Kinshasa, 14 juin 2019 – Greenpeace Afrique et les scientifiques des universités de Leeds (Royaume uni) et de Kisangani (Rép. Dém. du Congo) organisent une expédition dans les tourbières de la forêt du bassin du Congo avec les journalistes des médias nationaux et internationaux, du 16 au 18 juin, dans la province de l’Equateur. Le but étant de comprendre la dynamique de ce riche écosystème contenant environs 30 milliards de tonnes de carbone répartie sur une superficie de 145,000 km2.

Dans le cadre du projet CongoPeat, débuté en 2017 et piloté par le professeur Simon Lewis, les journalistes vont assister à la recherche scientifique dans les tourbières de la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, un écosystème humide, riche en carbone et qui demeure intacte jusqu’à ce jour.

En novembre 2017, une expédition avait eu lieu dans les tourbières avec la même équipe de recherche, qui avait permis de confirmer la présence des tourbières en République Démocratique du Congo, révélant ainsi au monde la bombe carbone qu’abritait les forêts congolaises.

Cependant, l’intégrité de cet écosystème est aujourd’hui menacée par des exploitations du pétrole et du bois approuvées par les gouvernements de la République du Congo et la République Démocratique du Congo. Il est donc crucial de protéger ces tourbières. Pour que cette protection soit effective, il est donc important que les communautés locales et autochtones vivant dans et autour des tourbières soient incluses dans toute initiative visant leur protection, en plus des connaissances scientifiques. La recherche scientifique va améliorer les connaissances sur le fonctionnement et la valeur de cet écosystème dans la lutte contre la crise climatique.

Motivé par l’intérêt économique au détriment de l’environnement, ces deux gouvernements ne tiennent pas compte de la nature fragile des tourbières et encore moins moins des impacts négatifs des activités industrielles dans les tourbières.

Il est maintenant important de tirer la sonnette d’alarme dans les médias nationaux et  internationaux sur un possible risque climatique à venir et également sur la perte de la biodiversité, tout en appelant à préserver les tourbières de la forêt du bassin du Congo, le deuxième poumon de la planète.

 

Contact :

Afy Malungu, chargée de communication, +243 991 521 250, [email protected]

 

 

Faits et chiffres sur les tourbières de la forêt humide du bassin du Congo

 

  1. Les tourbières

 

Qu’est-ce que la tourbe? Que sont les tourbières?

 

  • La tourbe est composée de matériel végétal accumulé, partiellement décomposé, avec ou sans sable, limon ou argile mélangés. La tourbe se forme dans des conditions de saturation en eau élevée qui inhibent la décomposition de la matière organique.[1]
  • Les tourbières sont des zones composée d’une couche de tourbe naturellement accumulée d’une surface d’au moins 0.3m de profondeur.[2]
  • La formation de tourbe dans le bassin central du Congo a débuté il y a plus de 10 000 ans. À ce jour, des scientifiques ont mesuré des profondeurs de tourbe pouvant atteindre 5,9 m en République du Congo et jusqu’à 3,5 m en République Démocratique du Congo. La profondeur médiane est de 2 m.[3]

 

Qu’en est-il des tourbières du bassin du Congo?

 

  • La forêt de tourbières de la République Démocratique du Congo et de la République du Congo abritent le plus vaste complexe de tourbières tropicales, appelé aussi tourbières du bassin central du Congo ou tourbières de la Cuvette Centrale. La superficie des tourbières est estimée à 14 millions d’hectares[4], ce qui est supérieur à la taille de l’Angleterre, mais représente moins de 10% de la superficie de la forêt tropicale du bassin du Congo[5]. Environ 2 900 000 hectares des tourbières cartographiées se trouvent dans les concessions d’exploitation forestière. Les tourbières du bassin du Congo ne sont pas le plus grand complexe de tourbières au monde : on trouve de plus grandes zones de tourbières dans la région boréale.
  • Les tourbières du bassin du Congo, représentant moins de 10% de la forêt pluviale du bassin du Congo, contiennent une estimation de plus de 30 milliards de tonnes de carbone, une quantité similaire à celle du carbone stockée dans tous les arbres de la forêt tropicale du bassin du Congo[6].
  • La quantité de carbone stockée dans les tourbières est l’équivalent de trois années d’émission de CO2 dans le monde, selon les chiffres de 2013.
  • Les tourbières du bassin du Congo contiennent un tiers du stock de carbone mondial des tourbières tropicales, estimé à 105 milliards de tonnes.[7]
  • La tourbe stocke le carbone (C) – et non le gaz dioxyde de carbone (CO2). Seulement quand la tourbe se décompose, le carbone sera libéré sous forme de CO2.

