L’engagement de Pauline Marois de fermer la seule centrale nucléaire du Québec est méritoire. Il protégera les Québécois contre les risques financiers et environnementaux inutiles posés par Gentilly-2. Chapeau Madame Marois.   

Le 20 septembre, la première ministre, par l’entremise de son gouvernement, a confirmé qu’elle donnerait suite à sa promesse électorale de fermer Gentilly-2.

La réaction des partis de l’opposition et des syndicats ne s’est bien entendu pas fait attendre. À mon sens, ces réactions sont irresponsables, voire hypocrites. Depuis maintenant dix ans, Hydro-Québec étudie la possibilité de prolonger la vie opérationnelle de sa seule centrale nucléaire. Le Parti Libéral, au pouvoir durant tout ce temps, a supervisé les études d’Hydro-Québec.

Durant dix ans, le gouvernement Libéral était au courant de la non-rentabilité de ce projet. C’est donc bizarre de la part de ce parti, des syndicats, mais aussi de la part de la Coalition Avenir Québec d’accuser le nouveau gouvernement d’avoir pris une décision «précipitée». Il est clair pour quiconque a suivi la saga Gentilly-2 que le projet n’était plus rentable.

Les tentatives pour reconstruire les réacteurs CANDU en Ontario et au Nouveau-Brunswick ont toutes deux entrainé des dépassements de coûts importants. En 2010, l’Ontario a même décidé de ne pas reconstruire les quatre réacteurs de la centrale de Pickering B parce que le coût était prohibitif. Hydro-Québec a même fourni des preuves au cours des audiences d’évaluation environnementale en 2004 mettant en évidence que la réfection de Gentilly-2 ne serait pas rentable en se basant sur l’expérience réelle de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick.

C’est donc sans surprise que nous avons pris connaissance dans un article publié samedi dans Le Devoir des résultats d’une étude d’Hydro-Québec assurant la non-rentabilité de la reconstruction de Gentilly-2.

Ce qui est scandaleux, c’est que les Libéraux étaient au courant des conclusions de cette étude depuis au moins un an. Les Libéraux nient avoir eu connaissance de cette information sur les coûts par Hydro-Québec, mais étant donné leur passif, c’est difficile à croire. Cela montre en tout cas l’absence totale de sincérité de leur part.

Maintenant, ils se présentent comme des défenseurs des travailleurs de la région de Bécancour  alors qu’en réalité, ils ont toujours omis de dire la vérité aux Québécois concernant le coût du maintien de Gentilly-2. C’est cette omission qui a mis les travailleurs de la centrale dans une position peu enviable. À présent, Gentilly-2 doit être fermée le 31 décembre 2012 pour des raisons de sécurité à la demande de la CCSN, et aucun plan de transition n’est prévu pour ces employés.

La CAQ, quant à elle, promettait pendant l’élection la coupure de 4000 jobs à Hydro-Québec pour faire des économies. À présent, ce même parti lutte pour protéger 800 emplois à Gentilly-2  à un coût de 268 750 $ par année et par emploi pour maintenir cette activité. Belle hypocrisie là encore.

Aujourd’hui, ces deux partis d’opposition et les syndicats de travailleurs de Gentilly exigent la transparence de la part du PQ. La CAQ est même allée jusqu’à demander une Commission parlementaire, tandis que les syndicats veulent savoir sur quel motif la décision de fermer Gentilly-2 a-t-elle été prise.

En 2005, le Bureau d’audience publique en environnement (BAPE) ainsi que le mouvement écologiste demandaient à ce que le gouvernement Charest indique le motif sur lequel il baserait sa décision concernant l’avenir de la centrale. Une demande réitérée en 2008 à laquelle le premier ministre Charest n’a jamais répondu. À cette époque, les partisans du nucléaire et les syndicats étaient plutôt silencieux.

Il me semble donc que la réaction des libéraux, de la CAQ et des syndicats n’est rien d’autre que de la fiction politique. C’est malheureux parce que nous allons avoir besoin de développer un plan pour aider la région quand la centrale va s’arrêter.

Cela dit, il se pourrait bien que les Libéraux aient eu l’intention de reconstruire Gentilly-2, malgré les coûts exorbitants.

Je vais oser dire que l’influence de SNC-Lavalin aurait joué un rôle dans cette décision allant à l’encontre de tout bon sens. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils ont caché les résultats des études de coûts avant l’élection.

SNC-Lavalin est l’entreprise qui devait obtenir le contrat de reconstruction de Gentilly-2. C’est également la compagnie qui a récemment acheté les droits de la technologie CANDU du gouvernement Harper. SNC-Lavalin veut reconstruire Gentilly-2 au Québec pour qu’il puisse remporter des contrats pour reconstruire d’autres réacteurs CANDU au niveau international.

