Brazzaville, République du Congo, 1er novembre 2023 – Le Sommet des Trois Bassins, qui vient de s’achever à Brazzaville, a été conçu pour tenter de créer un modèle alternatif de gouvernance entre les pays du Sud, en vue de préserver les écosystèmes et les forêts tropicales des trois bassins forestiers. Bien que la déclaration du sommet représente un pas important vers la définition de cette gouvernance alternative, elle n’a pas introduit d’actions concrètes pour la protection et la restauration de la biodiversité, ni pour les droits des peuples indigènes et des autres communautés traditionnelles vivant dans ces régions.[1]
Au lieu de cela, les discussions se sont concentrées sur les très controversés marchés du carbone, considérés comme le principal mécanisme financier pour la protection et la restauration des forêts tropicales. Mais s’ils deviennent le principal outil de financement de la protection de la biodiversité, les marchés du carbone ne feront que renforcer la marchandisation de la nature et les violations des droits de l’homme.
Romulo Batista, Chargé de Campagne à Greenpeace Brésil :
“Les peuples autochtones et les populations traditionnelles sont, depuis des générations, les principaux protecteurs de ces écosystèmes vitaux pour l’humanité. [2] Pour un avenir juste, propre et durable, nous devons dépasser le modèle économique extractiviste destructeur et passer à un modèle où les peuples autochtones et les communautés traditionnelles sont non seulement invités à participer à des forums multilatéraux tels que le Sommet des trois bassins, mais où leurs connaissances et leur leadership sont des éléments clés de la prise de décision.”
Irène Wabiwa, responsable du projet international pour le Bassin du Congo à Greenpeace Afrique :
“Greenpeace Afrique regrette que les marchés du carbone aient été plébiscités comme la solution pour réduire les émissions et restaurer les forêts. En réalité, les marchés du carbone ne font que fournir une assurance vie aux entreprises très polluantes pour qu’elles maintiennent leurs pratiques néfastes, leurs profits et leur influence sur les politiques relatives au climat et à la biodiversité. La clé pour de véritables solutions climatiques et la protection de la biodiversité réside dans la promotion et la mise en œuvre de solutions non marchandes, pilotées par l’État, réglementées, accessibles et prévisibles, et qui intègrent les droits et le rôle des peuples autochtones et des communautés locales. Ces solutions incluent la taxation progressive, la coopération internationale, la réparation et la fin des subventions perverses.”
Arie Rompas, Chargé de Campagne sur les Forêts à Greenpeace Indonésie :
“Pour protéger et restaurer les forêts, nous devons protéger les droits des peuples autochtones et des autres communautés en première ligne des conséquences du changement climatique en soutenant des approches fondées sur les droits, en finançant par exemple des initiatives comme la gestion communautaire des forêts”.[3] Greenpeace Indonésie regrette l’absence du gouvernement indonésien au Sommet, et déplore que les voix et le rôle des peuples autochtones et des autres communautés traditionnelles n’aient pas été suffisamment entendus et reconnus lors du sommet, au moment d’établir une feuille de route visant à protéger et à restaurer la biodiversité des écosystèmes des trois bassins forestiers.”
Victorine Che Thoener, Chargée de Campagne Forêts chez Greenpeace International et cheffe de la délégation de Greenpeace à Brazzaville :
“Il y a tellement de potentiel inexploité pour une plus forte collaboration Sud-Sud dans l’élaboration et la mise en œuvre de l’agenda politique mondial en matière de climat et de biodiversité. Les pays des trois bassins forestiers doivent assumer un rôle politique de premier plan, pour veiller à ce que l’initiative des trois bassins se renforce et, au-delà du sommet, à ce que des accords concrets soient conclus et mis en œuvre sur le terrain. En outre, les dirigeants politiques doivent collaborer avec les organisations de la société civile, les mouvements sociaux, les peuples autochtones et les communautés traditionnelles, ainsi qu’avec les femmes et les jeunes. Dans cette optique, les mécanismes de financement innovants devraient se concentrer sur des approches non marchandes, telles que le financement et le soutien de la gestion communautaire des forêts, et la coopération internationale.”
Pour être efficace, l’action climatique nécessite une réduction effective des émissions, ce qui ne sera pas possible si des mécanismes tels que les compensations carbone continuent d’exister et d’être encouragés. Greenpeace insiste sur la nécessité de donner la priorité aux droits des peuples autochtones et des communautés traditionnelles, en particulier à leurs droits territoriaux, et d’utiliser des approches non marchandes pour préserver et restaurer la biodiversité des écosystèmes des trois bassins.
En somme, malgré une initiative ambitieuse, Greenpeace prend note du manque de résultats tangibles du Sommet des trois bassins dans la mise en œuvre d’actions concrètes pour protéger les forêts tropicales et les moyens de subsistance des 1,5 milliard de personnes autochtones et des communautés traditionnelles qui vivent dans ces régions. Nous anticipons la mise en place d’un comité qui continuera à traiter les résultats du Sommet et nous demandons instamment à ce comité d’inclure un large éventail de représentants issus de groupes et d’intérêts différents, en veillant à ce que le processus de prise de décision prenne en compte les divers besoins et préoccupations de toutes les parties prenantes.
FIN
Notes :
[1] Déclaration du Sommet des trois bassins disponible ici https://www.thethreebasinsummit.org/wp-content/uploads/2023/10/FR_Declaration_2e_Sommet_trois_bassins.pdf
[2] FAO et FILAC. 2021. Gouvernance forestière par les peuples indigènes et tribaux. Une opportunité pour l’action climatique en Amérique latine et dans les Caraïbes. Santiago. https://doi.org/10.4060/cb2953en
[3] Une approche fondée sur les droits est un modèle qui souligne l’importance de l’engagement du public, de l’accessibilité de l’information et de l’accès à la justice dans l’élaboration des décisions relatives au climat et à la biodiversité. Une approche basée sur les droits comprend la reconnaissance des droits territoriaux des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que leur rôle dans la protection et la restauration de la biodiversité.
Contacts :
Victorine Che Thoener,
chargée de campagne sur l’alimentation et les forêts,
Greenpeace International, [email protected]
Mélissa Hamdi,
campagne sur l’alimentation et les forêts,
Greenpeace International, [email protected]
Raphaël Mavambu,
communication et médias,
Greenpeace Afrique, [email protected]