Ohé, ohé! Nous venons de conclure une nouvelle enquête houleuse, cette fois-ci en haute mer dans l’océan Pacifique Nord.
À bord du navire Rainbow Warrior, nous avons mené une expédition de cinq semaines pour documenter les pratiques de pêche destructrices aux environs des monts sous-marins de l’Empereur. Nous avons également mis en lumière les conditions de travail sur les palangriers taïwanais, les plus nombreux à pêcher dans ces eaux.
Vaste chaîne de montagnes sous-marines, les monts de l’Empereur sont entourés de colonnes d’eau dont profitent les thons, les baleines bleues, les cachalots et les baleines à bosse. Ces fonds marins abritent une grande variété de coraux et d’éponges, et divers oiseaux de mer, comme l’albatros, survolent la région.
« Les monts sous-marins de l’Empereur regorgent de vie et constituent un point chaud biologique exceptionnel, explique Helena Pirhonen, responsable de la collecte de fonds pour la campagne Protégeons les océans de Greenpeace International. Malheureusement, c’est précisément pour cette raison qu’ils ont été fortement ciblés pour la pêche industrielle. Ils doivent être protégés pour permettre à la vie qu’ils abritent de se rétablir. »
Cette zone devrait être une priorité absolue pour la protection des océans conformément au nouveau traité mondial sur les océans, car elle est menacée par la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. Afin d’étayer nos arguments à ce sujet, nous avons surveillé neuf navires de pêche, avec lesquels nous avons interagi à une distance sécuritaire, et nous avons documenté leurs prises à la palangre.
Les palangres sont des lignes de pêche de 100 km de long rattachées à des flotteurs qui sont traînées derrière les bateaux. Elles occasionnent d’importantes « prises accessoires », emprisonnant dans leur sillage tortues, oiseaux de mer et requins.
En l’espace de 25 heures, nous avons recensé la capture de 84 requins au moyen de palangres, soit un taux de trois requins par heure. Les requins encore en vie étaient tués par la suite, sans considération pour leur âge ou statut de conservation. Pour citer ma collègue Vela Andapita, « ces lignes capturent plus de requins que de thons ».
L’une des prises que nous avons observées comportait une énorme quantité d’hameçons vides (nous les avons comptés : plus de 935), un jeune thon et 16 requins. Ces chiffres témoignent de la dévastation de nos océans par la surpêche, même si les grandes entreprises prétendent que les populations de thon du Pacifique se portent bien.
Mais l’impact des pratiques de pêche préjudiciables ne se manifeste pas seulement dans l’eau. Les personnes œuvrant à bord de ces navires travaillent dans des conditions pénibles, voire intolérables, et se retrouvent coupées de leur famille et leur entourage.
Au cours des dernières années, nous avons collaboré avec le Syndicat des travailleurs migrants indonésiens (SBMI) – qui reçoit fréquemment des plaintes de personnes migrantes indonésiennes travaillant dans le secteur de la pêche – afin d’enquêter sur le travail forcé et les pratiques de pêche illégales sur les navires de pêche en haute mer.
Ainsi, avec la permission des capitaines des navires, nous avons rejoint les palangriers taïwanais avec nos bateaux pneumatiques et offert aux membres de l’équipage des paquets contenant du café, du savon, des nouilles indonésiennes et bien d’autres choses encore. Nous avons également partagé notre Wi-Fi depuis le Rainbow Warrior pour leur permettre de contacter leurs proches à la maison. Une fois la connexion opérationnelle, pratiquement toutes les personnes à bord ont sorti leur cellulaire afin d’appeler leur famille pour la première fois depuis leur départ deux ou trois mois plus tôt.
© Myrthe Verweij / Greenpeace. Le navire Rainbow Warrior, dans l’océan Pacifique Nord, affichant une bannière en filet indiquant « WI-FI GRATUIT ». Le Wi-Fi sera offert aux équipages des palangriers.
En plus d’exhorter les gouvernements à ratifier le traité mondial sur les océans d’ici 2025 et à protéger spécifiquement cette chaîne de monts sous-marins, nous continuerons à défendre les droits des personnes travaillant en mer. Car ces pratiques destructrices ne nuisent pas seulement aux écosystèmes marins, mais aussi aux êtres humains.Pour en savoir plus sur cette enquête, cliquez ici.