Dans le département de l’Océan, Cameroun Vert Sarl (Camvert), la société créée par un mystérieux entrepreneur, Aboubakar al-Fatih, compte raser 60 000 hectares de forêt à Campo et Niete – une superficie équivalente à trois fois la ville de Douala – pour faire place à une plantation industrielle de palmier à huile et une usine de transformation. C’est une véritable arnaque pour les communautés locales et autochtones dont la survie dépend en majeure partie ou essentiellement de la forêt.
Vendues aux gouvernements post-coloniaux comme des projets de développement, les plantations industrielles de palmier à huile, à l’instar des autres plantations de monoculture, se sont révélées partout en Afrique de véritables désastres environnementaux et sociaux. Ils prennent leur origine à l’époque coloniale alors que les pays colonisés devaient produire, à coup de travail forcé, la matière première nécessaire au développement des industries occidentales.
Le projet Camvert s’inscrit dans la même lancée que ces plantations d’un autre temps. Malgré le label “nationaliste” ou “patriotique” dont veulent se prevaloir ses promoteurs, il est conçu selon un modele à peu près identique. Les impacts positifs sur le plan économique tel qu’annoncés par ces derniers ne représentent en réalité que des promesses vaines. Au contraire, le projet affiche déjà ses ambitions en matière de violation des droits des communautés vivant dans la zone ciblée. Les droits à l’information et à la participation ont été violés voire refusés à une partie de ces communautés, qui n’ont pas eu l’opportunité de donner leur consentement avant l’arrivée des bulldozers.
Au moins six villages, y compris les populations autochtones Bagyeli, ont exprimé leur opposition, et au moins quatre autres ont signifié de fortes réserves à voir le projet être implémenté dans la forêt. Ces positions ont été exprimées en dépit des craintes que les communautés ressentent de prendre clairement position contre ce projet du fait des risques et d’actions d’intimidation déjà mises en œuvre depuis des mois. Elles voient en ce projet une cause de perte des droits d’usages qu’elles exercent dans la forêt ciblée. En octobre dernier, une association Bagyeli, Bagyeli’s Cultural and Development Association (BACUDA), en collaboration avec Appui pour la Protection de l’Environnement et le Développement (APED) et Forest Peoples Programme, ont soumis une requête au Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) de l’ONU pour protester l’accaparement de leurs terres ancestrales par Camvert.
Sur le plan environnemental, le projet contribuera à accentuer la pression sur la biodiversité du parc national de Campo Ma’an dont la zone déclassée constitue un corridor de passage. Les conflits homme-faune déjà présents seront décuplés avec risque important d’accroissement du braconnage, rendant plus difficile la conservation de cette riche et unique biodiversité. Nul besoin d’y ajouter la perte du couvert forestier prévue. D’ailleurs, pour se justifier, les promoteurs du projet Camvert n’ont pas hésité à porter l’idée fausse selon laquelle les plantations de palmiers à huile sont des forêts car « les palmiers sont des arbres et font la photosynthèse” au même titre que celles-ci. Or le palmier à huile n’est pas un arbre, et son entretien exige des produits chimiques souvent carcinogènes. Les terres et cours d’eau voire la mer risquent d’être pollués de manière irréversible. De plus, la faune et la flore qu’abrite normalement une forêt ne saurait se retrouver dans les plantations de palmiers à huile – au contraire, ces dernières sont plutôt des déserts de biodiversité.
Rappelons qu’en 2015, le Cameroun s’est engagé lors de la Conférence de Paris sur les changements climatiques à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 32%. Cet engagement a été bâti autour de la préservation de ses forêts, qui font partie de la forêt du Bassin du Congo, deuxième poumon écologique de la planète après l’Amazonie.
Au-delà de ces aspects, le déclassement de la forêt de production par le Premier ministre en novembre 2019 ainsi que le feu vert donné par le Ministère des domaines, du cadastre et des affaires foncières pour le défrichement de 2 500 ha, en mars 2020, ont été parfaitement illégaux. A elles seules, ces illégalités devraient, dans un Etat de droit, stopper net la mise en place de ce projet.
