Yaoundé, le 30 juin 2016 – Les autorités du Royaume-Uni chargées de l’application et du renforcement du Règlement Bois de l’Union Européenne (EUTR) ont pris des mesures à l’encontre de 14 entreprises britanniques important du bois camerounais dont l’origine est illégale.[1]

Ces sanctions, annoncées par Chatham House à Londres le 16 juin, font suite à celles déjà émises par les Pays-Bas début mars. Elles confirment que le bois originaire du Cameroun fait l’objet d’un examen de plus en plus approfondi de la part des autorités européennes.[2]

“Les autorités camerounaises doivent examiner cette nouvelle série de sanctions et commencer à enquêter sur les entreprises en question, ce qui constituerait un premier pas contre l’illégalité et la corruption qui gangrènent le secteur forestier”, selon Eric Ini, chargé de campagne Forêt à Greenpeace Afrique. Le Cameroun doit aussi s’assurer que l’Accord de Partenariat Volontaire co-signé avec l’Union Européenne est mis en place dans son intégralité pour abolir l’exploitation forestière illégale et renforcer la gouvernance forestière au Cameroun, ajoute-t-il.

Les forêts camerounaises sont parmi les plus riches en biodiversité du Bassin du Congo, avec les forêts les plus diversifiées sur le plan biologique de la région, fournissant un précieux habitat à des espèces en voie de disparition comme les gorilles de plaine de l’ouest, les chimpanzés et les éléphants des forêts, parmi tant d’autres. Les pratiques d’exploitation forestière non durables et illégales mènent à la déforestation, à la destruction de l’écosystème et diminuent la capacité de résistance au changement climatique. La création des routes par les sociétés d’exploitation forestière facilite la chasse au gibier, ce qui constitue une autre menace majeure pour la biodiversité du Cameroun et empêche souvent une bonne régénération des habitats forestiers enregistrés. Les activités d’abattage incontrôlées au Cameroun causent fréquemment des conflits sociaux, dans la mesure où elles ont lieu le plus souvent sans le consentement des communautés qui dépendent de la forêt, qui voient leur base de ressources détruite sans aucun bénéfice en retour, ou rarement.

Depuis 2010, quand l’Accord de Partenariat Volontaire (APV) est entré en vigueur, le Cameroun a fait peu d’efforts pour lutter contre l’exploitation forestière illégale. Après les sanctions des Pays-Bas, au lieu de s’intéresser aux résultats de l’enquête de Greenpeace et de prendre des mesures pour régler le problème, le gouvernement camerounais semble plutôt résolu à défendre de manière inconditionnelle l’entreprise accusée d’être impliquée dans des activités illégales.[3]

Néanmoins, Greenpeace Afrique a récemment été informé par CCT que le gouvernement camerounais aurait démarré un audit visant cette dernière ainsi que ses fournisseurs, une information qui n’a pas encore été officiellement annoncée par le Ministre des Forêts. “Nous encourageons le gouvernement camerounais à sanctionner les entreprises dont les activités illégales auront été prouvées, afin de décourager les autres acteurs du secteur à les imiter”, selon Eric Ini.

Le Cameroun est considéré comme un pays à haut risque par certains pays européens : en vertu de l’EUTR, les entreprises important du bois en Europe doivent montrer qu’elles ont pris des mesures fortes pour minimiser le risque d’importer des grumes coupées illégalement – une procédure quasiment impossible lorsqu’il s’agit de bois provenant du Cameroun.

“Ces mesures prises par le gouvernement britannique envoient le message très clair aux acteurs de la filière bois qu’il n’y a pas de place en Grande-Bretagne pour le bois illégal”, selon Richard George, responsable de la campagne Forêt à Greenpeace Royaume-Uni. L’exploitation forestière illégale ravage les forêts du Cameroun, une destruction dont sont complices de nombreuses entreprises britanniques et européennes en ne vérifiant pas la légalité du bois qu’ils importent alors que la loi les y oblige. La Belgique et l’Italie, en tant que premiers pays européens importateurs de bois camerounais, ne doivent plus fermer les yeux sur ces pratiques mais doivent renforcer l’application des lois de l’Union européenne sur le bois illégal.

L’Europe est le principal marché d’exportation du bois camerounais, et la Grande-Bretagne figure au cinquième rang des pays importateurs de la communauté européenne, avec 64 000 m3 EBR par an.[4] Les principales essences exportées au Royaume-Uni sont le Sapeli, l’Iroko, le bois d’Azobé et l’Ayous. On estime à 5,3 millions de dollars américains les pertes annuelles en revenus et en capital à cause de l’exploitation forestière illégale au Cameroun. D’autres études estiment qu’elles pourraient être encore plus importantes.[5]

Contacts :

Eric Ini, chargé de campagne Forêt, Greenpeace Afrique, +237 655304948, [email protected]

Greenpeace International Press Desk, +31 (0)20 718 2470 (disponible 24h/24), [email protected]

Notes :

[1] 6 opérateurs ont reçu une mise en garde d’action corrective, 7 opérateurs une lettre d’avertissement et une entreprise une lettre de conseil. Des sanctions seront appliquées à l’encontre des entreprises qui n’auront pas rempli les conditions de l’autorité compétente britannique après vérification.

[2] Le 8 mars, les autorités ont sanctionné une entreprise, FIBOIS, pour avoir violé l’EUTR et avoir échoué à mettre en place un système de diligence raisonnable afin d’empêcher le bois coupé illégalement d’atteindre le marché européen. Ces autorités n’étaient pas convaincues que l’importateur hollandais – et par extension le négociant en bois camerounais qui s’approvisionne auprès de la controversée Compagnie de Commerce et de Transport (CCT) – avaient pris les mesures nécessaires pour s’assurer que le bois n’avait pas été coupé illégalement.

[3] Pour lire la réaction du gouvernement camerounais au rapport de Greenpeace, cliquez ici

[4] Equivalent bois rond.

[5] Deforestation Trends in the Congo Basin : Reconciling Economic Growth and Forest Protection. Washington, DC, Banque Mondiale et le Africa Progress Panel, 2014. Agriculture, pêche et capitaux. Comment financer les révolutions verte et bleue en Afrique. Rapport sur les progrès en Afrique 2014, Africa Progress Panel, Genève.