
L’État d’Israël mène présentement deux sièges : un qu’il impose à la population de Gaza et l’autre qu’il exporte dans le monde entier.
Le premier siège est physique. Il prive Gaza de nourriture, de carburant, d’eau et d’aide médicale. Il a transformé une étroite bande de terre – densément peuplée de familles et remplie d’écoles, d’espaces communautaires et d’entreprises –, en un cimetière de vies et d’avenirs. Plus de deux millions de personnes, dont beaucoup sont au bord de la famine, y sont piégées dans un contexte de bombardements incessants.
Le second siège est informationnel et psychologique. Il occulte la vérité, déforme la souffrance et recadre la réalité. Il véhicule un récit mensonger selon lequel personne à Gaza n’est considéré comme un ou une civil·e, où chaque famille est présentée comme une entité combattante et où chaque immeuble d’habitation, école, hôpital et terrain de jeu sont des cibles légitimes à terroriser et à bombarder. Ce discours justifie la dévastation en cours. Il fait passer le génocide pour acceptable en le rendant invisible, puis se répète par le biais des grands médias occidentaux.
Ensemble, ces sièges alimentent la destruction. Cependant, le siège informationnel et psychologique existe depuis bien plus longtemps et revêt une dimension plus profonde. Bien avant le 7 octobre, Gaza était déjà une cicatrice : un rappel vivant de la violence du colonialisme, des déplacements forcés, d’un État moderne d’apartheid et de la Nakba inachevée. Pour soutenir le mythe victimaire du colonisateur, cette preuve vivante devait être effacée.
Affamer, bombarder, nier : tel est le refrain. Laisser passer de l’aide au compte-gouttes de temps en temps, puis refermer les vannes. Enterrer les preuves parmi les décombres et les corps.
Une caravane pour mettre fin au siège informationnel
En mai 2025, un puissant cri de ralliement est venu démolir le mur du silence.
La caravane Soumoud pour Gaza, une coalition d’activistes, de médecins, d’organisateur·rices, de journalistes et de personnes concernées, est partie du Caire avec un objectif précis : briser le siège, apporter de l’aide à une population civile affamée, rendre compte du génocide et confronter le monde à sa complicité et au blocus informationnel orchestré par l’État d’Israël.
Cette caravane n’a pas seulement tenté d’entrer dans Gaza. Elle a tenté d’entrer dans la conscience mondiale.
Ce faisant, elle a ébranlé les fondations du second siège : l’aveuglement contrôlé, le silence des institutions libérales, et la complicité des personnes qui savent mais ne disent rien. Elle a montré que Gaza n’est pas seulement coupée du monde par des barbelés et des drones, mais aussi par des récits – par un mur de mensonges plus impénétrable que le béton.
Cette initiative n’est pas une simple livraison humanitaire; il s’agit d’un acte politique de solidarité – une intervention citoyenne contre la famine sanctionnée par l’État. Traversant l’Égypte en direction du poste-frontière de Rafah, la caravane transporte de l’aide médicale, de la nourriture et de la préparation pour nourrisson, des caméras, des déclarations ainsi que des humains animés d’une détermination inébranlable.
Comme on pouvait s’y attendre, la caravane a dû composer avec des barrages routiers, des détentions, des retards et de la désinformation, non seulement de la part d’Israël mais aussi des autorités égyptiennes soumises à la pression internationale. Sa présence a rendu visible ce que les gouvernements et les grands médias ont tenté de cacher : le siège est une politique délibérée et coordonnée. Il ne s’agit pas d’une simple crise humanitaire, mais bien d’une stratégie militaire.
Le « soumoud » est un concept culturel qui se situe à l’intersection de la persévérance et de la résistance. Cette caravane n’est pas un acte de charité. Elle est un symbole de défiance.
Loin d’un appel à la pitié, elle constitue une revendication de justice.
Le mur ne tiendra pas
Après le 7 octobre, beaucoup ont entrepris d’élever les murs plus haut, renforçant ainsi le blocus de la vérité. Pourtant, la réalité de Gaza continue de transparaître : un enfant enterré sous les décombres, des médecins opérant sans anesthésie, une mère allaitant son nourrisson dans une tente, entourée de mort. Ces images persistent malgré la coupure de l’électricité.
