Alors que la ministre Marghem présente aujourd’hui au Parlement sa note de politique générale, un nouveau rapport d’investigation de Greenpeace met en lumière comment des importateurs belges se fournissent en bois illégal lié à un massacre en Amazonie. Quand est-ce que la ministre réagira enfin ?

Le nouveau rapport publié aujourd’hui par Greenpeace,  “Du bois taché de sang – Violence rurale et vol du bois amazonien” dénonce l’importation de bois [1], notamment en Belgique, qui a été récolté suite à un véritable massacre qui a pris place à Colniza, dans une zone reculée de l’Etat du Mato Grosso, au Brésil. Le 19 avril dernier, 9 personnes y ont été tuées avec une cruauté extrême. [voir la vidéo]

Selon le Procureur public, ces meurtres étaient motivés par l’appât du gain de compagnies  forestières de la région, où poussent quelques espèces d’arbres très valorisées comme l’ipê, le cumaru, le jatobá et le massaranduba, largement utilisés dans la manufacture de meubles et de terrasses.

L’exportateur incriminé, Valdelir João de Souza, possède deux compagnies – Madeireira Cedroarana (dans l’Etat de Rondônia) et G.A. Madeiras (dans celui du Mato Grosso). Cette dernière est installée à Colniza et est responsable du plan de gestion de la forêt située juste à côté du lieu du massacre.

Entre le 15 mai et fin septembre 2017, au moins 11 cargaisons de bois de l’entreprise Cedroarana sont arrivées aux Etats-Unis, en France et en Belgique, l’une des plaques tournantes de l’importation de bois exotique dans l’UE. [2] De Souza est actuellement en fuite, mais Cedroarana continue à vendre son bois aux marchés internationaux.

Les importateurs, parmi lesquels on retrouve deux compagnies belges, Vogel et Vandecasteele, avaient pourtant déjà reçu des signes clairs selon lesquels le bois de Cedroarana était illégal. Depuis 2007, la société a accumulé l’équivalent de 150.000 € d’amendes fédérales non payées pour stockage et vente de bois illégal.

Le terrible effet du laxisme des autorités belges

Alors que la Belgique vient d’être pointée du doigt par la Commission européenne pour sa politique particulièrement laxiste en matière de vérification des importations de bois sur son territoire, voici une nouvelle preuve des conséquences dramatiques qu’une politique laxiste peut avoir.

La Belgique ne fait pas assez de contrôles. Depuis sa nomination et avant de se faire taper sur les doigts par la Commission européenne, la ministre n’a jamais employé plus d’un seul employé, et encore, à mi-temps, pour contrôler toutes les entreprises importatrices de bois du pays”, s’indigne Jeroen Verhoeven, expert Forêt chez Greenpeace Belgique. “Et non seulement, les contrôles ne sont pas assez nombreux, mais ils ne sont pas assez qualitatifs non plus.

Pour rappel, les entreprises importatrices de bois exotiques sont tenues de tout mettre en œuvre pour s’assurer que le bois qu’elles importent ait été récolté et coupé légalement.  Dans ce cas-ci, il est évident qu’il y a eu des manques au sein des deux entreprises citées. Il est clair que Cedroarana ne peut être considérée comme une compagnie fiable et qu’il était nécessaire de redoubler de vigilance avant d’acheter son bois.

Pourtant Vandecasteele semble rester froid comme un cadavre face aux meurtres et coupes illégales. Tandis que les entreprises comme Vogel qui prennent au sérieux l’obligation d’éviter tout risque, se laissent induire en erreur et tirent les mauvaises conclusions. Combien de vies humaines et de trésors naturels devront encore être perdus avant que quelque chose ne change enfin?”, dénonce Jeroen Verhoeven.

Le bois illégal est le 3e marché criminel le plus important au monde

Le commerce de bois illégal serait le 3e marché criminel le plus important au monde, selon Global Financial Integrity, derrière celui de la drogue. Le dernier rapport de Greenpeace montre aussi ses conséquences funestes. “L’impunité de ce type de crime montre le manque de sérieux de l’Etat dans son ensemble pour lutter contre le commerce du bois illégal. Toute la chaîne est contaminée. Il est en fait impossible de croire en l’origine exacte et légale de bois brésilien”, [3] explique Rômulo Batista, expert Amazonie chez Greenpeace Brésil.

Aujourd’hui, le Brésil est l’endroit le plus dangereux au monde pour défendre la terre et l’environnement, selon l’ONG international Global Witness. [4] Greenpeace demande au gouvernement brésilien de renforcer sa gouvernance et de développer un système capable d’assurer que le bois coupé en Amazonie est réellement légal et respecte les droits et territoires des communautés locales. Et au gouvernement belge d’enfin s’assurer que la loi européenne en matière de bois illégal soit convenablement appliquée sur notre territoire.

Notes :

[1] Le rapport fait partie de la série « La crise silencieuse de l’Amazonie » qui a été développée depuis 2014 et s’appuie sur des investigations poussées sur le terrain mais aussi dans les pays importateurs bois.

[2] En 2016 et 2017, la compagnie a exporté des milliers de mètres cubes de bois amazonien vers les Etats-Unis, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, le Danemark, l’Italie, le Japon et la Belgique, selon l’investigation menée par Greenpeace.

[3] Le rapport de Greenpeace montre comment, au Brésil, la fraude dans les systèmes de délivrance de licences et de vérification nourrissent la violence dans les zones rurales de l’Amazonie. Les populations indigènes sont parmi les plus touchées par les violences des criminels du bois.

[4] Fin septembre, 61 personnes avaient été tuées au Brésil suite à des conflits terriens, le même nombre que pour toute l’année 2016, et 79% de ces meurtres ont eu lieu en Amazonie, selon l’enquête de l’ONG brésilienne Comissão Pastoral da Terra – Commission pastorale de la terre.