 

Pourquoi faut-il préserver les tourbières du bassin du Congo?

 

  • La préservation des tourbières du bassin du Congo est essentielle pour maintenir la stabilité du climat et prévenir la dérive du changement climatique.
  • Si les tourbières du bassin du Congo sont asséchées pour l’exploitation du bois ou l’agriculture, le carbone accumulé depuis plus de 10 000 ans sera libéré sous forme de CO2 dans l’atmosphère, ce qui va aggraver le changement climatique. Les émissions de tourbe asséchée s’étendent sur une période couvrant des décennies, diminuant à mesure que le stock de carbone s’épuise.
  • Une fois asséchées, les tourbières deviennent vulnérables au feu. La combustion des tourbières libère rapidement le CO2 dans l’atmosphère et endommage la capacité de l’écosystème des tourbières à récupérer et à absorber plus de carbone une fois de plus.
  • Les plantes fixent le carbone de l’atmosphère. Au lieu d’être relâché lorsque les plantes meurent et se décomposent, dans les tourbières, ce carbone est stocké à long terme dans la couche de tourbe sous la végétation. La préservation des tourbières est cruciale pour maintenir leur capacité à conserver le carbone hors de l’atmosphère.

 

Quel est le rôle de la forêt humide du bassin du Congo dans le climat régional?

 

  • La forêt humide du bassin du Congo joue un grand rôle dans la régulation du climat de la région, en particulier le régime des précipitations. Plus de 50% des précipitations de la région proviennent de l’évapotranspiration, la somme des pertes d’humidité par évaporation des surfaces de la terre et de l’eau et par transpiration des plantes.[8]
  • La forêt humide du bassin du Congo est le deuxième «moteur» de convection le plus important de la circulation atmosphérique globale après celle des îles de l’Asie du Sud-Est et des eaux environnantes. Lors des saisons de transition (mars-mai et septembre-novembre), le bassin du Congo domine les précipitations tropicales du monde.[9]

 

  1. Population et forêt humide du bassin du Congo

 

  • Les habitants de la forêt humide du bassin du Congo y vivent depuis au moins 50 000 ans.[10]
  • Environ 30 millions de personnes vivent dans la forêt pluviale du bassin du Congo.[11] La forêt humide du bassin du Congo fournit des moyens de subsistance, notamment du combustible, de la nourriture, des matériaux et des médicaments, à environ 60 millions de personnes vivant dans les zones rurales de la région.[12] Deux tiers d’entre eux se trouvent en République Démocratique du Congo.[13] Toutes les personnes qui dépendent de la forêt ne sont pas des autochtones.
  • La forêt humide du bassin du Congo contribue également à nourrir environ 40 millions de personnes vivant dans les centres urbains de la région.[14]

 

III. La biodiversité

 