La caravane Soumoud est l’une de ces images, un véritable symbole de conscience en mouvement.

Il est peu probable qu’elle parvienne à acheminer toute l’aide prévue. Cependant, elle réussira à faire passer la frontière à quelque chose de bien plus dangereux : la vérité. Elle a su montrer que le monde n’est pas totalement insensible. Que la solidarité n’est pas morte. Et que la résistance au génocide ne relève pas de l’antisémitisme, mais de l’humanité.
Le siège ne peut durer éternellement. Chaque acte de résistance, chaque flottille comme celle du Madleen, chaque veillée aux chandelles, et chaque voix qui s’élève en ébranle les fondements. Le mythe de « l’armée la plus morale du monde », de « l’absence de famine » et du « droit à l’autodéfense » commence à s’effriter. Ce qui était autrefois caché fait désormais l’objet de débats. Ce qui était jadis normalisé est aujourd’hui nommé.
La caravane Soumoud ne sera pas la dernière. D’autres suivront, à pied, en voiture ou en mer. Certaines seront refoulées, tandis que d’autres réussiront à passer.

Pourquoi Greenpeace est solidaire
À Greenpeace, nous reconnaissons que le mouvement pour la justice environnementale est intimement liée aux luttes pour les droits de la personne, la justice sociale et la justice raciale.
Ce qui se passe à Gaza ne se résume pas à une simple crise politique. Le conflit qui y sévit a également d’importantes répercussions sur l’environnement. À ce jour, les émissions générées par les opérations militaires au cours des 15 derniers mois ont déjà dépassé la production annuelle de gaz à effet de serre de 36 pays et territoires. En comptabilisant également les émissions liées aux projets de fortification militaire d’avant-guerre et les émissions prévues pour la reconstruction d’après-guerre, le total dépasse 32,2 millions de tonnes d’équivalent CO₂. C’est plus que les émissions annuelles de 102 pays.
Au-delà du carbone, la destruction à grande échelle des quartiers résidentiels, des infrastructures hydrauliques, des terres agricoles et des services essentiels confirme l’impact environnemental d’une action militaire soutenue. Cette dévastation a entraîné le déplacement de millions de personnes, les obligeant à survivre dans des abris de fortune au milieu de débris dangereux et de risques pour la santé publique. Ces conditions représentent une érosion systématique des conditions de vie de base. Elles surviennent en grande partie à l’abri des regards, cachées par des forces géopolitiques tirant profit du silence.
Nous sommes solidaires de celles et ceux qui refusent de détourner le regard. Nous sommes solidaires de celles et ceux qui s’expriment, s’organisent et résistent. Nous sommes solidaires de la population de Gaza et soutenons la caravane Soumoud, parce que le mur se fissure. Parce que Gaza est toujours debout. Parce que la résilience et la résistance ne peuvent pas être vaincues par la faim. Parce que le génocide ne peut être ignoré. Parce que le monde, après avoir eu les yeux bandés, commence à voir.
Et lorsque nous voyons la réalité, nous devons faire un choix.
Ce que vous pouvez faire
- Suivez et partagez les mises à jour de la caravane Soumoud sur les réseaux sociaux
- Faites don aux organisations de première ligne qui apportent un soutien direct à Gaza
- Ajoutez votre voix aux appels en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et de la fin du siège
- Exprimez-vous, même (et surtout) dans les moments difficiles
Cela ne concerne pas seulement Gaza. Il s’agit également de déterminer dans quel genre de monde nous voulons vivre.
La solidarité est un verbe. So, let’s act.
*La Nakba, terme arabe signifiant « catastrophe », fait référence au déplacement et à la dépossession du peuple palestinien pendant la guerre israélo-arabe de 1948, qui a entraîné la destruction de la société palestinienne et la perte de leurs terres. Cet événement est commémoré chaque année lors de la Journée de la Nakba, généralement le 15 mai.