Un récent rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (A/HRC/59/23) rend compte des réalités brutales de l’occupation et de l’exploitation économique en Palestine. Mais ses constats dépassent largement le cadre d’un simple conflit. Le rapport présente une étude de cas accablante sur la façon dont les intérêts commerciaux, soutenus par le pouvoir de l’État, érodent systématiquement les droits de la personne. Il est le reflet d’une crise mondiale plus vaste : l’urgence climatique.
Qu’est-ce que ces deux enjeux ont en commun? La cupidité des entreprises, la violence étatique et l’impunité structurelle.

De la Palestine à la planète : comment le pouvoir des entreprises alimente l’extraction et l’oppression
Dans les territoires palestiniens occupés, les entreprises ne sont pas des acteurs économiques neutres. Elles font partie intégrante de l’occupation, extrayant les ressources, contrôlant les infrastructures et facilitant l’établissement de colonies illégales, le tout sous protection militaire. Ces activités ne sont pas seulement rentables, elles s’inscrivent dans une démarche de contrôle.
Le rapport aborde également le rôle des technologies de pointe : la surveillance biométrique, les bombes anti-bunker et les drones assistés par l’IA, tous développés et déployés par des entreprises privées et testés sur des êtres humains. Ces outils ne sont pas seulement des instruments de guerre, mais des sources de profit. Une industrie de la mort et de la répression en plein essor, subventionnée et exportée par les gouvernements du monde entier.
La Palestine n’est pas un cas isolé. De la forêt amazonienne aux mines de cobalt du Congo, les mêmes entreprises détruisent des terres, déplacent des populations et accélèrent l’effondrement écologique. Les mêmes fabricants d’armes qui bombardent Gaza équipent la police qui réprime les mouvements de protestation. Les mêmes pétrolières qui empoisonnent les rivières du delta du Niger financent des campagnes politiques à Washington et en Occident.

La coalition de la mort : pouvoir, profit et complicité
Derrière chaque bombe larguée sur Gaza se cache une longue chaîne d’approvisionnement en pouvoir et en argent. Les responsables de cette guerre ne se trouvent pas seulement à Tel-Aviv, mais aussi à Washington et parmi les soutiens d’Israël en Occident. Il s’agit d’une coalition de destruction : un réseau d’entreprises et d’États unis par des intérêts communs dans les ventes d’armes, les marchés énergétiques, les technologies de surveillance et la domination géopolitique.
Certes, il existe des tensions entre eux – qu’il s’agisse de stratégies concurrentes ou de désaccords diplomatiques – mais les bombes continuent de tomber. La coordination fonctionne. Le partenariat est de longue date. Sans ce réseau de soutien, l’occupation n’aurait pas duré des décennies. Sans elle, des dizaines de milliers de personnes à Gaza seraient encore en vie.
Ces acteurs sont des marchands de mort. Ils parlent de nombreuses langues, portent différents costumes et brandissent des drapeaux variés, mais ils partagent un même vocabulaire : tuer, extraire et engranger des bénéfices. Leurs décisions ne sont pas guidées par les droits de la personne ou les objectifs climatiques, mais par la quête de domination et de dividendes.
Les mouvements de protestation ne peuvent pas implorer ces entités de mieux se comporter. Nous n’avons rien qu’elles veuillent, rien à échanger, et ne possédons aucune influence. Nous ne sommes pas leurs partenaires, mais bien une garantie. Et les forêts brûlées, et les villes bombardées, et les côtes noyées, et les corps.
Si nous voulons les arrêter, nous devons perturber leurs activités. Refuser leurs accords. Paralyser la machine.
L’injustice environnementale comme forme de contrôle
En Palestine, les tactiques environnementales, comme la privation d’eau, la saisie des terres et la destruction des récoltes, sont employées délibérément pour subjuguer la population. Ces stratégies sont mises en œuvre un peu partout sur la planète, où les communautés vulnérables sont les premières et les plus durement touchées par la dégradation du climat, la pollution et le capitalisme du désastre.
Des aquifères de Gaza aux canalisations empoisonnées de Flint, en passant par la montée des eaux dans le Pacifique, la logique est la même : protéger le capital et sacrifier les pauvres.
Aucune reddition de compte, aucun avenir
Qu’il s’agisse de l’expansion des projets de combustibles fossiles ou des ventes d’armes aux forces occupantes, l’obligation de rendre des comptes est absente. Les entreprises cherchent à se protéger en réclamant un passe-droit juridique, et les gouvernements détournent le regard ou, pire, leur apportent un soutien direct.
Le résultat? Un monde où la violence génocidaire et l’effondrement climatique ne sont pas des aberrations. Il ne s’agit pas d’un défaut, mais d’une caractéristique du système.

Le prix du profit : guerre, réchauffement et dévastation
L’extraction des ressources n’est pas seulement un enjeu écologique : c’est aussi un moteur essentiel de la guerre et de l’occupation. Le gaz offshore de Gaza, l’aquifère de la Cisjordanie, les minerais du Congo – tous deviennent des terrains de conflit et d’affrontement, non pas car ces endroits sont pauvres, mais parce qu’ils sont riches. C’est ce que fait le système : il transforme la vie en profit et le profit en pouvoir.

Résister au système, et pas seulement à ses symptômes
Nous ne pouvons pas nous tourner vers les architectes de la destruction pour nous guider sur le chemin de la justice. Nous ne pouvons pas compter sur ces mêmes gouvernements, institutions et entreprises qui alimentent la guerre, l’occupation et l’effondrement climatique pour mettre fin à ces crises. Nous devons nous mobiliser, non pas pour réformer légèrement ce système, mais pour le démanteler en profondeur.
Au Canada, cela signifie qu’il faut nommer et dénoncer notre complicité. La CDPQ – l’institution qui gère le bas de laine des Québécoises et Québécois – est empêtrée dans cette toile mondiale de violence, canalisant l’argent public vers des entreprises qui profitent de l’occupation de la Palestine, de l’extraction des combustibles fossiles et de la fabrication d’armes.
Nous refusons d’être complices. Exigeons que la CDPQ retire chaque dollar investi dans les crimes commis contre le peuple palestinien et la destruction de notre planète.
La justice climatique et les droits de la personne ne sont pas des luttes parallèles, elles forment une seule et même cause. Agir pour une planète vivable, c’est agir pour la liberté et la dignité de tous les peuples. Il n’y a pas d’avenir vert et durable sur des terres volées, tout comme il n’y a pas de justice lorsque des bombes tombent du ciel en arborant des logos d’entreprises.
Il ne peut y avoir de transition juste tant que les rênes du pouvoir seront entre les mains des marchands de mort. La perturbation, la résistance et une réorganisation radicale de nos systèmes économiques et politiques ne sont pas seulement nécessaires, elles sont urgentes.