« Quel que soit le prix à payer, le Sénégal va préserver ses forêts ». Tel est l’engagement pris par le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, en visite à Hambourg. Cette déclaration a été faite au micro de la radio allemande Deutsche Welle, le mercredi 16 février 2022 alors qu’il abordait, entre autres points, la libération des militaires sénégalais pris en otage et récemment libérés par le mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC).

Ces propos du Président Macky Sall sont en phase avec la précédente nomination du militant écologiste et ancien ministre Haïdar El Ali, à la tête de l’Agence Sénégalaise de la Reforestation pour l’avènement d’un « Sénégal vert » dans le cadre du projet Grande Muraille Verte (GMV).
Laboratoire à ciel ouvert, la partie sénégalaise de ce projet panafricain visant à ralentir l’avancée du désert en Afrique au moyen d’une ceinture verte de Dakar à Djibouti (7 600 km d’Ouest en Est de l’Afrique), couvre une superficie de 80 000 hectares. Depuis son lancement en 2008, entre 1,7 et 2 millions de plants ont été mis en terre, pour une superficie moyenne de 5 000 hectares de reboisement.
Pour la touche du chef, Haïdar El Ali qui est en terrain connu, a déclaré sur les ondes de la RFM, le 19 décembre 2019, à propos de ce projet pharaonique : « L’impact attendu, c’est que dans tous les villages, qu’il y ait des arbres fruitiers. Que dans tous les champs, les populations acceptent d’y planter des espèces qui favorisent la remontée d’azote. Le reboisement que nous faisons, n’est que le début d’un long processus que nous comptons bien mener au bout. »
Péril sur le projet de reforestation: le trafic illicite de bois
Invité de l’émission « Grand Jury du Dimanche » de la RFM du dimanche 30 janvier 2022, Haïdar El Ali a jeté un pavé dans la mare de…notre optimisme :« Ces histoires d’attaque armées et de conflits entre ceux qui protègent et ceux qui pillent, ne datent pas d’aujourd’hui. Avant ça passait par là Gambie, mais ce secteur a été fermé suite à l’enquête de la BBC qui a ouvertement montré que le groupe Bolloré transportait du bois dans ses conteneurs ».
Avant d’alerter que le trafic a repris de plus belle, en passant cette fois-ci, par le corridor Dakar-Bamako : « Comme la marchandise malienne passe par le Sénégal, toutes les denrées de première nécessité, c’est des milliers de containers qui quittent le port de Dakar et qui vont au Mali et reviennent à vide. Donc, les trafiquants l’ont compris et ils se sont déplacés vers Kédougou. Ils traversent le fleuve Sénégal. Ces bois sont transportés par ces containers qui rentraient du Mali à vide et maintenant rentrent remplis de bois de vène ».

M. Haïdar a-t-il dit tout haut ce que tout le monde savait ? Ou le gouvernement sénégalais ne le savait-il tout simplement pas ?
Tout ceci ne rassure guère quant à l’engagement et à la capacité réelle de l’Etat sénégalais de lutter contre ce trafic d’un autre âge.
Les forêts du Sénégal en souffrance, les mers deviennent un désert liquide.
Le trafic illicite de bois et la déforestation au Sénégal sont des problématiques majeures dont les solutions sont à chercher tant au niveau de l’Etat que du côté de la société civile. Ce fléau qui menace la stabilité du Sénégal plus au profit d’un certain groupe armé (MFDC), s’inscrit en contradiction avec le sentiment de cohésion nationale et des efforts fournis par le gouvernement du Sénégal pour parer à cette situation.
Macky Sall aura t-il le mérite de magnifier en actes ce passage tant chanté de notre hymne nationale: “Unissons la mer et les sources, unissons la steppe et la forêt“?
Greenpeace Afrique salue ces mesures pour sauver les forêts Sénégalaises, mais exhorte l’Etat du Sénégal à prendre des mesures idoines pour préserver également les océans et les ressources halieutiques. Ces mesures passent par une transparence dans la gestion du secteur de la pêche et la publication de la liste des navires de pêche industrielle autorisés à pêcher dans les eaux sous juridictions sénégalaise, la lutte contre la fraude au tonnage par le rejaugeage de tous les navires de pêche industrielle et la mise en oeuvre de mesure de gestion durable pour faire régénérer la ressource halieutique.
Et puis, engagement pour engagement, qu’est-ce que l’Etat sénégalais entend faire, ici et maintenant, pour arrêter le processus de mort programmée de nos mers et de tout ce qui gravite autour ?
Oui M. le Président ! Près de 600.000 acteurs du secteur de la pêche sont menacés par la surpêche des chalutiers étrangers et l’industrie de farine et d’huile de poisson qui continuent de réduire à néant nos ressources halieutiques.

Cheikh Bamba Ndao – Greenpeace Africa – Twitter: @publicheikh