Taipei – La grande marque américaine de produits de la mer Bumble Bee et son propriétaire taïwanais, le négociant en thon FCF, sont soupçonnés de pratiques de pêche illégales et de violations des droits humains dans le cadre de leur chaîne d’approvisionnement, selon un nouveau rapport d’enquête de Greenpeace Asie du Sud-Est.

Le rapport « Fake My Catch – the unreliable traceability in our tuna cans », qui aborde la traçabilité douteuse du thon en boîte de Bumble Bee, constate que les informations fournies par la marque grand public sur ses produits sont incomplètes voire incorrectes dans certains cas. Après avoir collecté des centaines de boîtes de thon dans des supermarchés américains, Greenpeace Asie du Sud-Est (Taipei) et Greenpeace États-Unis ont saisi 73 codes de boîtes distincts dans le système « Trace My Catch » (TMC) de Bumble Bee, système qui permet aux consommateurs et consommatrices de connaître la provenance des produits de thon de l’entreprise[1]. Les données ont ensuite été recoupées avec celles de l’Agence des pêches de Taiwan (TFA) et de Global Fishing Watch, un outil en libre accès qui analyse les activités de pêche au niveau mondial.

Les conclusions de Greenpeace Asie du Sud-Est notent que :

  • plus de 10 %, soit 13 des 119 navires battant pavillon taïwanais ou appartenant à des entreprises taïwanaises identifiés dans l’échantillonnage qui fournissaient Bumble Bee avaient violé la réglementation taïwanaise en matière de pêche, et figuraient sur la liste des navires de pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INDNR) de la TFA;
  • des indicateurs de travail forcé ont été identifiés dans les rapports des pêcheurs qui travaillaient à bord de six des navires qui approvisionnaient Bumble Bee et FCF[2];
  • les prises du navire taïwanais Da Wang, dont l’équipage a été inculpé pour travail forcé et trafic d’êtres humains, ont servi à approvisionner Bumble Bee, ce qui fait craindre que des produits de la mer issus du travail forcé aient déjà été vendus sur le marché américain. En outre, un pêcheur migrant est décédé des suites d’un accident, alors qu’il travaillait sur le Da Wang, ce qui aurait poussé les autres travailleurs à démissionner en raison des abus physiques excessifs subis.

Mallika Talwar, Chargée de campagne senior pour la campagne Océans de Greenpeace États-Unis, a déclaré :

« Nous ne sommes pas surpris par le niveau élevé de disparité entre ce que Bumble Bee communique à sa clientèle américaine et ce qui a été découvert dans cette enquête. Bumble Bee prétend être au service des gens et de la planète, mais ce que nous montre ce rapport, c’est une entreprise qui contourne ses responsabilités afin de faire du profit. Les États-Unis sont l’un des plus grands importateurs mondiaux de produits de la mer et peuvent exercer une influence considérable pour mettre fin au travail forcé en mer. Différentes antennes de Greenpeace ont passé des années à documenter les violations des droits humains dans la chaîne d’approvisionnement de FCF. Sachant qu’il y a de fortes chances que des produits de la mer entachés par de tels abus entrent sur le marché américain, nous demandons aux services des douanes et de la protection des frontières de bloquer l’importation des produits suspects de FCF. En outre, l’administration Biden doit mettre fin à l’ère où les entreprises et les détaillants américains pouvaient tirer profit de produits de la mer issus du travail forcé[3]. »

Greenpeace Asie du Sud-Est (Taipei) a également interrogé 27 pêcheurs migrants et a constaté qu’ils déclarent tous avoir subi ou observé au moins un indicateur de travail forcé tel que ceux définis par l’Organisation internationale du travail (OIT) des Nations Unies. Sur les neuf personnes qui travaillaient sur les six navires fournissant du poisson à Bumble Bee et FCF, toutes ont fait état d’heures supplémentaires excessives, et presque toutes ont signalé la rétention des salaires et la confiscation des documents, des pratiques parfois utilisées par les opérateurs de navires ou les agences de recrutement pour dissuader ou empêcher les pêcheurs de partir ou de mettre fin à leur contrat de manière anticipée.

