6 000 leaders autochtones sont rassemblé·es depuis le 22 août devant l’esplanade des ministères à Brasilia, la capitale brésilienne, pour défendre leurs terres et leur vie.

Leader autochtone présent au rassemblement « Luta pela vida » (lutte pour la vie) à Brasília, Brésil.
Camp autochtone « Lutte pour la vie » à Brasília, Brésil.

La place Ipê à Brasília, la capitale brésilienne, est le théâtre de la plus grande manifestation autochtone du Brésil. Le 22 août dernier, près de 6 000 leaders et activistes autochtones y ont campé. Ces gens sont venus de toutes les régions du Brésil pour s’élever contre une menace inédite sur leurs terres à l’occasion du rassemblement (« « Luta pela vida »« ) (Lutte pour la vie).

Depuis cette grande mobilisation, un camp d’activistes autochtones est encore présent sur le site.

Pourquoi ce groupe proteste-t-il?

Les politiques anti-autochtones du gouvernement brésilien actuel ─ dirigé par le président d’extrême droite Jair Bolsonaro ─ ont conduit ces dernières années à un recul manifeste des droits des communautés autochtones, les abandonnant à l’appétit de l’industrie agricole et des compagnies minières et forestières pour leurs terres.

Pour les 170 peuples autochtones réunis à Brasilia, c’est un moment crucial, car la Cour suprême du Brésil se prononcera sur une décision de justice qui pourrait limiter considérablement leurs droits fonciers. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a déclaré que cette affaire pourrait légitimer les violences à l’encontre des peuples autochtones et attiser les conflits dans la forêt amazonienne et dans d’autres régions.

Cette décision de justice intervient à un moment où le Congrès brésilien est en train de faire avancer des projets de lois qui pourraient récompenser l’accaparement des terres, mettre fin aux protections environnementales, ouvrir la porte à l’exploitation minière des territoires autochtones et réduire considérablement la superficie de leurs terres protégées.

Le 15 septembre la Cour suprême du Brésil a suspendu cette affaire de droits fonciers autochtones

Ces lois sont défendues par les grands acteurs de l’agriculture industrielle et d’autres secteurs exploitant les ressources, qui souhaitent expulser les peuples autochtones de leurs terres pour y installer des ranchs, des cultures et des mines. Tous ces changements juridiques seraient particulièrement préjudiciables aux 115 peuples autochtones isolés du Brésil ─ officiellement reconnus comme n’ayant eu et ne désirant aucun contact avec le monde extérieur ─ ce qui romprait la politique de protection de non-contact vis-à-vis d’eux.

Camp autochtone « Lutte pour la vie » à Brasília, Brésil.

Pourquoi ces changements juridiques sont-ils si injustes envers les peuples autochtones du Brésil?

Les droits humains et les terres des peuples autochtones sont protégés par la Constitution brésilienne de 1988. Cela signifie que le gouvernement brésilien doit veiller à ce que ces terres soient officiellement reconnues et protégées. Malgré cela, des centaines de terres autochtones n’ont pas été reconnues ou « démarquées » par le gouvernement.

Aujourd’hui, le lobby de l’agriculture industrielle brésilienne, à tendance extrême droite, tente d’utiliser des manœuvres juridiques devant les tribunaux afin de carrément effacer les droits fonciers autochtones énoncés dans la Constitution.

Bien que les peuples autochtones occupent ces terres depuis des temps immémoriaux, les acteurs de l’industrie agricole tentent d’établir une règle arbitraire selon laquelle les revendications territoriales des autochtones ne sont valables que si les communautés occupaient ces terres au moment de l’entrée en vigueur de la Constitution de 1988.

Une telle décision ferait fi de toute l’histoire des déplacements résultant de la violence exercée par les autorités de l’État à l’encontre des peuples autochtones brésiliens au cours des quatre derniers siècles : meurtres, massacres, génocides, déplacements forcés de leurs terres d’occupation traditionnelles et même propagation intentionnelle de maladies.

Camp autochtone « Lutte pour la vie » à Brasília, Brésil.

Pourquoi le rassemblement « Lutte pour la vie » est-il important tant pour le Brésil que pour le reste du monde?

La crise environnementale et celle des droits humains au Brésil sont liées. Ces droits sont attaqués afin d’ouvrir plus grand la voie à la destruction des forêts. Les accapareurs de terres et les secteurs minier et agro-industriel voient dans les droits des peuples autochtones un obstacle à leur développement.

Les peuples autochtones, notamment en Amazonie et dans les autres forêts et zones humides du Brésil, sont en première ligne de la lutte contre le changement climatique. Les Nations Unies estiment que les terres sur lesquelles vivent ces peuples abritent 80 % de la biodiversité restante de la planète ─ une biodiversité cruciale dans la lutte mondiale contre le changement climatique.

Si les terres autochtones de l’Amazonie sont ouvertes à l’agriculture et à l’exploitation minière industrielles, le reste du monde aura du mal à maîtriser le changement climatique. Dans un contexte d’urgence climatique de type « code rouge pour l’humanité », nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de perdre l’Amazonie.

Camp autochtone « Lutte pour la vie » à Brasília, Brésil.

Ce que vous pouvez faire

Les peuples autochtones du Brésil ont lancé un appel international à la solidarité ─ un appel auquel nous avons le devoir de répondre. Voici les deux principales façons dont vous pouvez soutenir la « lutte pour la vie » :

1) Suivez @APIBoficial et amplifiez les voix autochtones.

Montrons au gouvernement brésilien et aux responsables politiques du monde entier que nous sommes toujours aux côtés des peuples autochtones du Brésil et que nous soutenons leur lutte pour protéger leurs terres, leurs droits et leurs vies. La dernière fois que les peuples autochtones ont manifesté à Brasília, ils ont été confrontés aux violences policières. Nous devons donc montrer aux autorités brésiliennes que le monde les regarde.

Nous partagerons également des informations via les comptes Twitter de @GreenpeaceCA et @greenpeaceQC.

2) Demandez au gouvernement canadien de prendre position contre les attaques du gouvernement Bolsonaro envers les droits des Autochtones et l’environnement, et de rejeter l’accord commercial de libre-échange prévu avec le Brésil.

Les leaders autochtones du Brésil ont demandé aux gouvernements internationaux de ne pas signer d’accords commerciaux avec Bolsonaro. Pourtant, notre gouvernement prévoit toujours signer l’accord de libre-échange Canada-Mercosur avec le Brésil, et n’a pris aucune mesure significative en réponse à la crise qui se déroule en Amazonie.

Non seulement l’accord de libre-échange Canada-Mercosur accorderait l’impunité à Bolsonaro pour ses attaques envers les droits des Autochtones et l’environnement, mais il ferait augmenter massivement les importations au Canada de produits liés à la destruction de l’Amazonie, y compris l’importation de viande du Brésil ─ un marché qui pourrait atteindre jusqu’à 1,8 milliard $ chaque année!