Dr. Hyacinthe TCHAKOUNTE
Laboratoire de Modélisation et de Simulation en Ingénierie, Biomimétique et Prototypes (LAMSEBP), Département de Physique, Faculté des Sciences, Université de Yaoundé I, B.P. 812, Yaoundé, Cameroun.

L’Afrique possède 40 % du potentiel solaire mondial, la part d’ensoleillement la plus élevée du monde. Et pourtant, plus de la moitié de ses habitants n’a toujours pas accès à l’électricité, et sa population est celle qui souffre le plus au monde de la pollution des énergies nocives. Ce continent  a toujours été considéré comme l’un des réservoirs qui réussit à équilibrer la température générale du globe terrestre, notamment en absorbant les gaz à effet de serre. Malheureusement ces dernières années, la course effrénée au développement et à l’émergence a conduit beaucoup de pays dans l’industrialisation. Cela a pour conséquence l’utilisation anarchique des matières plastiques non biodégradables, le rejet des fumées toxiques par plusieurs entreprises et véhicules, la coupe abusive des bois de forêt, l’utilisation croissante des produits chimiques pour la fabrication des engrais et dans l’alimentation pour ne citer que ceux-ci. Pourtant, il existe des solutions intrinsèques liées aux richesses naturelles du continent africain du fait de sa position géographique : les énergies renouvelables. Ces énergies ne sont pas exploitées de façon optimale du fait qu’il y a un grand manque en technicité mais surtout en innovations technologiques. L’Afrique regorge plusieurs universités et centres de recherche où des innovations voient le jour, cependant plusieurs de ces centres n’ont pas de plateau technique pour tester toutes leurs innovations technologiques. Les innovations technologiques ont ceci de particulier qu’ elles permettent non seulement d’exploiter les types d’énergies renouvelables qui ne l’étaient pas encore mais aussi d’augmenter considérablement l’efficacité de ces systèmes énergétiques. Et plus on augmente le rendement des énergies renouvelables, plus on sera libre de réduire l’utilisation des énergies fossiles qui contribuent en grande partie au réchauffement climatique.     

Quelques innovations technologiques de l’heure

L’on peut citer la méthanisation et la pyrogazéification qui sont des techniques qui permettent de produire du biogaz à partir de la biomasse.  La matière organique est la chose la plus facile à trouver en Afrique. Elle se trouve partout, dans les déchets de cuisine, dans les déchets d’exploitation agricole, en forêt, dans les poubelles, et même dans les toilettes. Plusieurs ne savent pas qu’au même prix ils peuvent construire des toilettes qui possèdent ces technologies. Ils n’auront donc plus besoin d’utiliser des gaz polluants.

L’on peut aussi citer le tracking solaire . Cette innovation se fait de deux manières : de façon logicielle dans les systèmes MPPT (Maximum Power Point Tracking) qui utilisent l’intelligence artificielle mais aussi de façon mécanique en déplaçant les surface qui portent les modules afin qu’elles restent perpendiculaires aux rayons solaires. Il y a également le PV cooling qui est une technologie de refroidissement. En effet, il est bien connu que le rendement des panneaux solaires chute quand la température augmente au-delà de 25 0C.

Prototype de tracking solaire réalisé par nous et ayant reçu le prix du jury de l’association pour la promotion scientifique de l’Afrique (APSA).

Cette technologie est donc très utile dans les zones à forte température. Les concentrateurs d’énergie solaire font aussi partie de telles innovations. Ici une grande proportion de lumière est réfléchie par des miroirs au même endroit pour augmenter l’irradiance solaire. Cette technologie est exploitée au complexe solaire d’Ourzazate au Maroc. Toutes ces technologies peuvent augmenter le rendement des systèmes photovoltaïque de 25% comparativement au système non optimisé. Cette option a déjà été explorée en Namibie avec la mise en place des panneaux avec tracking.

Le prototype de tracking solaire réalisé au Cameroun. Ce dispositif testé expérimentalement en 2019 à l’université de Ngaoundéré a permis d’augmenter de 25% l’énergie solaire générée comparativement aux modules fixes.

Séchoir solaire à convection forcée réalisé localement à Bafoussam en Mars 2022 par un étudiant en thèse de Doctorat à FUNIBER.

D’autres innovations technologiques existent pour optimiser la géothermie (transformation de la chaleur interne des sous-sols en électricité), les centrales éoliennes et l’hydroélectrique. il serait difficile de recommander une des innovations par rapport à d’autres. L’innovation à utiliser dépend déjà du besoin mais aussi du contexte.  

Financer les innovations technologiques dans les ER, la cle pour tirer meilleur profit

Nous recommandons  la recherche mais aussi l’accroissement des  financements des innovations technologiques qui optimisent le rendement des systèmes énergétiques utilisant  les énergies renouvelables. Il faut également construire des centres de recherche basés sur des résultats empiriques. Il faut penser à la mise sur pied des mécanismes de collaboration pour le transfert technologique vers l’Afrique afin qu’elle garde toujours son rôle d’absorbeur des CFC et de régulateur de la température du globe terrestre. Ces innovations technologiques doivent être vulgarisées en priorité dans les zones rurales afin que cesse la coupe des arbres pour les besoins domestiques et énergétiques. Cette batterie de mesures devrait permettre à l’Afrique de tirer meilleur profit de son potentiel énergétique. Mais au préalable il faudra bien définir les indicateurs qui permettront d’évaluer l’impact de ces innovations technologiques dans la réduction des émissions des gaz à effet de serre et de la pollution en général. L’un de cet indicateur est justement la construction des centrales énergétiques utilisant les innovations technologiques appropriées.