Le récent verdict rendu par un tribunal du Dakota du Nord dans l’affaire intentée par la société Energy Transfer contre Greenpeace International et ses entités aux États-Unis relance un débat crucial. Cette procédure, typique d’une plainte-bâillon (SLAPP – Strategic Lawsuit Against Public Participation), visait explicitement à faire taire les voix critiques. Pourtant, la Chambre Africaine de l’Energie (AEC) s’en est félicitée avec un triomphalisme vindicatif, multipliant les déclarations trompeuses et accusant injustement Greenpeace de nuire au développement du continent africain.
Ces accusations sont non seulement infondées, mais dangereuses. En apportant son soutien à une manœuvre judiciaire destinée à étouffer la dissidence, l’AEC cautionne des méthodes qui menacent les fondements mêmes de la démocratie et de la justice environnementale. Ce n’est pas du développement dont il s’agit, mais bien d’une tentative de protéger les intérêts de l’industrie fossile contre toute forme de remise en question, en particulier face à des projets controversés comme l’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP).
Les poursuites-bâillons n’ont pas vocation à rendre justice. Elles cherchent à intimider, à épuiser financièrement, et à réduire au silence celles et ceux qui dénoncent les atteintes à l’environnement. En soutenant de telles pratiques, l’AEC révèle ses véritables priorités : non pas le bien-être des populations africaines, mais la défense d’un modèle économique fondé sur l’exploitation des ressources au profit d’intérêts privés.
Qualifier Greenpeace Afrique d’obstacle au progrès du continent relève d’un discours à la fois dépassé et profondément irrespectueux. Les mobilisations que nous soutenons sont avant tout portées par des communautés africaines, du Sénégal au Kenya, du Bassin du Congo aux côtes de Tanzanie, qui défendent leurs terres, leurs droits et leur avenir. Notre rôle est d’amplifier leurs voix, en toute solidarité et responsabilité.
Le « progrès » que l’AEC invoque se traduit trop souvent par des expropriations, des marées noires, la destruction d’écosystèmes vitaux, et des promesses non tenues. Les bénéfices issus de l’exploitation pétrolière et gazière sont majoritairement captés à l’étranger, tandis que les populations locales en subissent les coûts économiques, sociaux et environnementaux.
Si la Chambre Africaine de l’Energie était véritablement soucieuse de l’accès à l’énergie pour tous, elle plaiderait en faveur d’un développement fondé sur les énergies renouvelables telles le solaire, l’éolien et l’hydraulique, capables de répondre aux besoins locaux de manière durable, équitable et résiliente. L’Afrique regorge de ressources naturelles propices à cette transition. Ce qui fait défaut, c’est la volonté politique d’y investir pleinement. Malheureusement, des groupes comme l’AEC contribuent à perpétuer une dépendance néocoloniale vis-à-vis des combustibles fossiles.
Depuis sa création, Greenpeace Afrique défend une approche fondée sur la non-violence, l’intégrité scientifique et la solidarité avec les mouvements sociaux. Nous ne nous laisserons pas intimider par des actions en justice instrumentalisées pour faire taire la critique. Présenter la plainte d’Energy Transfer comme une victoire pour l’AEC revient à légitimer une stratégie de harcèlement judiciaire, profondément incompatible avec les principes de démocratie et de liberté d’expression.
Les poursuites-bâillons ne sont pas de simples différends juridiques. Ce sont des armes politiques destinées à museler la société civile. Accepter leur utilisation en Afrique, c’est ouvrir la porte à la répression des citoyennes et citoyens qui s’élèvent pour défendre leurs droits, leurs territoires et leur environnement.
Soyons clairs : Greenpeace Afrique ne se laissera pas réduire au silence.
Ce n’est pas Greenpeace Afrique qui freine le développement du continent, mais bien la poursuite obstinée d’un modèle énergétique obsolète et destructeur. Un développement qui piétine les droits humains, compromet les écosystèmes et aggrave la crise climatique n’est pas un progrès : c’est de l’exploitation pure et simple.
Les peuples africains ont droit à des choix conscients, à une autonomie énergétique, à un avenir fondé sur la justice et la durabilité. Pas à des pipelines conçus pour l’exportation. Pas à des plateformes pétrolières qui dévastent les habitats naturels. Pas à des politiques dictées dans des conseils d’administration étrangers et imposées sans consultation locale.
Partout sur le continent, les communautés se mobilisent, conscientes des enjeux existentiels qui les concernent. Greenpeace Afrique sera toujours à leurs côtés, fidèle à son engagement.
L’Afrique n’a pas besoin de nouveaux projets fossiles. Elle a besoin de courage politique, de leadership visionnaire et de systèmes énergétiques démocratiques, propres et accessibles à toutes et tous.
À l’intention de la Chambre africaine de l’énergie : vos tentatives de nous discréditer ne distrairont pas. Le futur de l’Afrique ne se trouve pas dans les hydrocarbures, mais dans les énergies renouvelables, la justice sociale et la résilience climatique. Aucune tentative d’intimidation ne nous empêchera de le clamer haut et fort.
Aujourd’hui plus que jamais, l’Afrique a besoin de courage, pas de complaisance. De vision, pas de violence. Et de justice, pas de pétrole.