
En quoi la minière The Metals Company (TMC), une entreprise relativement peu connue basée à Vancouver et qui ne génère même pas de bénéfices, constitue-t-elle une menace pour les océans, les conventions internationales, la transparence et la transition vers l’énergie propre?
L’exploitation minière commerciale en eaux profondes n’a pas commencé, et nous avons inspiré un mouvement mondial composé de millions de personnes et un soutien politique pour conserver ce statu quo. Cependant, les cadres de TMC n’en peuvent plus de patienter, usant de tactiques agressives et controversées telles que du lobbying auprès de Donald Trump pour qu’il les laisse démarrer leurs sales activités.
Voici cinq choses que vous devez savoir pour que nous puissions arrêter ensemble cette entreprise canadienne.
1. Des intérêts privés qui veulent partitionner le Pacifique
Basée à Vancouver, avec un PDG qui risque de gagner des millions et un personnel majoritairement basé à des milliers de kilomètres dans les pays du Nord, TMC veut ouvrir la voie à l’exploitation minière des fonds du Pacifique. Cela alimenterait la destruction des océans en tant que patrimoine commun de la planète, dans une région qui subit déjà les contrecoups du dérèglement climatique et de la pêche industrielle.
L’entreprise (qui s’appelait à l’origine DeepGreen) a contribué aux efforts déployés par le secteur privé pour monopoliser l’exploration minière en eaux profondes dans l’océan Pacifique : à un moment donné, elle détenait des droits sur un quart de million de kilomètres carrés de plancher océanique.
Répétant les injustices de l’exploitation destructrice menée par l’Amérique du Nord et l’Europe, TMC a été fortement critiquée par les communautés, les activistes et même les gouvernements de la région Pacifique pour sa contribution à l’extractivisme néocolonial.
Le PDG Gerrard Barron a tenté de minimiser l’opposition des peuples autochtones du Pacifique, affirmant qu’il avait rencontré des « Aîné·es » d’Hawaï et « écouté leurs propos », mais qu’il n’en avait finalement pas tenu compte : « Il y a beaucoup de groupes qui ont beaucoup d’idées, n’est-ce pas? ».
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il s’essaie : il a été l’un des premiers investisseurs d’une autre entreprise qui a tenté d’exploiter les fonds marins en Papouasie–Nouvelle-Guinée, mais qui a massivement sous-estimé l’opposition locale et a fait faillite avant même d’avoir commencé ses activités. L’État insulaire s’est ainsi retrouvé avec une facture de plus de 100 millions de dollars américains.
2. Elle a tenté de définir les priorités des gouvernements, et cela n’a pas marché!
Comme TMC n’a aucun moyen de générer des bénéfices tant qu’elle n’a pas obtenu l’autorisation de commencer à exploiter les profondeurs océaniques, le soutien politique en faveur de la protection des océans constitue son principal obstacle.
L’entreprise canadienne a exercé un lobbying soutenu auprès de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), l’instance réglementaire intergouvernementale créée par les Nations Unies, allant jusqu’à utiliser le siège d’un pays du Pacifique à la table des négociations pour dire aux gouvernements : « Personnellement, cela me rend très mal à l’aise lorsque les gens nous qualifient de mineurs des profondeurs ». Et lorsqu’il est devenu évident que les gouvernements écoutaient davantage les préoccupations du public et les avertissements des scientifiques que les intérêts commerciaux, TMC a accéléré la cadence.
En 2021, l’État qui l’a parrainée a utilisé une clause échappatoire pour lancer un ultimatum à l’AIFM : mettre au point un Code minier autorisant l’exploitation minière en eaux profondes dans un délai de deux ans, faute de quoi TMC soumettra une demande pour commencer ses activités sans aucune règle en vigueur. Même si la haute mer a un petit côté « Wild West », il s’agit là d’une manœuvre particulièrement effrontée.
Mais en dépit de ce discours musclé, le directeur des finances de TMC a déclaré aux médias que, même en l’absence d’un Code minier, « nous avons le droit légal de faire une demande de permis, ce qui signifie que les gouvernements devront l’examiner et la traiter provisoirement ». Cette tactique d’intimidation s’est en fait retournée contre elle. Avant que TMC ne lance cet ultimatum de deux ans, aucun gouvernement ne se demandait publiquement si l’exploitation minière en eaux profondes devait commencer ou non. Depuis que TMC a brandi cette menace, plus de 37 gouvernements ont appelé à un moratoire sur le lancement de l’exploitation minière en haute mer.
3. Elle aimait faire dans l’écoblanchiment – jusqu’à ce que des scientifiques et des entreprises d’énergies propres l’interpellent
Si vous essayez de lancer l’industrie de l’exploitation minière en eaux profondes alors que la protection des océans unit les gens du monde entier et que les gouvernements s’entendent sur un traité mondial sur les océans – dont le Canada est signataire – pour protéger la vie marine, vous ne gagnerez jamais un concours de popularité.
