Ces derniers jours ont été difficiles. Alors que nous pleurons les innombrables vies noires perdues aux mains de la police et que nous canalisons ce chagrin et cette colère pour nous élever contre la brutalité policière et le racisme systémique, je me sens le devoir de parler du suprémacisme blanc et de la violence policière contre les communautés noires et autochtones ici au Canada. 

Je me sens également le devoir de parler de cette oppression permanente avec les partisan·es et les sympathisant·es de Greenpeace. Greenpeace a déjà expliqué que les liens entre les luttes pour la justice environnementale et raciale expliquent en partie pourquoi nous nous exprimons en faveur de cette dernière. Mais ce n’est pas la seule raison. 

Quels que soient les liens entre ces mouvements, nous nous élevons contre l’injustice raciale et la brutalité policière envers les communautés noire et autochtone ainsi que les autres communautés non-blanches. Pourquoi? Car cela est tout simplement mal, inhumain et que trop c’est trop. Nous luttons contre le suprémacisme blanc parce que rester silencieux·se, c’est se rendre complice. J’espère qu’au sein du mouvement environnemental au Canada, mais aussi dans les cercles qui nous sont extérieurs, nous intensifierons toute et tous notre militantisme antiraciste.

https://www.instagram.com/p/CAxm7qXHLIO/

Porter le regard sur nos propres biais raciaux 

La semaine dernière à Toronto, Regis Korchinski-Paquet, une femme afro-autochtone de 29 ans, a fait une chute mortelle de son balcon après une interaction avec la police. Jason Collins, un autochtone de 36 ans, a été abattu par la police de Winnipeg en avril, de même qu’Eishia Hudson, une jeune autochtone de 16 ans, tuée par balle. Et ces cas sont loin d’être isolés au Canada.

À Minneapolis aux États-Unis, George Floyd, un homme noir de 46 ans, a été assassiné par la police, suscitant une forte réaction citoyenne dans plusieurs villes aux États-Unis et dans le  monde entier. Souvenons-nous également de Breonna Taylor, d’Ahmaud Arbery et d’innombrables autres vies prises trop tôt. Le racisme et la violence systémiques de la police contre les communautés et les individus noirs aux États-Unis dominent l’actualité. Nous sommes prompt·es à pointer notre voisin du doigt, mais l’histoire du Canada et ses systèmes actuels, incluant le profilage racial, sont également imprégnés de l’idéologie du suprémacisme blanc.

À Toronto, une personne noire a vingt fois plus de chances d’être tuée par la police qu’une personne blanche. À Montréal, selon un récent rapport, les personnes autochtones et noires ont entre quatre et cinq fois plus de chances d’être interpellées par rapport aux personnes blanches;  six fois plus de chances d’être arrêté·es à Halifax. Même chose à Vancouver où dix ans de données révèlent que les personnes noires et autochtones sont surreprésentées lors des contrôles de police dans les rues. Autre fait éloquent, cinq agents de la GRC font en ce moment l’objet d’une enquête pour des interactions violentes avec des Inuits au Nunavut. 

Il s’agit de schémas très clairs d’oppression systémique contre les communautés autochtones et noires; des schémas d’oppression fondés sur un passé éminemment  violent : esclavage, terres volées, incarcérations massives, racisme environnemental, pensionnats, femmes et filles autochtones disparues et assassinées, « Sixties Scoop », et bien d’autres encore. Si l’on ajoute à cela les innombrables répercussions que subissent les autres communautés non-blanches dans ce pays, qu’il s’agisse de l’escalade du racisme anti-asiatique pendant la pandémie ou des attaques islamophobes, dont le meurtre de six musulmans au Québec en 2017, la liste s’allonge année après année. 

Le fait que les injustices raciales systémiques soient ancrées dans la société canadienne est indéniable. 

D’autres lectures:

À écouter:

À signer:

Les causes bien ancrées de l’injustice 

Les valeurs qui sous-tendent la lutte pour les droits des communautés noires et pour la souveraineté des peuples autochtones sont les mêmes que celles qui sous-tendent la lutte pour la justice environnementale. Bien que ces liens ne soient pas la raison première qui justifie notre solidarité — il nous paraît essentiel d’être antiracistes quoi qu’il arrive — chacune de ces injustices découle des mêmes causes profondes et il est crucial de les démanteler. Annie Leonard, directrice générale de Greenpeace USA, l’a expliqué dans un blog daté de 2016:

« Nous ne pouvons pas construire un avenir durable et pacifique sans justice raciale, sans équité, sans droits civils ni sans redonner le pouvoir aux communautés de choisir pour elles-mêmes. Nous pensons que les systèmes de pouvoir et de privilèges qui détruisent l’environnement dépouillent également les communautés vulnérables de leur humanité, et, trop souvent, de leur vie ».

