Janvier 2024
À ce stade, la plupart des gens ont dressé une courte (ou longue) liste d’objectifs qu’ils aimeraient atteindre cette année. Ce phénomène n’a rien de surprenant, et les recherches sur les résolutions sont nombreuses :
- L’effet « nouveau départ » se manifeste lorsque les gens veulent changer quelque chose dans leur vie; ils s’engagent souvent à le faire avant d’entreprendre quelque chose de nouveau, comme une nouvelle session scolaire;
- Plus des deux tiers (68 %) des Canadien·es déclarent s’être fixé des objectifs financiers cette année;
- 4 personnes sur 10 (42 %) affirment que leur résolution principale concerne la santé et le bien-être.
Cela vous dit quelque chose?
Malheureusement, la culture toxique des régimes et de la remise en forme nous accable en cette période de l’année. Je sais que, comme moi, vous avez sans doute vu ces publicités bien ciblées, vous assurant qu’une montre Apple ou de nouvelles chaussures de course révolutionneront votre existence.
D’autres domaines, tels que les finances personnelles, font également souvent l’objet de résolutions en janvier. Je ne peux m’empêcher de rouler des yeux devant l’ironie des publicités nous encourageant à « améliorer votre cote de crédit grâce à ces applications faciles à utiliser » ou à « économiser plus de 10 000 $ cette année (en supposant que les gens disposent d’un tel revenu après les dépenses courantes) », bla-bla-bla.
Ces objectifs personnels sont attrayants pour une bonne raison. Bien que nos propres conceptions de la réussite puissent varier, la sécurité financière, le bien-être physique et mental et d’autres objectifs individuels sont également des indicateurs de réussite au sein de notre société.
Avez-vous remarqué quelque chose d’étrange? Pour ma part, je trouve tout cela extrêmement louche. C’est un peu comme si cette hyper-focalisation sur l’individu était en quelque sorte liée à la machine capitaliste : ce cycle où nous achetons des choses dont nous n’avons pas besoin pour « améliorer » notre situation alors que devrions simplement en faire moins, et les suggestions accusatrices en matière de planification financière – comme pour suggérer qu’il est normal qu’une tête de laitue coûte plus de 9 $.
La solution est claire : nous n’avons simplement qu’à travailler plus fort, pas vrai?
La vérité, c’est que la glorification du travail acharné a ses limites et perd rapidement son étincelle. Nous vivons dans un système où le coût de la vie est une bulle conçue pour gonfler jusqu’à ce qu’elle éclate, avec l’intention de nous emporter avec elle. Bien que cette image soit terrifiante, ce qu’on ne nous dit pas, c’est que nous pouvons dire « non ». Il n’y a rien de mal à vouloir le meilleur pour nous-mêmes, mais je me demande comment ces objectifs pourraient être différents si nous pouvions les imaginer autrement. Comme tout mouvement social efficace (et contrairement au modèle capitaliste idéal), nous ne pouvons pas agir seul·es. Nous devons bâtir et mobiliser la communauté.
À quoi pourrait ressembler la vie si nous ralentissions et si nous vivions de façon collective plutôt qu’individuelle? Et si nos résolutions de la nouvelle année ressemblaient à « développer un lien plus profond avec la nature », « continuer mon éducation en matière de justice sociale » ou « élaborer des systèmes pour accroître la responsabilisation de ma communauté face à nos besoins collectifs »?
Ce qu’il y a de bien avec ce genre de résolutions, c’est qu’elles n’ont pas besoin de cadrer parfaitement avec votre tableau de visualisation soigneusement élaboré ou d’être récitées sur le coup de minuit le 1er janvier. Ce sont des engagements à vie. Plus que des intentions, ce sont des pratiques. Elles requièrent plus que votre attention individuelle, car elles nécessitent un engagement soutenu et collectif.
Alors que les températures mondiales augmentent et que la biodiversité décline, il n’y a pas de meilleur moment pour réfléchir de manière critique à ce qui retient notre attention. Les défis auxquels nous faisons face aujourd’hui nous poussent à nous replier sur nous-mêmes et à nous accrocher à nos désirs individuels, qui nous paraissent être la voie la plus sûre. Mais cette façon de penser est un produit du capitalisme, et elle ne peut nous protéger. Elle est conçue pour nous empêcher d’exploiter notre potentiel illimité en construisant des communautés d’entraide.
La question qui se pose est donc la suivante : comment pouvons-nous nous situer au sein de nos communautés et reconnaître que nous ne pouvons pas guérir ou répondre à nos besoins de manière isolée?
La réponse : adopter une vision élargie et délaisser les perspectives contraignantes.
Imaginez si, pour chaque objectif personnel de remise en forme ou de finances fixé, une banque alimentaire locale s’employait à lutter contre l’insécurité alimentaire dans votre communauté. Le fait de se fixer des objectifs d’engagement communautaire contribue donc à notre santé collective. Vous rêvez d’acheter une première maison cette année? Pourquoi ne pas en profiter pour en apprendre davantage sur les peuples ayant un lien ancestral avec les terres où se trouve cette propriété? La vérité est un prérequis au démantèlement des systèmes coloniaux (y compris le capitalisme) et à la réconciliation. Et finalement, si vous avez décidé d’améliorer vos pratiques écologiques, chaque pot de sauce qui garnit vos étagères pourrait représenter un courriel envoyé à des représentant·es du gouvernement ou à des décisionnaires (qui siègent bien confortablement derrière leurs bureaux, n’attendant que votre appel ou votre courriel concernant les changements que vous aimeriez voir).
Bref : refusons de laisser nos objectifs individuels nous détourner de ce qui compte vraiment. Célébrons une nouvelle année en veillant à notre sécurité, notre responsabilisation et notre joie collectives. Les soins communautaires sont aussi une forme d’auto-soins. Et si cela vous semble radical, c’est le moment de vous demander pourquoi.
Réimaginez vos résolutions en vous inspirant de ces ressources :