De nouvelles recherches soutenues par plus d’une centaine d’experts médicaux dans le monde entier confirment que les produits réutilisables peuvent être utilisés en toute sécurité pendant la pandémie mondiale actuelle de COVID-19 dans la mesure où les gestes barrières sont respectés. C’est une lueur d’espoir pour un pays comme le Sénégal qui mène, depuis un moment, de vastes campagnes nationales pour réussir le pari d’un avenir sans plastique.

Ces derniers mois ont été marqués par un contexte mondial de pandémie très difficile. Près d’un demi-million de personnes sont mortes et plus de cinq millions sont tombées malades à cause de la COVID-19. Plusieurs centaines de millions de personnes ont été directement ou indirectement affectées par la perte d’un être cher, une perte de revenus et l’impact de confinements prolongés à l’échelle mondiale. Les épidémiologistes et les économistes s’activent mais peinent à quantifier les dégâts.

Malgré tout, des signes encourageants ont été notés ces derniers mois. Dans de nombreux endroits, des réseaux de solidarité entre citoyens ainsi que des groupes d’entraide se sont formés. Les pays ont vu leur niveau de pollution atmosphérique baisser, la pollution sonore a diminué et les taux de consommation ont chuté.

Sur le plan socio-économique, beaucoup ont réalisé qu’une grande partie du consumérisme de l’époque pré-pandémique était en fait superflu Ceux d’entre nous qui travaillons dans les bureaux ont vu que les réunions peuvent avoir lieu à distance. Prendre l’avion est devenu synonyme de  risque pour la santé et conduire et passer des heures dans la circulation s’est avéré inutile. Par conséquent, la consommation et les prix du pétrole ont atteint des niveaux historiquement bas.

D’autres ont redécouvert le plaisir de cuisiner et de faire du pain fait maison grâce au confinement imposé par la COVID-19. De ce fait, des tas d’emballages et de récipients en plastique qui étaient utilisés, par exemple pour transporter un sandwich acheté sur le chemin du travail, sont devenus obsolètes. Cette industrie des déchets à usage unique fait bien sûr partie de ce qui faisait vivre l’industrie des combustibles fossiles.

Tous ces changements sociaux, imposés par la pire crise sanitaire que le monde ait connu depuis plus d’un siècle, sont survenus à une époque où l’on note de grandes avancées  technologiques. Selon l’Institut Milken, les sources d’énergie renouvelables sont plus abordables que l’électricité à base de carbone dans deux tiers du monde. Les parcs solaires et éoliens sont sur le point de coûter moins cher que les centrales à charbon. Le changement arrive, même dans les royaumes pétroliers comme le Texas ou le Moyen-Orient. Houston est en train d’effectuer sa transition écologique plus tôt que prévu.

Une étude publiée en mars a révélé que l’abandon des combustibles fossiles au profit d’une production basée principalement sur l’énergie solaire et l’énergie éolienne pourrait permettre de réduire les coûts de 55 à 69 % par rapport au modèle existant. En effet, les États-Unis peuvent atteindre 90 % d’électricité propre d’ici 2035, sans pour autant augmenter les coûts actuels pour les consommateurs. Même les pays qui viennent de découvrir le pétrole et le gaz et qui comptent les exploiter au sein de « marchés émergents » comme mon pays d’origine, le Sénégal, sont confrontés à des difficultés en raison de la COVID-19.

Cette situation pousse les pouvoirs politiques et les entreprises à des gestes inédits. Les producteurs de pétrole tels que l’Arabie Saoudite et la Russie baissent et augmentent  les prix de manière disproportionnée. Le secteur du plastique, qui fait face à undéclin imminent, s’est lancé dans une campagne de relations publiques acharnée, visant à profiter de la pandémie pour nous inciter à croire que nous devons nous en tenir aux produits à usage unique pour éviter de tomber malade. Aux États-Unis, le secteur pétrolier fait pression pour suspendre les interdictions de produits à usage unique.

En effet, si l’utilisation des articles réutilisables impliquait un taux de mortalité plus élevé, les cas de contamination auraient augmenté dans toute l’Afrique, où beaucoup n’ont pas pas les moyens de se procurer des masques à usage unique normalisés et préfèrent les masques réutilisables à la mode. Témoins du péril plastique, dont l’impact négatif sur nos villes et nos océans n’est plus à démontrer, les Sénégalais, à travers l’ensemble des acteurs de la société civile, ont demandé au gouvernement d’appliquer l’interdiction planifiée de la majorité des plastiques à usage unique, malgré le contexte de pandémie de la COVID-19. Des quantités considérables de plastique à usage unique ont été retirées de la plupart des commerces (hypermarchés, magasins, stations d’essence). Environ 16 tonnes de sacs en plastique ont été saisies par les services du ministère de l’environnement et du développement durable. La police, quant à elle, a également saisi des cargaisons de plastique à destination du pays pendant le confinement partiel.

L’exemple du Sénégal dans cette lutte pour se libérer du plastique à usage unique peut être répliqué et devenir la nouvelle norme dans d’autres pays. 

Une déclaration signée par plus d’une centaine d’experts médicaux du monde entier, rejoints par Greenpeace, affirme que les alternatives réutilisables sont sûres à utiliser, car le principal mode de transmission du virus se fait par le biais de gouttelettes aérosolisées. Les produits réutilisables sont faciles à nettoyer et sûrs lorsque les gestes barrières sont respectés. Il est également important de souligner que les produits à usage unique sont tout autant susceptibles de porter le virus.

Le contexte de la COVID-19 est une opportunité unique de transformer radicalement nos modes de consommation qui contribuent fortement à la destruction de notre environnement. Nous avons la science, la technologie et l’ingéniosité humaine de notre côté pour combattre cette pandémie sans laisser le virus devenir l’excuse que recherche l’industrie des combustibles fossiles pour s’imposer sur le marché.

Awa Traore est Chargée de campagne au Sénégal pour Greenpeace Afrique