(Blog par Christina Thompson, membre du groupe local de Greenpeace Ottawa et activiste alimentaire)
Nous devons encourager une agriculture qui soit en harmonie avec la nature, non pas contre elle.
Trop, c’est trop. Bayer-Monsanto fait pression sur Santé Canada pour repousser la limite autorisée de résidus de glyphosate pour certaines céréales et légumineuses au Canada. Le tollé soulevé par cette proposition a poussé le gouvernement Libéral à allonger en urgence le délai prévu de la consultation publique, avant que celui-ci ne décide finalement de la reporter au printemps 2022. Mais peu importe, nous devons continuer à utiliser nos voix pour nous opposer fermement à l’augmentation proposée des niveaux de glyphosate. Cette requête de Bayer-Monsanto n’est pas une demande isolée. Un autre géant des produits phytosanitaires, la multinationale suisse Syngenta, a aussi fait une requête pour qu’un de ses produits fongicides soit utilisé sur davantage de petits fruits, comme les bleuets et les framboises, augmentant ainsi les risques liés à l’exposition aux pesticides à travers l’alimentation.
Source: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1811085/glyphosate-bayer-canada-limites-pesticides-legumineuses
Le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Son utilisation en agriculture a été multipliée par 15 en l’espace de 30 ans à la suite de l’introduction de cultures tolérantes au « Roundup ready » ─ le produit phare de Monsanto ─ permettant aux agriculteurs de pulvériser pendant la saison de croissance. Cette sur utilisation du glyphosate a eu pour conséquence d’entraîner l’apparition de super mauvaises herbes résistantes au Roundup qui constituent aujourd’hui un grave problème dans le monde entier.
Depuis peu, dans l’espoir de séquestrer le carbone dans le sol, on assiste à une augmentation de l’agriculture sans labour au Canada, mais nombre d’exploitations agricoles ayant fait ce choix recourent encore aux herbicides pour éradiquer les plantes indésirables. Cette pratique menace la santé des sols au Canada et dans le monde. Plus inquiétant encore, des preuves suggèrent un lien entre l’utilisation antérieure de glyphosate et une maladie des plantes appelée fusarium. qui produit une toxine rendant les cultures impropres à l’alimentation du bétail.
L’augmentation des niveaux de résidus de glyphosate dans notre alimentation enverrait un mauvais signal
Des niveaux plus élevés de résidus de glyphosate dans nos aliments augmenteront l’utilisation de ce pesticide sur les cultures.
Or, le cercle vicieux dans lequel nous entraîne l’utilisation toujours plus accrue du glyphosate ne peut pas bien finir.
Des études montrent déjà qu’il s’accumule dans les sols et qu’il a de lourdes conséquences sur la biodiversité : déclin des populations d’abeilles et d’autres pollinisateurs, perte d’habitat pour plusieurs espèces d’insectes comme les papillons monarques, et graves impacts sur la vie dans le sol, notamment sur les vers de terre ─ des espèces essentielles pour le monde naturel qui nous entoure et pour notre sécurité alimentaire.
En outre, la présence de glyphosate dans des aliments communément consommés par les enfants pourrait les exposé·es encore davantage à ce pesticides si des niveaux plus élevés de résidus sont autorisés dans les céréales et les légumineuses. Or nous savons aujourd’hui grâce à la recherche scientifique que l’exposition au glyphosate et à d’autres pesticides provoque des nocifs chez les humains, les animaux et les micro-organismes, ainsi que des altérations de l’ADN, qui sont transmis aux générations suivantes par voie héréditaire. Le glyphosate est également lié à des maladies digestives, à l’affaiblissement du système immunitaire et à l’altération de la santé mentale. Récemment, il a été classé comme cancérigène probable par l’Organisation mondiale de la santé. Malgré ces risques, jusqu’à 56 000 travailleurs et travailleuses agricoles sont régulièrement exposé·es au glyphosate chaque année. Augmenter les niveaux acceptables d’exposition au glyphosate n’est pas ce dont le monde agricole et nous-mêmes avons besoin.
Il est temps de procéder à des changements systémiques… et nous le pouvons!
Nous avons besoin d’un changement réel pour faire passer le Canada à un mode d’agriculture plus écologique afin de mettre fin à la dégénérescence des sols et des cultures. Une récente proposition du NPD visant à améliorer la santé des sols à l’échelle nationale constitue une contribution importante au débat. Malheureusement, le gouvernement fédéral ne parvient pas à soutenir nos agriculteurs et nos agricultrices.
Dans l’Union européenne, les investissements par acre dans l’agriculture respectueuse du climat sont 73 fois plus élevés qu’au Canada. Les États-Unis dépensent 13 fois plus.
La Commission européenne a déjà prévu réduire de 50 % l’utilisation de pesticides et d’herbicides toxiques d’ici 2030 et vise à ce que 25 % de son approvisionnement alimentaire soit cultivé de manière biologique. À l’heure actuelle, l’agriculture biologique certifiée ne représente que 2,2 % des terres agricoles au Canada. L’augmentation proposée du glyphosate inquiète donc le secteur de l’agriculture biologique qui craint que ses produits ne passent plus les tests d’inspection pour la certification biologique en raison de la contamination atmosphérique provenant des champs voisins.
Les pratiques actuelles de l’agriculture conventionnelle contribuent à la perte de biodiversité et au changement climatique, ce qui nous conduit sur la voie dangereuse de l’insécurité alimentaire. L’industrie agricole ressent déjà les effets des changements climatiques avec des conditions météorologiques extrêmes qui provoquent des sécheresses et des inondations dans tout le Canada. De nombreux agriculteurs et agricultrices perdent leurs récoltes et luttent pour conserver leur exploitation. Ils méritent le soutien de notre gouvernement pour s’adapter à ces changements et adopter de nouvelles méthodes plus résilientes.
Une stratégie agricole écologique plus robuste constituerait un grand pas en avant pour aider à restaurer les sols et nous aligner sur de nombreux autres pays qui transitionnent progressivement vers des méthodes moins toxiques. Un recours beaucoup plus large à des pratiques durables telles que l’utilisation de cultures de couverture et l’agriculture sans labour contribuerait à améliorer la santé des sols en y réintroduisant de la matière organique tout en contribuant à réduire les émissions de dioxyde de carbone.
Il est temps pour le Canada d’adopter une agriculture écologique, qui réduira les monocultures, protégera la biodiversité, renforcera la résilience des cultures à la sécheresse et améliorera la qualité de notre alimentation.
Le moment est venu de rappeler au gouvernement fédéral deux choses importantes : 1. Nous n’accepterons pas qu’il joue avec notre santé en augmentant les limites maximales actuelles de glyphosate dans l’alimentation. 2. Nous voulons voir des investissements majeurs dans des pratiques agricoles écologiques généralisées ici au Canada.
Nous ne voulons pas que Bayer-Monsanto contrôle nos systèmes alimentaires.
En prenant position aujourd’hui, nous enverrons collectivement un message au gouvernement fédéral : NON à plus de produits chimiques, et OUI à une agriculture plus écologique.