Les pêcheurs ont également décrit les conditions de vie et de travail comme étant dures. Selon la déclaration d’un pêcheur, M. J, qui travaillait sur le navire Jubilee battant pavillon taïwanais :

« Nous travaillions au moins 16 heures par jour, et parfois notre travail commençait à 13 heures et se terminait à 5 heures du matin le jour suivant. »

Yuton Lee, Chargée de campagne Océans pour Greenpeace Asie du Sud-Est (Taipei), a déclaré :

« FCF, en tant que société mère de Bumble Bee, devrait cesser de fuir ses responsabilités et de se cacher derrière un outil de traçage indigne de confiance. FCF souligne l’importance de son engagement en faveur de la soutenabilité environnementale et des droits humains, mais il existe un écart important entre les politiques de FCF et la réalité. Cette enquête démontre comment les entreprises de produits de la mer risquent de profiter de la vulnérabilité des pêcheurs et comment des produits de la mer issus de l’esclavage peuvent pénétrer les marchés de consommation du monde entier. En s’approvisionnant auprès de navires de pêche qui pratiquent ou sont soupçonnés de pratiquer la pêche INDNR et de violer les droits humains, Bumble Bee et FCF nient les efforts déployés par les pêcheurs respectueux de la loi pour créer une pêche soutenable et éthique, et ne défendent pas les droits de ces pêcheurs à une concurrence loyale. En tant que l’un des trois premiers négociants de thon au monde, FCF a la lourde responsabilité de mettre fin à cette exploitation ─ afin de respecter la santé des océans, la vie des pêcheurs en mer et les choix éclairés des consommatrices et consommateurs. »

Sarah King, Responsable de la campagnes Océans & Plastique de Greenpeace Canada, a commenté le rapport : 

« Clover Leaf, principale marque de produits de thon en conserve au Canada et société sœur de Bumble Bee, peut-elle vérifier que ses produits ne proviennent pas de navires de pêche problématiques, notamment ceux sur lesquels pèsent des soupçons de pêche illégale et de violation des droits humains ?

Il est temps pour les détaillants canadiens ─ en particulier ceux qui ont pris des engagements envers la traçabilité et la responsabilité sociale dans leurs chaînes d’approvisionnement ─ de prendre des mesures plus fermes pour débarrasser leurs rayons des marques qui ne peuvent pas garantir un thon issu de pratiques de pêche soutenables, équitables et justes. »

Parmi les recommandations, Greenpeace Asie du Sud-Est demande à Bumble Bee et à FCF de présenter des excuses aux pêcheurs exploités, aux détaillants et à leur clientèle; de retirer du marché les produits soupçonnés de contenir du thon issu de la pêche INDNR et du travail forcé; de divulguer intégralement la liste de leurs navires fournisseurs; et de mettre en place un comité indépendant afin d’enquêter sur les failles du programme Trace My Catch.

FCF, Bumble Bee et les propriétaires de 24 navires liés à Taïwan ont eu la possibilité de faire des commentaires. FCF, Bumble Bee et sept propriétaires de navires n’ont pas souhaité faire de commentaire. D’autres propriétaires de navires ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de faire de vérifications ou ont nié les allégations [4].

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Une galerie photos et vidéos est disponible ici.

Notes

[1] Les codes proviennent de boîtes de conserve de marque Bumble Bee vendues à Arlington (Virginie), Washington (DC), Durham (Caroline du Nord), Chicago (Illinois) et Columbia (Maryland).

[2] Les six navires sont le De Chan No.116, le Eagle, le Jubilee, le Ren Horng Chun No.168, le Ren Horng Way No.368 et le Yi Man

[3] Organizations urge U.S. to block imports from Taiwanese seafood giant over forced labor concerns 

[4] Les sept navires de pêche qui n’ont pas répondu à Greenpeace sont les suivants : le Chun I No.217, le Eagle, le Jin Wen No.99, le Jubilee, le Man Chi Feng, le Yi Feng No.816 et le Zhen Feng No.8.

Pour plus d’information, veuillez contacter: 

Tanya Brooks, Spécialiste senior en communications pour Greenpeace États-Unis,
(+1) 703-342-9226, [email protected] 

Eliza Yang, Chargée de communications pour Greenpeace Asie-du Sud-Est (Taipei), (+886) 958-658-612, [email protected] 

Shuk-Wah Chung, Responsables communications pour la campagne Pêche mondiale de Greenpeace International, (+852) 5420 4186, [email protected]  

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