  • La forêt humide du bassin du Congo compte plus de 10 000 espèces de plantes, dont 3 000 sont endémiques, ce qui signifie qu’elles ne se trouvent nulle part ailleurs sur la terre.[15]
  • En ce qui concerne la biodiversité animale, la forêt humide du bassin du Congo héberge plus de 400 espèces de mammifères, 1 000 espèces d’oiseaux, 200 espèces d’amphibiens, 300 espèces de reptiles et plus de 900 espèces de papillons[16].
  • Les principaux centres d’endémisme animal dans la forêt pluviale du bassin du Congo sont la partie côtière (sud du Cameroun, Guinée équatoriale et Gabon) et le Rift Albertin.[17]
  • Conservation International a désigné la République Démocratique du Congo comme l’un des 17 pays les plus mégadivers du monde, sur la base de l’endémisme et d’autres critères tels que la diversité des espèces, la diversité des écosystèmes et la présence d’écosystèmes de forêt tropicale humide.[18]
  • Bien que la forêt humide du bassin du Congo dans son ensemble ne soit pas un point chaud de la biodiversité, ses bords occidental et oriental le sont. Les forêts ombrophiles de l’ouest du Cameroun font partie du point névralgique de la biodiversité des forêts guinéennes d’Afrique de l’Ouest et les forêts ombrophiles du Rift Albertin font partie du point névralgique de la biodiversité de l’Afromontane oriental.[19] La notion de «points névralgiques de la biodiversité» désigne des endroits où des concentrations exceptionnelles d’espèces endémiques subissent une perte d’habitat exceptionnelle.[20] Elle a été développée par Norman Meyers et adoptée par l’ONG Conservation International comme outil pour hiérarchiser les efforts de conservation.
  • 11% de plus de 400 espèces de mammifères dans la forêt du bassin du Congo sont menacées, 1% des espèces d’oiseaux connues et 15% des près de 300 espèces d’amphibiens connues.[21]

 

  1. Déforestation et dégradation

 

Quelles sont les causes de la dégradation des forêts dans le bassin du Congo?

 

  • L’exploitation forestière destinée à l’extraction du bois est la principale cause de la dégradation des forêts du bassin du Congo.[22] Ce qui englobe à la fois l’abattage légal et illégal, l’abattage industriel dans sa forme artisanale de l’exploitation forestière, à la fois sur des permis des concessions gérées à long terme et dans l’exploitation à court terme.
  • La demande urbaine croissante en bois de feu (y compris le charbon de bois) dans la région est un autre facteur majeur de la cause de la dégradation et de la déforestation, en particulier dans les zones périurbaines. Au Cameroun, (83% de la population) et en République Démocratique du Congo (87% des ménages de Kinshasa), les ménages dépendent largement du bois de chauffe pour la cuisine quotidienne.[23]

 

Combien y a-t-il de paysages forestiers intacts dans le bassin du Congo?

 

  • En 2013, la forêt du bassin du Congo comptait 86 millions d’hectares de paysages forestiers intacts (IFL), 7% des IFL restants dans le monde. Plus de 70% des paysages forestiers intacts du bassin du Congo se trouvaient en République démocratique du Congo, qui contient à elle seule 5% des IFL du monde.[24]

 

 

 

 

 

[1] John Couwenberg, ‘Greenhouse Gas Emissions from Managed Peat Soils: Is the IPCC

Reporting Guidance Realistic?’, Mires & Peat, 8 (2011), 1.

[2] F. Parish et al. (eds), Assessment on Peatlands, Biodiversity and Climate Change. Main

Report (Kuala Lumpur & Wageningen: Global Environment Centre & Wetlands International,

2008), xv, online:

<http://www.imcg.net/media/download_gallery/books/assessment_peatland.pdf>.

 

[3] Dargie et al., op. cit., (note 11), 86.

[4] Greta C. Dargie et al., ‘Age, Extent and Carbon Storage of the Central Congo Basin Peatland

Complex’, Nature, 542, 7639 (2017), 86.

[5] Greta C. Dargie et al., ‘Congo Basin Peatlands: Threats and Conservation Priorities’,

Mitigation and Adaptation Strategies for Global Change (2018), online:

<http://link.springer.com/10.1007/s11027-017-9774-8>, accessed 29 January 2018.

[6] Dargie et al., op. cit., (note 11), 86

[7] Dargie et al., op. cit., (note 11), 86

[8] Devers and vande Weghe, op. cit., (note 4), 13.

[9] J. B. Fisher et al., ‘African Tropical Rainforest Net Carbon Dioxide Fluxes in the Twentieth

Century’, Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 368, 1625

(2013), 1; Malhi et al., op. cit., (note 8), 6.

[10] Devers and vande Weghe, op. cit., (note 4), 14.

[11] evers and vande Weghe, op. cit., (note 4), 14. There are no reliable censuses or surveys

about the number of people living in the Congo Basin forest, hence these figures are

notoriously unreliable. According to a 1997 publication, approximately 12 million lived in the

humid tropical forest area. ; Daou V. Joiris, ‘Introduction régionale’, Civilisations, 44 (1997), 32.

