
Chaque 9 août, le monde daigne tourner les projecteurs vers les peuples autochtones. On célèbre nos cultures, nos chants, nos visages peints. Et puis, le silence revient. Pourtant, derrière les clichés, nos communautés continuent d’être marginalisées, spoliées, oubliées. Et cela doit cesser.
Je suis Valentin Engobo Mufia, fils de Lokolama, une terre nichée au cœur de la forêt équatoriale de la République Démocratique du Congo. J’ai vu les miens traités comme des intrus sur leurs propres terres. J’ai vu notre savoir ancestral moqué, ignoré, exploité. Ma tribu, les Tshwa, vit en symbiose avec la forêt depuis des générations. Nous en connaissons les plantes, les esprits, les mystères. Et pourtant, dans l’esprit de nombreux décideurs, nous restons des « sous-citoyens », des obstacles au développement, des ombres dans la forêt.

Mon grand-père fut parmi les premiers à briser ce mur d’invisibilité, à refuser la soumission imposée par les colons et les élites locales. Il a ouvert la voie. Aujourd’hui, je poursuis ce combat, non pour moi, mais pour que mes enfants et les enfants de leurs enfants puissent encore marcher dans une forêt vivante, et le front levé.
Car ce n’est pas seulement notre culture qui est menacée. C’est aussi votre avenir. Les tourbières que nous protégeons depuis des siècles sont parmi les plus grands puits de carbone de la planète. Elles constituent une barrière naturelle contre le dérèglement climatique. Mais au lieu de nous écouter, on nous évince. On nous nie le droit de propriété sur les terres que nous préservons mieux que quiconque. On continue d’approuver des projets destructeurs sans notre consentement, parfois même en notre nom, sans notre présence.

Il m’est arrivé de dénoncer ces abus jusqu’aux portes des grandes institutions, de porter plainte contre la Banque mondiale pour ses politiques aveugles. Ce combat est plus que politique. Il est vital. Nous luttons pour notre survie, pour notre dignité, pour que notre identité ne soit plus effacée ou instrumentalisée à des fins opportunistes.
Aujourd’hui, nous n’acceptons plus les promesses creuses ni les gestes symboliques. Nous exigeons :
- Une reconnaissance juridique claire et internationale de nos droits,
- Un accès direct et structuré aux financements climatiques,
- Des formations adaptées à notre réalité,
- Et surtout, notre intégration pleine et entière dans les politiques de développement.

Les peuples autochtones ne veulent plus être réduits à des rôles décoratifs dans des conférences climatiques ou des rapports d’ONG. Nous ne sommes pas des figurants dans la lutte écologique; nous en sommes les premiers acteurs. Nous voulons être respectés comme tels, partenaires à part entière.

Je crains, oui, que certains continuent à parler à notre place, à capter des financements sans jamais nous consulter. Mais j’ai foi en la prophétie que nous portons depuis longtemps : « les peuples de la forêt retrouveront leur voix et éclaireront le chemin des autres ».
Préserver la forêt ne signifie pas la figer ou l’interdire. Cela signifie l’honorer, l’utiliser avec respect. Ce respect, nous l’avons toujours eu. Il est temps que les politiques publiques et les institutions l’aient aussi. Il est temps que les dirigeants soutiennent enfin les projets nés dans nos communautés, qu’ils protègent réellement nos terres ancestrales et mettent fin à l’exploitation destructrice des ressources naturelles..

Car au fond, nous sommes la forêt. Et tant que nous serons debout, nous lutterons pour elle, pour nous, pour vous, pour le futur.
Par Valentin Engobo Mufia, représentant des peuples autochtones Tshwa de Lokolama, RDC
Contact:
Raphael Mavambu, Communication et Media, [email protected], +243 810 679 437