Par Awa Traoré, Chargée de campagne océans à Greenpeace Afrique

Ces derniers temps, je m’aperçois que le débat sur la pollution plastique prend différentes tournures. Lorsque certains acteurs de la société civile s’efforcent de trouver des alternatives de  nettoyage, de recyclage, et de réutilisation du plastique, d’autres se penchent sur les alternatives traditionnelles telles que l’utilisation des sacs alternatifs en pagne tissé ou rafia, ou l’utilisation des calebasses, comme paniers de la ménagère qui, en son temps, constituaient le petit bijou de marché de nos grands mères et mères de l’époque.

Toutefois, aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence. Malgré toutes ces bonnes volontés, actions citoyennes et initiatives écoresponsables, force est de reconnaître que toutes ces énergies positives réunies ne parviendront pas à résoudre seules et de manière effective ce péril du plastique. Tant que les entreprises responsables de cette crise du plastique n’y mettront pas des leurs en arrêtant la production massive de cette substance toxique, la biodiversité, le paysage urbain, les océans, l’écosystème en général continuera d’être menacé et dégradé.

Actuellement, certaines entreprises de produits de grande consommation tentent de résoudre leur problème de plastique en faisant passer leurs emballages jetables du plastique au papier.

Ces entreprises considèrent le remplacement du plastique par le papier comme étant une alternative innovatrice et une action positive qui méritent de faire leurs éloges parce que le papier a longtemps été considéré comme un matériau écologiquement durable. Cependant, en réalité, ce changement est problématique.

Les forêts jouent un rôle unique en soutenant un vaste éventail de biodiversité, en éliminant et en stockant le carbone, en fournissant subsistance et moyens de subsistance aux peuples autochtones et en fournissant toute une gamme de services écologiques permettant de préserver la vie.

L’industrie de la pâte à papier et du papier est responsable d’impacts considérables sur l’environnement, notamment le changement climatique, du fait que l’exploitation forestière et les grandes plantations industrielles d’arbres entraînent la dégradation naturelle des forêts, émettant d’énormes quantités de CO2.

Dans la course pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés Celsius, réduire les émissions ne suffit pas. Nous devrons également éliminer d’énormes quantités de dioxyde de carbone de l’atmosphère. Les moyens les plus efficaces d’y parvenir sont de préserver nos forêts en évitant toutes formes de déforestation, restaurer les forêts dégradées et de reboiser de grandes parties des zones perdues dans le passé. Ceci est fondamentalement incompatible avec une augmentation de l’exploitation forestière et des plantations industrielles.

Bien que le papier soit recyclé depuis des siècles, les systèmes actuels de recyclage du papier ne parviennent pas à fournir suffisamment de fibres recyclées de qualité dans de nombreux pays, en partie à cause de la contamination du flux de recyclage, ce qui incite les municipalités à incinérer ou à mettre en décharge de grandes quantités de papier collectées pour le recyclage.

Les grandes entreprises de produits de grande consommation qui ont annoncé le passage aux emballages en papier ne semblent pas au courant de ces limitations; aucune d’entre elles ne s’est engagée à s’approvisionner exclusivement en fibres recyclées post-consommation, et beaucoup ignorent même la recyclabilité future de leurs emballages en papier.

C’est donc dire que le passage du plastique à d’autres formes d’emballage à usage unique ne résoudra pas la crise de la pollution plastique. Pour faire face à cette crise mondiale, des entreprises telles que Nestlé, PepsiCo, Procter & Gamble, Coca Cola, etc. doivent de toute urgence réduire le nombre d’unités de conditionnement jetables qu’elles vendent.

Compostables, biodégradables, recyclables… depuis des années, les entreprises affirment que ces solutions «innovantes» répondent à la pollution plastique à laquelle nous sommes confrontés. Mais elles ont tort. Ce qu’elles promettent sont des solutions fausses qui ne fonctionnent pas.

Elles doivent de toute urgence réduire la quantité d’emballages jetables qu’elles vendent et investir dans la réutilisation et le rechargeable/remplissage en éliminant les emballages inutiles et excessifs tels que les capsules de café par exemple.

Toute solution à la crise mondiale de la pollution plastique devrait contribuer à une “transition juste” vers une économie sans plastique.

Il est donc temps que ces entreprises qui déclarent s’engager dans la lutte contre la pollution plastique qu’elles ont elles-même contribué à créer cessent d’investir dans les «mauvaises» solutions.

Contacts: Oceans Campaigner, Awa Traoré