[12] R. Nasi et al., ‘Empty Forests, Empty Stomachs? Bushmeat and Livelihoods in the Congo

and Amazon Basins’, International Forestry Review, 13, 3 (2011), 360.

[13] L. Debroux et al. (eds), Forests in Post-Conflict Democratic Republic of Congo: Analysis of a

Priority Agenda. A Joint Report by Teams of the World Bank, Center for International Forestry

Research (CIFOR), Centre International de Recherche Agronomique Pour Le Développement

(CIRAD), African Wildlife Foundation (AWF), Conseil National Des ONG de Développement Du

Congo (CNONGD), Conservation International (CI), Groupe de Travail Forêts (GTF), Ligue

Nationale Des Pygmées Du Congo (LINAPYCO), Netherlands Development Organisation (SNV),

Réseau Des Partenaires Pour l’Environnement Au Congo (REPEC), Wildlife Conservation

Society (WCS), Woods Hole Research Center (WHRC), World Agroforestry Centre (ICRAF) and

World Wide Fund for Nature (WWF). (Bogor, Indonesia: CIFOR, 2007), ix.

[14] Nasi et al., op. cit., (note 29), 360.

[15] Devers and vande Weghe, op. cit., (note 4), 11.

[16] http://www.wwf-congobasin.org/congo_basin_at_a_glance/area/wildlife/

[17] G. Duveiller et al., ‘Deforestation in Central Africa: Estimates at Regional, National and

Landscape Levels by Advanced Processing of Systematically-Distributed Landsat Extracts’,

Remote Sensing of Environment, 112, 5 (2008), 1969–81.

[18] UN environment and WCMC, ‘Megadiverse Countries Definition’, Biodiversity A-Z (n.d.),

online: <http://www.biodiversitya-z.org/content/megadiverse-countries>, accessed 30

November 2017.

[19] Birdlife International, Ecosystem Profile. Eastern Afromontane Biodiversity Hotspot (Critical

Ecosystem Partnership Fund, 2012), online:

<http://www.cepf.net/Documents/Eastern_Afromontane_Ecosystem_Profile_FINAL.pdf>,

accessed 25 September 2017; Ecosystem Profile. Upper Guinean Forest Ecosystem of the

Guinean Forests of West Africa Biodiversity Hotspot (Critical Ecosystem Partnership Fund,

2000), online:

<http://www.cepf.net/Documents/final.guineanforests.upperguineanforest.ep.pdf>.

[20] Norman Myers et al., ‘Biodiversity Hotspots for Conservation Priorities’, Nature, 403, 6772

(2000), 853–858.

[21] Devers and vande Weghe, op. cit., (note 4), 2; IUCN, ‘Afropavo Congensis: BirdLife

International: The IUCN Red List of Threatened Species 2016: E.T22679430A92814166’

(International Union for Conservation of Nature, 2016), online:

<http://www.iucnredlist.org/details/22679430/0>, accessed 30 November 2017.

[22] Bérenger Tchatchou et al., Deforestation and Forest Degradation in the Congo Basin: State

of Knowledge, Current Causes and Perspectives. Occasional Paper 144 (Center for

International Forestry Research (CIFOR), 2015), 28, online:

<http://www.cifor.org/library/5894/deforestation-and-forest-degradation-in-the-congo-basinstate-

of-knowledge-current-causes-and-perspectives/>, accessed 8 March 2016.

[23] R. Eba’a Atyi et al., ‘Economic and Social Importance of Fuelwood in Cameroon’,

International Forestry Review, 18, 2 (2016), online:

<http://www.cifor.org/library/6098/economic-and-social-importance-of-fuelwood-incameroon/>,

accessed 2 October 2016; Jolien Schure et al., Woodfuel for Urban Centres in

the Democratic Republic of Congo: The Number One Energy and Forest Product Returns to

the Policy Agenda. Civor Brief No. 7 (CIFOR, 2011).

[24] Peter Potapov et al., ‘The Last Frontiers of Wilderness: Tracking Loss of Intact Forest

Landscapes from 2000 to 2013’, Science Advances, 3, 1 (2017), 4–5.