Greenpeace USA et Greenpeace International sont menacés par une procédure judiciaire intentée contre eux par la compagnie fossile Energy Transfer. Cette dernière leur réclame 300 millions de dollars de dommages et intérêts pour avoir soutenu les mobilisations contre son projet d’oléoduc Dakota Access Pipeline. Le procès s’ouvre ce 24 février dans le Dakota du Nord. “Une procédure baillon destinée à nous faire taire” dénonce l’organisation, dont la survie est en jeu.

L’historique de l’affaire

La société Energy Transfer gère le plus grand réseau de pipelines de combustibles fossiles aux États-Unis. Son fondateur et président exécutif est le milliardaire texan Kelcy Warren, un important donateur de Trump. En 2016, Energy Transfer donne naissance au Dakota Access Pipeline (DAPL), un projet de transport de pétrole à travers le pays. Cet oléoduc traverse la réserve de la tribu des Sioux de Standing Rock (SRST), menaçant leurs sites sacrés en plus de contribuer à la destruction de l’environnement. En avril de la même année, avant la construction du pipeline, les populations locales établissent un camp de protestation et intentent une action en justice contre ce projet fossile (en vain). Leur mobilisation déclenche une vague d’indignation qui fédère des milliers d’activistes et de citoyen·nes ayant rejoint la SRST et avec eux … des organisations, dont Greenpeace.

En 2017, Energy Transfer porte plainte contre Greenpeace USA et d’autres ONG. L’entreprise accuse Greenpeace d’avoir orchestré toute la résistance mais également d’avoir mené une campagne de désinformation et incité à des activités illégales. Cette accusation est rejetée par un juge fédéral en 2019. Une semaine plus tard, Energy Transfer dépose une nouvelle plainte auprès d’un tribunal de l’État du Dakota du Nord contre trois entités de Greenpeace, dont Greenpeace International, en formulant des allégations similaires, fondées sur la législation de l’État. Elle réclame près de 300 millions de dollars. 

Le procès avec jury s’ouvre ce lundi 24 février dans le Dakota du Nord. La survie de Greenpeace aux Etats-Unis, où l’organisation est active depuis plus de 50 ans, est directement en jeu.

Greenpeace active pour la première fois la directive européenne « anti-SLAPP »

“Cette poursuite sans aucun fondement n’est ni plus ni moins qu’une procédure-bâillon destinée à nous faire taire” réagit Nadia Cornejo, porte-parole de Greenpeace Belgique. “La manoeuvre d’Energy Transfer est similaire à celle de toutes les procédures baillons, qui ont pour but d’asphyxier les organisations non gouvernementales et les activistes sous les frais de justice, de les pousser à la faillite et, en fin de compte, de faire taire les voix qui s’élèvent pour défendre l’intérêt général.”

Greenpeace International, dont le siège se trouve à Amsterdam, a par ailleurs déposé le 11 février 2025 un recours devant un tribunal néerlandais contre l’entreprise américaine Energy Transfer. Il s’agit du tout premier recours jamais déposé sur la base de la directive européenne ‘anti-SLAPP’*, adoptée en avril 2024, qui vise à protéger contre les procédures-bâillons les personnes morales et physiques qui s’expriment sur des questions d’intérêt public. Greenpeace International entend obtenir réparation pour l’ensemble des pertes et dommages qu’elle a subis et continue de subir en lien avec les poursuites sans fondement lancées par Energy Transfer. Greenpeace International invoque le droit néerlandais en matière de responsabilité civile et d’abus de droits, ainsi que le chapitre V de la directive européenne, adoptée en 2024. Cette dernière protège les organisations basées dans l’Union européenne (UE) contre les procédures-bâillons engagées en dehors de l’UE et leur permet de demander une indemnisation.

*SLAPP est l’acronyme de Strategic Lawsuit Against Public Participation (poursuite stratégique contre la participation publique, parfois appelée « procédure-bâillon » en Français) et désigne l’utilisation abusive de procédures judiciaires pour intimider ou réduire au silence les activistes.  Pour en savoir plus : https://www.slapp.be/fr/