Au Canada, les pouvoirs publics et les entreprises ont trop longtemps fait passer les profits avant les gens et la planète. En outre, les communautés autochtone et non-blanche ainsi que celles à faibles revenus sont touchées de manière disproportionnée par la dégradation de l’environnement et subissent les conséquences les plus graves des changements climatiques, aussi bien au Canada qu’ailleurs dans le monde. Mettre fin à l’oppression héritée de notre passé colonial, à la cupidité capitaliste et au suprémacisme blanc nous permettra de construire un avenir plus juste et plus centré sur les communautés; un avenir qui protège le vivant et qui décentralise le pouvoir afin qu’il ne profite plus qu’à une minorité mais au plus grand nombre. Résoudre l’une de ces injustices permettrait de résoudre les autres. 

Nous avons besoin de changements systémiques à tous les niveaux. Réduire le financement du maintien de l’ordre et le réinvestir dans les communautés. Promouvoir une politique climatique ambitieuse et des solutions pour assurer la sécurité alimentaire. Défendre la souveraineté des peuples autochtones et leur consentement préalable, libre et éclairé. Garantir la protection et la restauration de la biodiversité. Si nous voulons vraiment un avenir durable et pacifique pour toutes et tous, nous devons prendre en compte tous ces aspects et lutter pour les obtenir.

Jeunes autochtones menant la marche pour le climat de Montréal, le 27 septembre 2019.

D’autres lectures: 

Utiliser nos privilèges pour faire le bien

Greenpeace a pour mission d’œuvrer pour un avenir durable et pacifique et de confronter les systèmes qui menacent l’environnement, incluant ceux qui entravent l’équité et la justice. 

Nous avons la réputation d’être une organisation audacieuse, qui prend des risques et qui n’a pas peur de faire face au pouvoir en place, au nom de la vérité. Chez Greenpeace Canada, nous jouissons de nombreux privilèges en tant qu’organisation à l’origine majoritairement blanche, qui a réussi à établir une influence internationale. Je m’en voudrais de ne pas mentionner ici que nombre de personnes non-blanches travaillent ou dirigent plusieurs des bureaux de Greenpeace à travers le monde, et contribuent de manière significative à l’avancée de la lutte environnementale. Nous pouvons et nous devons en faire davantage pour mettre notre privilège et nos compétences au service de la lutte contre le suprémacisme blanc et pour être solidaires de celles et ceux qui sont en première ligne dans le combat contre le racisme et pour les droits des populations noires et des peuples autochtones.

Greenpeace n’a pas toujours donné la priorité à l’antiracisme. Nous devons le reconnaître et l’assumer. Désormais, nous accordons à cette lutte l’attention qu’elle mérite. Nos équipes et nos dirigeant·es s’engagent aujourd’hui à intégrer l’antiracisme dans toutes nos activités afin de contribuer à l’émergence de la justice et de la paix, et d’une certaine façon, d’honorer le nom de notre organisation. 

Comment passer d’environnementaliste à environnementaliste-antiraciste

Activistes protestant dans les rues de Washington D.C suite à la mort de George Floyd.

Si vous avez l’environnement à coeur mais que nous n’êtes pas encore engagé·e dans la lutte pour la justice raciale, je vous encourage à commencer. Si vous faites déjà preuve de solidarité, je vous demande d’en faire encore plus. Si vous n’êtes pas une personne noire ou autochtone (et j’inclus mes collègues de race non-blanche dans cette catégorie, en particulier celles et ceux qui bénéficient du suprémacisme blanc), je vous demande d’examiner votre privilège, d’être à l’écoute des environnementalistes noir·es et autochtones, de vous sensibiliser au racisme dans notre mouvement, de vous renseigner sur les expériences des gens racisés qui travaillent pour les groupes environnementaux et de vous demander si vous en faites suffisamment.

Plus d’informations: 

En plus des ressources partagées dans ce blogue, vous en trouverez de nombreuses autres en ligne pour en apprendre davantage. Il existe des organisations que vous pouvez soutenir au travers de dons ou de bénévolat, des pétitions à signer et des actions à amplifier. 

Je vous encourage également à faire vos propres recherches et à réfléchir à la façon dont vous pouvez soutenir les organisations de justice raciale au sein de votre propre communauté. N’hésitez pas à nous identifier sur les réseaux sociaux si vous trouvez des publications antiracistes éloquentes et informatives, afin que nous puissions nous aussi améliorer nos connaissances et amplifier ces ressources (sur Facebook: @greenpeaceqc, sur Twitter: @greenpeaceQC et sur Instagram: @greenpeacequebec).

Les communautés noires et autochtone ont le droit de vivre sans craindre la violence. Si nous ne sommes pas capables d’empêcher une autre mort, c’est que nous n’en faisons pas assez. Perdre Regis Korchinski-Paquet et George Floyd ces derniers jours, et d’innombrables autres avant, signifie que nous arrivons déjà trop tard. Rassemblons-nous pour mettre fin à toutes les formes d’injustice et pour parvenir à bâtir un avenir durable et juste pour toutes et tous.

D’autres lectures:

À suivre sur les réseaux:

Faites un don:

  • Voici une liste grandissante d’organisations auxquelles vous pouvez contribuer, aussi bien aux États-Unis qu’au Canada.