World Oceans Day 'Flash Mob' in Dakar. © Clément  Tardif / Greenpeace
© Clément Tardif / Greenpeace

Interdiction des sachets plastiques au Sénégal : Y a-t-il péril en la loi ?20 avril 2020 – il y a un an, entrait en vigueur au Sénégal, la loi n°2020-04 du 8 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques. En effet, cette loi interdit les produits plastiques à usage unique comme les gobelets, couvercles, pipettes et tous sachets destinés à être utilisés pour conditionner l’eau ou toute autre boisson.

Sénégal, une longue tradition de politique contre le plastique.

Une nouvelle loi ? Pas exactement, puisque dès 1974 au Sénégal, des textes de loi qui se sont évertués à traiter  la question du plastique, à la portée bien trop limitée pour être efficace. L’adoption de la Loi n°2015-09 du 04 mai 2015 relative à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastiques de faible micronnage et à la gestion rationnelle des déchets plastiques, marquait la volonté du Sénégal de lutter contre la pollution plastique avec l’élaboration d’un texte beaucoup plus ambitieux.

Alors, qu’apporte de plus la loi n°2020-04 du 8 janvier 2020 ? Diverses mesures ont été prises à savoir l’interdiction des sacs de plastique en sortie de caisse, un système de consigne pour les bouteilles plastiques, une filière de responsabilité élargie des producteurs à créer, l’interdiction des déchets plastiques au Sénégal, entre autres. 

Incontestablement, cette nouvelle loi pose les jalons de la mise en place d’une gestion rationnelle des déchets plastiques, avec pour objectif  principal la réduction de leur quantité. Pourtant, un an après son entrée en vigueur au Sénégal, que vaut réellement cette loi ? 

Plastics Clean up on Beach in Senegal. © Ibrahima Kebe Diallo / Greenpeace
© Ibrahima Kebe Diallo / Greenpeace

Gestion des déchets plastiques au Sénégal: un chantier titanesque

Tout d’abord, il faut rappeler que le péril plastique menace toute la planète. Sur terre comme en mer, selon les chiffres de National Geographic, « 5000 milliards de morceaux de plastique flottent déjà dans nos océans. À travers le monde, 73 % des déchets sur les plages sont du plastique : filtres de cigarettes, bouteilles, bouchons, emballages alimentaires, sacs ou bacs en polystyrène ». Cette situation préoccupante est très loin de s’améliorer puisque « d’ici 2050, toutes les espèces d’oiseaux marins mangeront du plastique régulièrement et les estimations sur la durée de vie du plastique vont de 450 ans à l’infini ». L’ère de la consommation du plastique pourrait encore perdurer sur plusieurs décennies et toute espèce vivante en serait victime.

En ce qui concerne le Sénégal, les chiffres ne font pas consensus. Dans le cadre d’une commande du ministère sénégalais de l’Environnement et du Développement durable consacrée à la lutte contre les déchets plastiques, dans un spot publicitaire réalisé par l’agence « Global Vision », il est indiqué que « sur 100 kilogrammes de déchets, 60 sont constitués de plastique ! ». Quel desastre! 

Pour y voir plus clair, le site de lutte contre les fake news, Africa Check cite le Rapport national de caractérisation des ordures ménagères et assimilées au Sénégal, publié en novembre 2016, qui dit « que la proportion de déchets plastiques dans la production nationale de déchets est de 9,09% ».

Et « en 2019, sur une production nationale de « 4 142 000 tonnes », selon l’UCG (la structure chargée de la collecte et du traitement des ordures ménagères : ndlr) , le plastique représente 414 200 tonnes soit environ 10% des déchets ».

C’est dire que le combat à mener contre la pollution plastique est titanesque au Sénégal, parce que les sachets plastiques ou “mbouss” en wolof, jonchent les rues, les plages et surabondent dans les marchés et commerces. Pour mesurer l’ampleur de ce désastre, une journaliste de TV5 Monde a tendu son micro à Babacar, propriétaire d’un restaurant à la plage du Virage, à Dakar qui déplore : « Depuis 2015, la loi sur le plastique a été votée mais rien n’est fait de concret. Regardez maintenant la plage comme elle est belle. Si vous revenez à 13h-14h, on dirait un dépotoir… ». Ce décor plastifié de la plage de virage est une illustration parfaite de la majorité des plages au Sénégal, du Nord au Sud.

Plastics Clean up on Beach in Senegal. © Ibrahima Kebe Diallo / Greenpeace
© Ibrahima Kebe Diallo / Greenpeace

Sénégal: quid de l’applicabilité rigoureuse de la loi de 2020?

Aujourd’hui, en 2021, à la faveur de la loi de 2020, dans les grandes surfaces et pharmacies, le plastique a cédé la place au papier. De même, les gobelets en plastique ont disparu au profit de ceux en papier. Mais il n’empêche que dans le petit commerce, le plastique trône toujours. A qui la faute ? A la pandémie de Covid-19 selon le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Abdou Karim Sall: « Dans ce contexte marqué par la pandémie du Covid-19, le ministère a jugé nécessaire d’assouplir l’application de certaines dispositions de la loi qui ont un fort impact économique et social ». Cette réponse du Ministre reste peu convaincante et seules les mesures concrètes et tangibles seraient un début de solution à cette problématique.   

Au grand dam de la fondation Heinrich Böll Sénégal qui organisait, à l’instar des années passées, un « Ndogou écolo » dans la commune de Médina Gounass (Guédiawaye), des campagnes de lutte contre la pollution plastique qui sont plus que vitales. Cet acteur a souligné quelques manquements dans  le texte de loi de 2020, notamment « la rigidité de certaines dispositions, la non prise en compte d’une commission chargée de gérer les infractions en matière de produits plastiques, l’absence d’une disposition explicite sur le délai accordé (soit 6 ou 8 mois) aux acteurs du plastique pour se conformer à la loi au niveau des dispositions transitoires, l’absence d’une vulgarisation au niveau de tout le territoire national et enfin, l’absence de textes réglementaires d’application ». 

Parce que tous les textes de loi du monde ne sauraient valoir une campagne réussie de changement de comportements et d’appropriation des enjeux par les populations, il est indispensable de mener des actions concrètes sur le terrain pour montrer les effets néfastes des déchets plastiques sur ces populations et sur l’environnement. 

Étant entendu qu’« interdire c’est bien, mais ne pas utiliser c’est encore mieux » la mise en application de ces lois passe par une solide campagne de sensibilisation et de communication auprès de toutes les parties prenantes, du producteur, jusqu’ au consommateur! 

Autor: Cheikh Bamba Ndao – French web & SoMe content Developer

Ressources supplémentaires
– Analyse de la loi N°2020-04 pour la lutte contre le péril plastique au Sénégal (Lien)