Selon des documents du ministère de l’agriculture chinois, la flotte de pêche en haute mer chinoise est maintenant la plus importante des eaux ouest africaines, avec plus de 400 navires produisant des prises d’un montant de près de 400 millions d’euros par an.
La plupart des navires pratiquent le chalutage par le fond, une forme extrêmement destructrice de pêche qui rafle tout sur son passage – et qui est en large partie responsable de la disparition des stocks de poissons dans les eaux chinoises.
Un photographe de Greenpeace a passé un mois en Afrique de l’Ouest, à bord des bateaux de pêche et à terre, documentant un secteur qui apparaît très peu régulé, et les vies qui en sont affectées. En mai 2015, Greenpeace avait exposé 74 bateaux de pêche chinois qui pêchaient en eaux interdites et qui avaient fraudé sur leur déclaration de tonnage.
Entre 2001-2006 et 2011-2013, un total de 183 cas de pêche « illégale, non reportée et non régulée » (IUU) impliquant des navires chinois a été reporté.
Surpêche
Les eaux bordant les côtes ouest africaines sont parmi les plus riches au monde, aiguisant les appétits d’une industrie mondiale qui produit 3.6 millions de tonnes de poisson par an.
Depuis les années 1950, 47 pays ont pratiqué la pêche en haute mer dans la région. Plus de 70% des bateaux de pêche chinois en Afrique se trouvent au large des côtes du Sénégal, de la Mauritanie, de la Guinée Bissau et d’autres pays ouest africains.
Des décennies d’exploitation intensive des mers ouest africaines, par tous les pays opérant dans la zone, ont conduit à une surexploitation de plus de 50% des ressources en poisson.
Conditions de travail
L’arrivée de la flotte de pêche chinoise a eu un impact social important sur les pays ouest africains. Au Sénégal, le poisson représente 70% des apports en protéines animales. Toute diminution des stocks de poissons a donc des conséquences sur le régime alimentaire des sénégalais.
Les navires chinois sont aussi devenus à la fois une source de compétition pour les pêcheurs-artisans, et une source d’emplois mieux payés pour l’industrie de la pêche locale. 15% de la population active sénégalaise travaille dans le secteur de la pêche. Sur ces 100 000 travailleurs, 90% sont employés dans des activités de pêche artisanale traditionnelle. Alors que les stocks de poissons sont soumis à de fortes pressions de la part des navires de pêche étrangers, les pêcheurs-artisans sont obligés de se rendre de plus en plus loin des côtes pour effectuer leurs prises. Les autres10% des travailleurs du secteur de la pêche sont employés sur des bateaux de pêche en haute mer. Ils y gagnent un salaire relativement élevé jusqu’à 100,000 CFA (152 euros) par mois.
Les pêcheurs chinois sont également attirés par les perspectives de salaire élevé offertes par l’industrie de la pêche en eaux lointaines. Les employés à bord de navires de pêche lointaine gagnent en moyenne entre RMB80,000 et RMB300,000 (11,000 à 41,000 euros), significativement plus qu’un salaire moyen de RMB50,000 à RMB200,000 (6,800 à 26,900 euros) dans la flotte de pêche domestique chinoise.
Sur les bateaux naviguant en Afrique de l’Ouest, 13 membres d’équipage sur 20 proviennent d’Afrique de l’Ouest, les 7 autres étant chinois.
A terre
L’industrie de la pêche ne se limite pas seulement aux activités en mer. La demande en produits transformés à base de poissons, utilisés par exemple pour l’alimentation des animaux, l’aquaculture ou l’agriculture industrielle, est en pleine recrudescence en Chine, poussée notamment par la croissance mondiale de l’industrie de la viande.
Les sociétés de transformation de poisson sont attirées par la Mauritanie en raison des soutiens gouvernementaux pour le secteur et la richesse de la région en ressources en sardines, un poisson riche en protéines qui est idéal pour cette industrie. L’usine Lem Fishmeal à Nouadhibou, la deuxième plus grande ville de Mauritanie, en est un exemple. Sur les 20 usines que compte la ville, la moitié d’entre elles appartiennent à des chinois. Les usines sont la colonne vertébrale autour de laquelle s’articule la communauté chinoise de Nouadhibou, qui compte autour du millier de membres.
L’industrie de la pêche en Afrique de l’ouest est juste un exemple du nouveau rôle de la Chine, en tant que force essentielle qui façonne l’Afrique du 21e siècle. Alors que l’influence de la Chine augmente à travers l’Afrique, la pression va s’intensifier sur les ressources et les communautés du continent.
Traduit de l’article original sur Greenpeace EnergyDesk de Tom Baxter et Pan Wenjing