Ce texte a été traduit et adapté du blogue Deep sea mining and neocolonialism in the Pacific écrit par James Hita, chargé de mobilisation de Greenpeace Aotearoa pour la campagne Seabed Mining.

L’adoption récente d’un traité mondial sur les océans, qui vise à protéger la biodiversité marine et à réglementer les activités humaines en haute mer, a été une victoire durement gagnée par la communauté internationale. En tant que personne autochtone originaire du Pacifique, nos efforts collectifs pour sauvegarder les océans du monde pour les générations à venir m’ont procuré un sentiment d’espoir et de fierté. 

Toutefois, ce sentiment d’espoir s’est transformé en inspiration lorsque, quelques semaines plus tard, je me suis retrouvé face à un navire qui portait le nom d’un infâme colonisateur du Pacifique, James Cook, et qui cherchait à promouvoir l’exploitation minière en eaux profondes dans la région. La présence de ce navire dans l’océan Pacifique est un rappel brutal de l’héritage permanent du colonialisme et de l’exploitation des ressources naturelles qui sévit dans la région depuis des siècles. 

*Vidéo en anglais

Le fait qu’un navire impliqué dans l’industrie fort controversée de l’exploitation minière en eaux profondes porte le nom d’un individu qui incarne le pire de l’exploitation coloniale dans le Pacifique est une insulte cruelle à ma communauté et aux peuples du Pacifique. Les expéditions de Cook s’inscrivent dans le cadre plus large de la colonisation et de l’exploitation européennes dans le Pacifique, qui ont engendré des conséquences dévastatrices pour les communautés autochtones. Les rencontres de Cook avec les tangata o le moana – les peuples du Pacifique – ont été caractérisées par la violence, les déplacements forcés et l’effacement culturel, les puissances impériales européennes cherchant à imposer leurs valeurs et leurs normes aux populations autochtones de la région.

L’exploitation minière en eaux profondes, tout comme les efforts colonisateurs de personnages tels que Cook, est la continuation de cet héritage d’exploitation et de mépris des droits et de la dignité des peuples du Pacifique. L’impact environnemental de l’exploitation minière en eaux profondes est une préoccupation majeure, car elle pourrait nuire à des écosystèmes fragiles et perturber des processus en eaux profondes qui n’ont pas encore été totalement élucidés. L’extraction des ressources de la région du Pacifique sans consulter ou compenser les communautés locales de manière adéquate est une forme de néocolonialisme qui perpétue l’héritage de Cook.

En tant que personne du Pacifique originaire d’Aotearoa, je suis profondément préoccupé par les impacts de l’extraction minière en eaux profondes et par l’exploitation continue de te Moananui-ā-Kiwa (l’océan Pacifique). Il est temps que la communauté internationale reconnaisse le mal causé par des personnages comme Cook et l’héritage permanent du colonialisme dans le Pacifique, et qu’elle travaille afin de bâtir un avenir plus équitable et soutenable pour les océans et nos peuples.

Les voyages du capitaine Cook en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Hawaï faisaient partie intégrante du projet plus vaste du colonialisme et de l’impérialisme britanniques. Financées par le gouvernement britannique, les expéditions de Cook n’étaient pas de simples missions scientifiques, mais s’inscrivaient dans le cadre d’un effort plus vaste visant à étendre le contrôle territorial britannique, à extraire des ressources et à exercer une influence politique sur les populations autochtones. Les voyages de Cook ont joué un rôle clé dans la colonisation et l’asservissement de nombreuses régions du monde, entraînant le déplacement et l’oppression de nombreuses communautés autochtones.

Les effets persistants du colonialisme sur la région du Pacifique sont profonds, et les communautés autochtones sont confrontées à des défis permanents en raison des injustices historiques. La colonisation a tenté de s’emparer de nos traditions culturelles et de supprimer notre langue, de prendre nos terres et d’exploiter nos ressources naturelles, ce qui a eu des conséquences dévastatrices. La gouvernance coloniale et les systèmes économiques nous ont enfermés dans une société qui a placé notre peuple sur la voie de l’inégalité intergénérationnelle.

