Kinshasa, le 3 avril 2025 – Alors que la planète fait face à une urgence climatique sans précédent, la République du Congo annonce une augmentation drastique de sa production pétrolière. Lors du Forum sur l’énergie et l’investissement (CEIF), qui s’est tenu à Kintélé les 25 et 26 mars, le gouvernement a dévoilé son ambition de porter la production nationale à 500 000 barils par jour d’ici fin 2025, soit presque le double du niveau actuel. Une décision que Greenpeace Afrique dénonce comme une menace directe pour l’environnement, les engagements climatiques et les droits des peuples autochtones et des communautés locales.
Un pari risqué en pleine crise climatique
Pendant que les experts alertent sur la nécessité de réduire la dépendance aux énergies fossiles, le Congo opte pour une stratégie inverse. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), aucun nouveau projet pétrolier ne devrait voir le jour après 2021 si l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 doit être atteint. Pourtant, le pays , qui produit actuellement 270 000 barils/jour, persiste dans cette voie en prévoyant de presque doubler sa production en moins d’un an, une décision qui contredit directement ses contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris, qui prévoient une réduction de 48 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, sous réserve d’un soutien international.
Un désastre écologique en perspective
Le coût environnemental de cette expansion serait colossal. Le bassin du Congo est la deuxième plus grande forêt tropicale humide du monde. S’étendant sur plus de 3,7 millions de kilomètres carrés et englobant six pays, cette région joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial en stockant environ 30 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de trois ans d’émissions mondiales.L’exploitation pétrolière menace ce puits de carbone et, plus particulièrement, le parc national de Conkouati-Douli, une réserve de biosphère de l’UNESCO qui protège plus de 5 000 kilomètres carrés de biodiversité terrestre et marine. Le parc abrite des espèces menacées telles que les éléphants de forêt, les gorilles des plaines occidentales, les chimpanzés, les lamantins et trois espèces de tortues marines inscrites sur la liste rouge de l’UICN.
L’extension des blocs pétroliers aux abords du parc national de Conkouati-Douli représente une menace majeure pour la biodiversité. En plus de fragmenter les écosystèmes, de polluer les ressources en eau et d’accélérer la déforestation, cette expansion remet en cause les engagements internationaux de la République du Congo. En adhérant à la Convention sur la diversité biologique (CDB) et au Cadre mondial pour la biodiversité, le pays s’est engagé à protéger au moins 30 % de ses terres et espaces marins d’ici 2030 (objectif « 30×30 »). Pourtant, en favorisant l’exploitation des combustibles fossiles dans ces zones sensibles, le gouvernement bafoue ses engagements et établit un précédent inquiétant pour d’autres pays riches en ressources naturelles.
Un impact humain sous-estimé
Au-delà des ravages environnementaux, l’expansion pétrolière menace directement les moyens de subsistance des populations locales. Plus de 30 000 personnes vivant dans et autour du parc national de Conkouati-Douli risquent de perdre l’accès à l’eau potable, à des zones de pêche durables et à des ressources essentielles pour leur survie. L’expérience passée montre que ces projets ne sont pas sans conséquences humaines. En 2024, une mission de Greenpeace Afrique à Lokolama, en RDC, a mis en lumière les effets dévastateurs de l’exploitation pétrolière : détentions arbitraires, extorsions, déplacements forcés et répression brutale des voix indigènes. Sans un renforcement urgent des garanties juridiques et une véritable protection des droits des communautés, ces abus risquent de se reproduire à grande échelle.
L’illusion du pétrole comme moteur de développement
L’expansion pétrolière du Congo est souvent justifiée par le faible taux d’électrification, qui n’est que de 12 % dans les zones rurales et de 49 % dans les zones urbaines. Mais les faits contredisent cette pseudo logique : dans de nombreux pays, les industries pétrolières n’ont jamais permis d’apporter une énergie abordable aux populations les plus vulnérables. À l’inverse, les énergies renouvelables – solaire et éolien en tête – offrent une alternative plus rapide, plus durable et surtout plus accessible aux communautés isolées. Selon plusieurs études, chaque dollar investi dans les énergies vertes génère trois fois plus d’emplois que dans les énergies fossiles. Ce sont autant d’arguments qui doivent peser dans la balance de tout pays soucieux de son développement économique à long terme.
Quid des engagements internationaux auxquels le Congo a souscrit?
Avec cette expansion, le Congo se positionne en contradiction avec plusieurs accords internationaux majeurs :
- L’Accord de Paris (2015), qui vise à limiter le réchauffement climatique sous 1,5°C
- La Convention sur la diversité biologique, qui impose la protection des habitats critiques par les pays
- La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), qui affirme le droit au consentement préalable, libre et éclairé (FPIC) avant tout développement industriel sur les terres ancestrales
- Le Cadre mondial pour la biodiversité (2022), qui exige la protection de 30 % des terres et des océans d’ici 2030
Greenpeace Afrique appelle à un changement de cap
Face à cette situation, Greenpeace Afrique demande fermement :
- Au gouvernement congolais de mettre fin immédiatement à l’exploration et à la production pétrolière dans les zones protégées
- Aux investisseurs et institutions financières de cesser de financer des projets pétroliers dans les hotspots de biodiversité
- À l’Union africaine d’adopter une position ferme en faveur d’une transition énergétique juste
- Aux bailleurs internationaux de soutenir prioritairement les projets d’énergies renouvelables et de conservation
Atterré par ce nouveau coup porté au combat pour la justice climatique dans le Bassin du Congo, Dr Lamfu Fabrice, responsable de la campagne Forêts à Greenpeace Afrique, s’est exprimé:
« La tentative du Congo de devenir une plaque tournante des combustibles fossiles est irresponsable et à courte vue. Elle trahit les objectifs climatiques du pays, met en péril la biodiversité et sacrifie les droits et l’avenir de sa population au profit d’un profit à court terme.»,
« Alors que la communauté internationale se prépare pour la prochaine COP30, toutes les décisions prises aujourd’hui pèseront lourd sur l’avenir climatique du continent et du monde. L’heure n’est plus aux promesses, mais aux actions concrètes », a conclu DR Lamfu.
FIN
Raphael Mavambu, Communication et Media, Greenpeace Afrique, [email protected]