C’est évidemment toute la logique de gestion des forêts et des terres qui est remise en cause. En effet, la mise en place du projet Camvert représente un dangereux précédent et une tendance qui est de plus en plus observée dans le contexte du Cameroun avec des forêts du domaine forestier permanent. Ces forêts, destinées à demeurer des forêts, sont déclassées au profit de projets non forestiers sans le nécessaire reclassement, prévu par la loi, d’une forêt de même nature dans la même zone agro écologique.
Le sacrifice social et environnemental est certainement trop important par rapport aux promesses miroitées mais vides. Laisser prospérer ce projet inscrirait le Cameroun dans une logique qui va à contre courant de la dynamique de développement qui devrait être le sien et dont les prémices sont inscrits dans la stratégie nationale de développement durable 2020-2030, la politique d’aménagement et de développement durable du territoire ainsi que toutes les autres politiques nationales et engagements internationaux du Cameroun en matière de protection de l’environnement, de protection de la biodiversité, de lutte contre les changements climatiques mais aussi de garantie des droits des communautés. La valeur économique des forêts est bien plus importante et demeure jusqu’ici faiblement présentée voire ignorée dans le contexte et les projections de développement du Cameroun. Il est urgent de stopper ce projet et de mettre en place un processus inclusif et participatif d’aménagement du territoire qui tienne en compte les intérêts des populations de la zone. De même, le Ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières devrait faire l’objet d’une enquête pour son autorisation illégale de raser 2 500 hectares de forêts.

Discussion
Au cours d'une réunion tenue le 08 octobre 2019 à la Préfecture de Kribi, le Maire, le Chef supérieur Iyassa, la MEAO ... ont émis des réserves à ce sujet. A ce jour, ces observations semblent ne pas être prises en compte. Dommage.
Merci pour votre information et votre soutien. La situation est vraiment déplorable, mais la lutte continue.
" ... mettre en place un processus inclusif et participatif d’aménagement du territoire qui tienne en compte les intérêts des populations de la zone." Que voulez-vous dire concrètement??????? C'est bien beau de critiquer ce genre de projet. Pourquoi un tel combat dans des pays aux économies totalement sinistrées?????? En même temps en Occident des milliers et des milliers d'Ha sont mis en exploitation et subventionnées. La production déversée dans le monde entier, spécialement en Afrique à travers les enseignes de grande distribution européens. Les occidentaux auraient donc le droit de produire, de polluer et d'inonder le monde pour leur confort matériel quotidien. En même temps également, le continent africain passe pour un royaume de fainéants qui ne savent pas produire ce qu'ils consomment; des éternels assistés et mendiants, à l'instar de ceux qui sont payés pour rédiger ce genre d'articles. Greepeace devrait être plus utile à faire des pressions pour la "démocratisation" de ces pays. On ne va pas parler des droits de l'homme uniquement pour saboter les projets. La lutte pour les droits de l'homme doit être globale.
Bonjour, Nous comprenons tout à fait votre indignation et votre colère face à l'injustice sociale de notre monde moderne et à l'écart économique existant entre pays pauvres et pays riches. Nous nous battons chaque jour sans discrimination avec des volontaires et activistes du continent pour rendre justice non seulement au continent africain, mais pour un monde juste, équitable, pacifique avec le respect et la préservation de la nature pour les habitants de la terre de tout horizon aujourd'hui et pour les future générations. Vous pouvez en savoir plus ici >> https://www.greenpeace.org/africa/en/about-us-2/ Merci!
Les occidentaux ont vidé leurs forêts pour construire leurs pays, aujourd'hui nous devons protéger les nôtres au nom de la PROTECTION DE LA NATURE, Nous devons mourir dans le chômage, an non de la PROTECTION DE LA NATURE. Combien des camerounais seront embauchés à Camvert? Chaque année, les forêts occidentales s'envolent en fumée, je comprend aujourd'hui que l'ennemi de l'Afrique, c'est l'africain lui même. Comme ceux qui ont raté ce projet vous paient pour le sabotage. Nous aussi, avons droit au développement. Comme c'est le cas à Niété, avec Camvert, la route de Campo sera régulièrement dégagée
Bonjour Martin, Comme vous pouvez le constater, nous sommes une organisation indépendante de défense de l'environnement. Nous utilisons la confrontation non violente et créative pour dénoncer les injustices environnementales dans le monde entier et pour apporter les solutions essentielles à un avenir vert et pacifique. Vous pouvez en savoir plus ici >> https://www.greenpeace.org/africa/en/about-us-2/