Sur une trame de fond de guerre tarifaire, les électeurs·trices du Québec se sont rendu·e·s aux urnes pour élire la personne qui, à leurs yeux, était la plus apte à négocier avec Donald Trump. L’environnement et la crise climatique ont été relégués à l’arrière-plan durant la campagne, quoique la question énergétique a pris beaucoup de place (j’y reviens). Et le résultat? Le meilleur score des Libéraux avec Mark Carney au Québec depuis l’élection de Pierre Trudeau en 1980. L’effondrement du NPD à l’échelle du pays. Et la défaite de Pierre Poilievre des conservateurs – qui ont fait du surplace au Québec. Pierre Poilievre qui perd son siège, l’aviez-vous sur votre carte de bingo?! Pour une analyse plus poussée des résultats électoraux, je vous invite à écouter l’excellente analyse de Chantal Hébert à l’émission Tout un matin. De mon côté je me concentre sur ce que ces résultats veulent dire pour les mouvements de justice climatique au Québec!
Voter – qu’ossa donné?
Malgré un recul au profit des Libéraux, le Bloc tient bon son refus catégorique de remettre sur la table des projets de pipeline comme celui d’Énergie Est est un bon signe. Mark Carney, lui, a laissé la porte grande ouverte à de nouvelles infrastructures fossiles au Québec, tant qu’il y aurait une « acceptabilité sociale ».
Rappelons que ce concept-là est souvent malléable et manipulable, et qu’il peut facilement être utilisé par les politicien·nes à tort et à travers pour justifier l’injustifiable [1]. Il nous faudra se tenir debout et résister à ces projets zombies d’énergies fossiles, car le Premier ministre n’est pas le seul à montrer son ouverture : le ministre de l’Environnement du Québec et les candidats à la chefferie du Parti libéral du Québec (PLQ) affirment tous qu’ils sont ouverts à de nouveaux projets du style GNL Québec et Énergie Est.
Si le spectre des pipelines peut sembler lointain, celui de la déréglementation est plus présent que jamais. L’affaiblissement des règles climatiques, au profit des entreprises polluantes, a déjà débuté avec la fin de la tarification carbone fédérale. La déréglementation pourrait bien s’accélérer : dans son programme électoral pour 2025, l’Association canadienne des producteurs pétroliers demande au gouvernement fédéral d’abroger les principales lois fédérales sur l’évaluation des impacts. Nous devons rester vigilant·es face à ce genre de reculs. Mark Carney ne cesse de mentionner son intention d’appuyer sur l’accélérateur afin d’évaluer plus rapidement les projets énergétiques. À nous de lui rappeler qu’un “bon projet” ne justifie jamais une évaluation environnementale bâclée.
Bâtir un mouvement environnemental plus fort!
Donald Trump est venu bouleverser le statu quo et il ne tient qu’à nous de transformer ce chaos en opportunité. Nous devons résister à la montée de la droite et bâtir un mouvement pour la justice climatique plus fort et solidaire que jamais.
Le principal argument de Mark Carney auprès des électeurs·trices était de réorienter notre économie loin des États-Unis. Assurons-nous que cette réorientation passe par une accélération de la transition vers la sortie des combustibles fossiles, et que son mantra « construire, construire, construire » se traduise par de grands projets porteurs d’avenir, comme :
- Un corridor énergétique national, tel que promis par les libéraux, qui renonce à de nouveaux pipelines de pétrole et de gaz au profit d’un réseau électrique est-ouest qui facilite la décarbonation. Oui à de nouvelles éoliennes et de nouveaux projets d’énergie solaire, mais non à de nouveaux barrages hydroélectriques sur les territoires autochtones non cédés au Québec qui viendraient saccager le territoire et la biodiversité. Oui à des projets énergétiques qui donnent la priorité à la participation autochtone, mais non à des projets controversés qui fracturent et divisent les communautés.
- Une stratégie industrielle verte qui crée des emplois syndiqués de qualité dans la production d’acier vert, de voitures et de bus électriques. Mais restons vigilant•es : le Québec ne s’est toujours pas doté d’un régime minier qui respecte les droits des peuples autochtones. La transition énergétique ne peut pas déplacer le problème de l’extractivisme fossile vers celui de l’extractivisme minier : c’est une fausse solution!
- Intégrer pleinement la protection de la nature dans nos stratégies d’adaptation aux changements climatiques et de réduction de ses effets. Greenpeace Canada et ses allié·es continuent de travailler fort pour qu’une réelle loi sur la nature soit adoptée à Ottawa : plus de 100 000 personnes ont déjà signé notre pétition en ce sens!
- Utiliser les puissants outils dont dispose le gouvernement fédéral pour aligner les finances (banques privées et compagnies d’assurance) sur nos objectifs climatiques. Le financement de la lutte contre les changements climatiques était la mesure phare de Mark Carney lorsqu’il était gouverneur de la Banque d’Angleterre. Mais les limites de l’action volontaire sont évidentes, les banques canadiennes se retirent du club bancaire vert qu’il a lui même créé et abandonnent leurs engagements en matière de finance durable, sous la pression de l’offensive trumpiste.
- La construction de millions de logements écologiques et abordables à partir de bois issu de sources durables, alimentés par des thermopompes et des panneaux solaires.
Et pour finir, nous devons plus que jamais nous serrer les coudes et appuyer les différentes luttes de protection du territoire en cours partout au Québec. Les groupes comme :
- La Première Nation Mitchikanibikok Inik, communauté aussi connue sous le nom des Algonquins de Lac-Barrière qui se bat depuis plus de 5 ans en Cour contre le gouvernement du Québec, coupable d’avoir failli pendant des décennies à son obligation constitutionnelle de consultation, en accordant des claims miniers sur leur territoire sans consentement;
- Les Soulèvements du fleuve qui font fleurir des luttes un peu partout sur le territoire;
- Les Mères au front et leur allié·es qui luttent pour protéger leur communauté contre des compagnies qui n’ont qu’à coeur le profit de leurs actionnaires – à Rouyn Noranda et Limoilou contre le géant Glencore, en passant par Blainville avec le projet d’enfouissement de déchets dangereux de Stablex;
- Le collectif Antigone qui revendique notamment la fermeture graduelle de la ligne 9B d’Enbridge et qui fait présentement face à une criminalisation sans précédent;
- Mobilisation 6600 à Montréal qui milite pour la préservation des espaces verts, de la santé et de la qualité de vie dans le quartier Hochelaga Maisonneuve;
- Et bien d’autres encore!
Bref, plus que jamais nous devons résister face à la montée de la droite et au retour des idées du passé. Plus que jamais nous devons soutenir les luttes et les communautés qui protègent le territoire. Plus que jamais, nous devons RÉSISTER!

À l’approche des élections fédérales, des activistes de Greenpeace Canada ont projeté une série de messages percutants sur les célèbres chutes du Niagara : « Ne Trumpez pas le Canada », « Sortons les coudes » et « RÉSISTONS ».
Notes
[1] Voir L’acceptabilité sociale – Cartographie d’une notion et de ses usages).