Mais c’est à cause de l’influence de SNC-Lavalin, cependant, que les Québécois devraient se préoccuper de la sécurité de la centrale Gentilly-2.

La raison ?

SNC-Lavalin a fait congédier l’ancienne présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Linda Keen. Selon Madame Keen, SNC-Lavalin aurait embauché une firme de lobbying, Hill and Knowlton, pour obtenir son congédiement parce qu’elle voulait imposer à l’industrie nucléaire canadienne des normes de sécurité harmonisées avec les normes internationales. Ceci a fait mal aux profits de SNC-Lavalin.

Le gouvernement Harper a ensuite nommé un nouveau président de la CCSN, très favorable à l’industrie nucléaire. Sous le nouveau président, Michael Binder, la CCSN a commencé à dire que « Le nucléaire au Canada est sans danger ».  Cela montre l’impact négatif que l’influence de SNC-Lavalin a eu sur l’agence canadienne de sûreté nucléaire : elle rejette désormais l’idée même du risque nucléaire.

En outre, il est inquiétant de savoir qu’Hydro-Québec a essayé d’affaiblir les normes de sûreté nucléaire afin de réduire les coûts de reconstruction de Gentilly-2.

Il y a plusieurs années, j’ai acquis, grâce à la loi d’accès à l’information, un mémo qu’Hydro-Québec avait adressé à la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). Dans ce document, Hydro-Québec indiquait à la CCSN que les coûts de reconstruction de la centrale dépendaient du niveau ou des normes de sécurité requises par l’organisme fédéral.

En clair, Hydro-Québec faisait savoir à la CCSN que Gentilly-2 ne serait rentable que si les exigences de sécurité étaient abaissées.

Ledit document date de 2004. À l’époque, Hydro-Québec évaluait le prolongement de vie opérationnel de Gentilly à environ 1,1 milliard de dollars.

Donc, si l’argument économique pour la reconstruction de Gentilly était « faible » à 1,1 milliards de dollars, comment pourrait-il être rentable à 2 ou 3 milliards ? Bonne question. Quelque chose ne tient clairement pas la route. On peut raisonnablement conclure que soit Gentilly-2 n’est pas rentable, soit la CCSN a permis des normes de sécurité nettement plus faibles.

C’est pourquoi je pense qu’il serait raisonnable de fermer Gentilly-2 uniquement pour des raisons de sécurité.

En raison de l’influence de SNC-Lavalin, nous ne pouvons pas faire confiance à la réglementation de sécurité nucléaire fédérale.

Et alors qu’Hydro-Québec a maintenu pendant une décennie que Gentilly-2 était « sécuritaire », la catastrophe de Fukushima est venue rappeler au monde que les réacteurs nucléaires sont par nature risqués. C’est suite à ce désastre que l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et le Japon ont tous pris la décision d’abandonner l’énergie nucléaire. C’est tout simplement trop risqué.

Et Hydro-Québec le sait. C’est pourquoi la société d’état a demandé au gouvernement fédéral d’adopter une loi – connue sous le nom Loi sur la responsabilité nucléairepour la dégager de toute responsabilité en cas d’accident.

Au lieu d’essayer de rendre Gentilly-2 plus sécuritaire, Hydro-Québec et SNC-Lavalin ont tenté d’affaiblir les normes canadiennes de sécurité nucléaire au cours de la dernière décennie.

C’est scandaleux et inacceptable.

Si la CAQ, les Libéraux et les syndicats de Gentilly-2 veulent avoir une commission parlementaire sur l’avenir de la centrale, il faut aussi se poser la question de savoir si les Québécois ont raison de faire confiance à la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Je pense que non.

Nous avons besoin de passer du déni à l’acceptation.

En 2011, Greenpeace a demandé que la CCSN oblige Hydro-Québec à développer un plan de fermeture pour la centrale et à consulter les populations affectées.  La CCSN a tout simplement ignoré notre recommandation. Les syndicats, Hydro-Québec et le gouvernement de Jean Charest sont tous restés silencieux.

Pourtant, si nous voulons aller de l’avant de manière constructive, nous devons travailler ensemble – les ONGs, les gouvernements et les syndicats – afin de planifier une transition juste pour les travailleurs de Gentilly-2.

Greenpeace a fait des propositions en ce sens. Notamment, que le gouvernement fédéral commence par démanteler Gentilly-1, ce qui créerait des emplois de transition.

Nous essayons d’être constructifs. À l’avenir, nous espérons que la CAQ, les Libéraux et les syndicats pourront commencer à travailler ensemble dans ce même esprit.

Le gouvernement de Pauline Marois a pris la bonne décision. Merci Madame Marois.