peut dissuader des initiatives émanant d’autres médias, organisations ou citoyen·nes.”

Dans de nombreux pays européens, des statues de figures célèbres de la résistance ont été symboliquement baillonnées, notamment celle du prêtre Daens à Alost.

Une délégation du groupe de travail belge ‘anti-SLAPP’, auquel participe Greenpeace Belgique, se rend aujourd’hui au cabinet de la ministre fédérale de la Justice, Annelies Verlinden. Elle demande une transposition ambitieuse de la directive européenne anti-SLAPP dans la législation belge, conformément au modèle de loi élaboré par le groupe de travail.