Il est important de considérer l’héritage de Cook – et l’héritage de la colonisation dans son ensemble – d’un point de vue critique et de reconnaître le mal qui a été infligé aux peuples et aux environnements rencontrés par les forces occupantes. Les effets dévastateurs du colonialisme se font encore sentir aujourd’hui, et de nombreuses communautés autochtones continuent de lutter afin de pouvoir obtenir reconnaissance, réparations et justice. Il est essentiel que nous reconnaissions et que nous nous attaquions à ce legs colonial et que nous travaillions à un avenir plus juste et plus équitable pour tous les peuples.

Cela me rappelle l’histoire du peuple Banaban. Leurs terres ont été exploitées au-delà de toute réparation et de toute habitabilité, ce qui a conduit à leur déplacement forcé et à la perte de certains éléments de leur culture. Où sont passées ces ressources? Le phosphate extrait à Banaba a été expédié vers des pays comme la Nouvelle-Zélande, où il a servi d’engrais pour lancer la révolution agricole dans ce pays. Encore un exemple d’imposition coloniale sur le Pacifique, et cette fois sur la population d’Aotearoa. Voyez-vous le schéma d’accaparement qui se dessine dans cette histoire? Des peuples autochtones du Pacifique qui perdent leurs terres, leurs mers et leurs ressources – et donc leurs moyens de subsistance – à cause de l’impact continu du colonialisme.

Cela se reproduit en ce moment même. 

L’exploitation minière en eaux profondes perpétue l’héritage de l’exploitation coloniale dans le Pacifique, car elle implique l’extraction de ressources en territoire autochtone sans le consentement libre, préalable et éclairé des peuples concernés. Cette situation est particulièrement préoccupante compte tenu de l’exploitation et de la marginalisation que les nations du Pacifique ont subies aux mains des puissances coloniales, et des luttes en cours pour la décolonisation et l’autodétermination dans la région. Une autre ironie cruelle est que la majorité de ces entreprises avides de profits sont originaires de l’hémisphère nord. 

Les entreprises telles que The Metals Company disposent de plus de ressources et d’influence que les petits États insulaires en développement, ce qui crée un déséquilibre de pouvoir important lors de la négociation d’accords sur l’exploitation minière en eaux profondes. Les nations insulaires du Pacifique sont souvent mises dans une position où elles doivent choisir entre le moindre mal. Mais il est essentiel de ne jamais oublier qu’il existe une solution qui ne détruit pas la Terre et les formes de vie qu’elle abrite. Pour l’océan Pacifique, cela signifie dire non à l’exploitation minière d’une zone de la taille des États-Unis continentaux. Cela signifie dire non à une influence coloniale permanente dans la région. Cela signifie dire non à l’extraction et à l’exploitation sans fin de la planète. 

La lutte pour l’autodétermination dans le Pacifique se poursuit, où de nombreuses nations continuent de revendiquer une plus grande autonomie et un meilleur contrôle de leurs ressources. Cependant, les pressions exercées en faveur de l’exploitation minière en eaux profondes menacent de solidifier les relations coloniales et de saper ces efforts. Il est impératif que les voix et les intérêts des nations insulaires du Pacifique passent avant les profits et les intérêts des entreprises multinationales dans toute prise de décision concernant l’exploitation minière en eaux profondes.

Il n’y a pas de place pour l’exploitation minière en eaux profondes dans l’avenir du Pacifique ou de la Terre. Il est temps que nous fassions le lien entre l’exploitation minière en eaux profondes, l’exploitation des ressources naturelles de la planète et les pouvoirs coloniaux, et que nous accordions la priorité à notre lien spirituel profond avec la planète plutôt qu’au profit.

PASSER À L’ACTION

Signez notre pétition pour dire au gouvernement canadien de respecter son engagement et de dire non à l’exploitation minière en eaux profondes.

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