Des lettres adressées aux dix plus grandes caisses de retraite du Canada demandent de la transparence et un plan pour répondre à leurs obligations légales en matière de risques climatiques

(Toronto, Vancouver, Ottawa, Montréal) – Des lettres ont été remises aujourd’hui aux conseils d’administration et aux dirigeant·e·s des dix plus grands fonds de pension du Canada pour demander des informations sur la façon dont les fonds respectent leurs obligations fiduciaires envers les bénéficiaires face à l’aggravation de la crise climatique mondiale. 

Chaque lettre est signée par des bénéficiaires des fonds respectifs. Parmi les signataires figurent des travailleur·euse·s de la santé actifs et retraité·e·s, des enseignant·e·s, des scientifiques, des médecins, des élu·e·s, des jeunes Canadien·e·s, des professeur·e·s d’université, des fonctionnaires et leurs représentant·e·s syndicaux·les, tels que le président du SCFP Ontario et le président de l’Alliance du secteur public du Canada, et des représentant·e·s des organisations environnementales.  

Les lettres ont été rédigées en collaboration avec SHIFT : Action for Pension Wealth & Planet Health et Environmental Defence et Ecojustice, une organisation à but non lucratif spécialisée dans le droit de l’environnement. Elles comprennent un nouveau document d’information juridique expliquant « l’obligation fiduciaire » (c’est à dire, l’obligation qu’un individu ou un organisme a envers quelqu’un de détenir et d’administrer ses biens en vue de les remettre ultérieurement à un tiers, appelé bénéficiaire) des gestionnaires de fonds d’agir de manière décisive pour lutter contre la crise climatique dans le meilleur intérêt  de leurs bénéficiaires à long terme. Les lettres comprennent également une liste de questions sur leur approche de la gestion des risques liés au climat auxquelles les fonds doivent répondre.

Les administrateur·trice·s et gestionnaires de fonds de pension ont une obligation légale bien établie de veiller à ce que l’argent des déposant·e·s soit investi dans leur meilleur intérêt à long terme. Malgré les conseils clairs des expert·e·s juridiques exigeant que les administrateur·trice·s et les gestionnaires gèrent activement les risques climatiques, de nombreux fonds continuent de se comporter comme si l’obligation fiduciaire les empêchait de modifier leurs stratégies d’investissement. Bon nombre des plus grandes caisses de retraite du Canada ne divulguent pas leurs investissements et les risques climatiques qui y sont rattachés avec transparence, et continuent de ne proposer que des stratégies faibles ou incomplètes pour faire face à ces risques.

«Les fonds de pension doivent évaluer et agir de manière décisive pour limiter leur exposition aux risques climatiques, sous peine d’être potentiellement confrontés à des conséquences juridiques, déclare Andhra Azevedo, avocat d’Ecojustice. Les bénéficiaires demandent à leurs fonds de pension d’être transparents sur leurs politiques et leurs actions à ce jour afin que les bénéficiaires puissent déterminer si leur fonds répond à ces exigences.»

«La crise climatique est une menace pour la valeur future des investissements des fonds de pension canadiens. Les entreprises sont confrontées à des risques financiers croissants et sans précédent en raison des effets physiques du réchauffement de la planète et de la transition nécessaire mais difficile des combustibles fossiles vers une énergie sans carbone», a déclaré Sébastien Collard, signataire de la lettre et porte-parole de la coalition Sortons la Caisse du carbone qui vise à accompagner la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans sa nécessaire sortie des énergies fossiles.

Certaines entreprises peuvent également être confrontées à des risques importants en matière de réputation, de réglementation et de droit après avoir contribué de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre, bloqué la politique climatique et trompé le public sur les dommages causés par leurs produits pendant des années. Au-delà des risques pour les fonds individuels, l’incapacité collective à stabiliser rapidement l’augmentation de la température mondiale devrait compromettre la croissance de l’économie et menacer la stabilité de l’ensemble du système financier mondial. Le système financier devrait être confronté à des niveaux intolérables d’instabilité et de risque si l’humanité ne parvient pas à limiter le réchauffement mondial à 1,5 ℃.

«Si des mesures importantes ne sont pas prises immédiatement pour gérer les risques climatiques et aligner les investissements sur la sécurité climatique, je crains que les fonds de pension ne soient pas en mesure de payer la totalité des pensions de milliers de travailleur·euse·s dévoué·e·s lorsqu’ils prendront leur retraite », déclare Fred Hahn, président du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) de l’Ontario, qui représente plus de 125 000 membres du Régime de retraite des employé·e·s municipaux de l’Ontario (OMERS).

L’organisme de réglementation des pensions du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), a également averti que les directeur·trice·s et les administrateur·trice·s des régimes de retraite sous réglementation fédérale pourraient être exposé·e·s à un risque de responsabilité s’ils ne remplissent pas leurs obligations juridiques et fiduciaires en ce qui concerne la crise climatique. 

Les lettres des cotisant·e·s précisent que pour remplir ces obligations, les fonds doivent non seulement gérer de manière défensive les risques climatiques, mais aussi aligner de manière proactive leurs stratégies d’investissement sur une voie permettant d’atteindre une sécurité climatique plus large, afin de protéger les meilleurs intérêts de leurs bénéficiaires. 

Des actions en justice ont été entreprises avec succès dans les pays du Commonwealth pour obliger les fonds de pension à agir. Un déposant d’un fonds de pension australien de 25 ans a intenté en 2018 une action en justice contre les gestionnaires du fonds pour ne pas avoir divulgué et géré de manière adéquate le risque climatique (McVeigh v. Retail Employees Superannuation Trust). Le fonds a accepté un accord de règlement exigeant la mise en œuvre d’une empreinte carbone nette nulle d’ici 2050, ainsi que des mesures de divulgation du risque climatique et de transparence du portefeuille.

La Caisse dé dépôt et placement du Québec est l’un des fonds questionnés. Plusieurs des signataires de la lettre qui leur a été adressée militent au sein du groupe Sortons la Caisse du Carbone, lequel a montré dans ses analyses annuelles que les québécois·e·s auraient eu un rendement nettement supérieur depuis 2010 si la Caisse était sortie des énergies fossiles à ce moment. Grâce à la démonstration répétée de ces pertes, la Caisse a pris plusieurs engagements importants sur le plan climatique – notamment la décision cette semaine de se retirer complètement de la production de pétrole d’ici la fin 2022 – et continue d’améliorer son positionnement année après année.

Sortons la Caisse du carbone invite la Caisse à poursuivre son travail de chef de file pour se conformer aux exigences de la science du climat et à le détailler dans la réponse à cette lettre. Tous les fonds de pension du Canada doivent emboîter le pas dans cette marche incontournable et universelle vers une économie prospère et décarbonée.

Les cotisant·e·s ont demandé à leurs fonds de pension des réponses détaillées et crédibles d’ici le 31 décembre 2021.

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Pour plus d’information : 

Laura Bergamo, conseillère en communications, Greenpeace, 438-928-5237, [email protected]

Diego Creimer, coalition Sortons la Caisse du carbone, 514-999-6743, [email protected]