140 ou 20 disparus dans l’explosion d’une pirogue de migrants irréguliers selon les autorités sénégalaises, prêtes à en découdre avec les propagateurs de « fausses informations » comme si une vie engloutie par les flots n’en était pas déjà une de trop !

Poussés par la rumeur selon laquelle des emplois se libèrent en Europe du fait de la mortalité due à la pandémie de la Covid-19, des vagues de migrants toquent à la porte de l’Europe non sans payer un lourd tribut en vies humaines à la mer. La nouveauté ? De passeurs ou convoyeurs, les pêcheurs au cœur de cette « invasion » des temps modernes, ont troqué leur filet de pêche contre un ticket candidat à l’émigration clandestine.!

Du jamais vu sous nos cieux quand bien même ce phénomène de « Barça wala Barsakh » (Voir Barcelone ou mourir, en français), bien connu des communautés de pêcheurs du Sénégal, remonte à bien longtemps.

Que s’est-il donc passé pour que la communauté de pêcheurs si jalousement adossée à ses valeurs transmises de génération en génération,   en soit réduite à voir partir ses bras les plus valides ?

Crise climatique : un changement de paradigme !

Les effets néfastes du changement climatique touchent     ces communautés de pêcheurs qui, depuis toujours, choisissent de vivre à côté de la mer.   à Saint-Louis par exemple, de Guet-Ndar à la Langue de Barbarie en passant par Goxu Mbacc, fait déferler des vagues géantes et avancer la mer, au point de mettre en péril la vie des habitants.

Concurrence déloyale en mer : la pêche traditionnelle à l’agonie.

  Dans un rapport intitulé “Mal de mer : pendant que l’Afrique de l’Ouest est verrouillée par la COVID 19, ses eaux restent ouvertes au pillage ” paru le 13 octobre 2020, l’organisation Greenpeace Afrique dénonçait l’activité des usines d’huile et de farine de poisson en Gambie, Mauritanie et au Sénégal et ce, en plein couvre-feu et autres restrictions liées au coronavirus. « le navire “Key West”, transporteur d’huile de poisson, est parti de Nouadhibou 3 fois entre le 1er mars et le 1er juin 2020. Sa capacité de chargement est de 3 933 m3. Si cette quantité est remplie avec de l’huile de poisson, elle correspond à 70 000 tonnes de poisson frais, l’équivalent de la consommation annuelle de poisson pour 2,5 millions d’habitants dans un pays comme le Sénégal », détaille le rappor.

Dans un tel contexte,  le témoignage de Saliou lors de l’émission Jakarlo à la Télévision Futurs Médias du Sénégal, rescapé de la pirogue qui a explosé il y a quelques jours, prend tout son sens : « Je m’interroge sur mon avenir quand je vois de vieux pêcheurs, hier propriétaires de pirogues, aujourd’hui, tendre la main en quête de poissons. Je faisais des marées, passant dix à quinze jours en mer pour 20 000 ou 30 000 francs Cfa. Ce sont les grands bateaux étrangers qui nous fatiguent, ils sont toujours plus nombreux dans les eaux sénégalaises. C’est trop dur pour nous les jeunes au Sénégal ».

La mer ne nourrit plus son homme au Sénégal par les temps qui courent, à cause du flou dans l’attribution des licences, la pratique de prête-noms et de pêche illicite non-déclarée et non-réglementée (INN) par certains bateaux étrangers, chinois surtout, qui grâce à une manipulation de leur système d’identification automatique (données AIS), font croire qu’ils se trouvent au large du Mexique alors qu’ils sont dans les eaux sénégalaises !

Gestion des licences de pêche : la grande nébuleuse.

Membre éminent du secteur de la pêche depuis 35 ans environ, ancien directeur de la Sopasen,  Adama Lam déclare dans le journal Seneplus, de la présence de « 56 navires étrangers ayant bénéficié de licences de pêche et de “sénégalisation”. C’est le désastre le plus important tant par le nombre que par les espèces effectivement ciblées et débarquées par ces bateaux (poissons des fonds moyens (thiofs, diarègne, sompatte, etc.), poissons de surface (pélagiques : yaboy, diaye, weuyeung) dont vivent nos populations, et surtout espèces que cible aussi la pêche artisanale ». Au grand dam du Centre de recherche halieutique (Crodt), qui « saisi par le Groupement des Armateurs et des Industriels de la Pêche au Sénégal (Gaipes) au nom de la coalition des pêcheurs, a émis un avis sans appel sur l’état désastreux des stocks de poissons pour la plupart des pêcheries ».

  Le niveau de précarité des personnes qui vivent de la pêche a atteint son paroxysme. A Mbour, notamment aux lieux-dits Téfess et Golf, quartiers essentiellement peuplés de pêcheurs, pas un seul jour sans que des jeunes pêcheurs n’embarquent à bord de pirogues pour tenter de rejoindre les îles Canaries, rapporte le journal Le Témoin.

Le Journal le quotidien précise qu’au quartier Golf, chez la famille Sèye, deux membres de la famille ont pris les pirogues en l’espace de trois jours. Avec un père septuagénaire en congé de mer depuis sept ans et une mère à la soixantaine révolue, les trois fils, tous pêcheurs, ont bien du mal à faire bouillir la marmite pour nourrir cette famille de dix personnes.

Avec la nouvelle demande departenariat de l’Union Européenne pour 10.000 tonnes de poissons à pêcher dans les eaux sénégalaises, les fonds du programme Frontex dont personne ne sait exactement où ils vont et la surpêche, Saliou ne manquera sûrement pas de faire des émules, la devise « Barça wala Barsakh » aura de beaux jours devant elle. Sans compter, si l’on n’y prend garde, avec la disparition programmée de tout un patrimoine culturel et économique, lié au monde de la mer au Sénégal.