Afin que les gens cessent de penser aux excavatrices surdimensionnées qui sont nécessaires afin de labourer le plancher océanique à cinq kilomètres sous les vagues, TMC a lancé une campagne de relations publiques afin de présenter l’exploitation minière en eaux profondes comme la solution aux changements climatiques. Les porte-paroles de l’entreprise ont donné des centaines d’entrevues fondées sur un faux dilemme, affirmant que l’humanité devait choisir entre la destruction des forêts tropicales et des océans pour en extraire les minerais afin de fabriquer des batteries de voiture. L’entreprise a fait croire à tout le monde qu’il n’y avait pas d’autre solution possible, mais Barron a fait allusion à leur tromperie : « C’est une belle histoire que tout le monde aime ».
Il n’a pas fallu longtemps aux fabricants de batteries et de véhicules électriques pour dénoncer cette supercherie. Un total de 60 entreprises, dont Panasonic, BMW et Renault, se sont engagées à ne pas utiliser les minéraux extraits des grands fonds marins et ont réclamé un moratoire en raison des risques écologiques. Lorsqu’une industrie a une si mauvaise réputation avant même d’avoir commencé ses opérations, il s’avère que les grandes marques ne veulent pas être associées à quelque chose d’aussi toxique.
De plus, à la lumière des scandales liés à l’exploitation minière terrestre, les producteurs de batteries ne se sont pas tournés vers l’exploitation minière en eaux profondes – ils ont innové en s’éloignant des minerais problématiques. Ces dernières années, plusieurs grandes marques se sont engagées à éliminer progressivement le cobalt, et de nouvelles compositions de batteries, qui n’utilisent pas trois des quatre minéraux que TMC veut extraire des grands fonds marins, font leur apparition.
Pendant ce temps, les scientifiques ont fait de nouvelles découvertes sur l’incroyable diversité de la vie dans les profondeurs océaniques que TMC veut éventrer, apprenant que des baleines nagent dans ces eaux, et révélant même l’existence de l’« oxygène noir ». TMC a donc pris exemple sur les fabricants de tabac et l’industrie des combustibles fossiles en dénigrant ces travaux scientifiques, même si elle a financé une partie de la recherche initiale.
Montrant son vrai visage, TMC a poursuivi Greenpeace en justice pour tenter de mettre fin à notre mobilisation pacifique en mer, laquelle a perturbé sa collecte de données pour sa demande d’autorisation d’exploitation minière. Mais tout comme nous ne reculons pas lorsque les pétrolières recourent à l’intimidation juridique pour tenter de réprimer les critiques, la puissance du mouvement mondial contre l’exploitation minière en eaux profondes n’a pas été ébranlée par cette manœuvre visant à empêcher les gens de défendre ce qui est juste. Les efforts de TMC se sont retournés contre elle, car les tribunaux ont confirmé le droit de Greenpeace à manifester pacifiquement non pas une fois, mais à deux reprises. Un juge a déclaré qu’il était « compréhensible » que Greenpeace International ait entrepris une action directe pacifique face aux « conséquences potentiellement très graves » des projets de l’entreprise.
4. Elle peine à lancer l’industrie de l’exploitation minière en eaux profondes
Malgré le battage médiatique orchestré par TMC, l’exploitation minière en eaux profondes est confrontée à des défis de plus en plus nombreux qui laissent planer des doutes sur l’avenir de cette industrie.
Les grandes banques et assureurs considèrent que l’exploitation minière en eaux profondes est trop risquée et gardent leur distance, tandis que certains des grands noms qui soutenaient TMC au départ se sont désengagés. Le transporteur maritime danois Maersk s’est retiré en tant que fournisseur de navires, suivi par la minière Glencore qui a vendu sa participation dans l’entreprise.
TMC a déjà reçu deux avis du NASDAQ, l’avertissant qu’elle risquait d’être retirée de la cote si le prix de son action restait aussi bas, et les premiers essais en milieu océaniques ont également été difficiles. Une vidéo fuitée a révélé que lors des essais miniers de TMC, des eaux usées et des débris provenant des profondeurs de l’océan ont été déversés dans les eaux de surface du Pacifique. De plus, l’équipement utilisé lors de ces tests n’était qu’un prototype : la société néerlando-suisse Allseas, sur laquelle TMC compte pour ses navires et sa machinerie minière, a admis qu’elle n’avait pas encore commencé à financer ou à construire de l’équipement d’extraction minière à grande échelle.
5. Elle s’est associée à Donald Trump
Bien qu’elle ait déclaré aux médias qu’il n’y avait que « 0,1 % de chance » que les gouvernements bloquent sa première demande de permis d’exploitation minière, il a fallu moins de 3 mois après l’élection d’une scientifique à la tête de l’AIFM pour que TMC parte en claquant la porte.
Malgré une réaction rapide et forte de la communauté internationale, TMC a contourné le cadre juridique international et demandé à Donald Trump de lui donner l’autorisation d’exploiter les océans du monde.
Ce n’est pas si surprenant de la part d’un PDG qui a affirmé que l’extraction de nodules polymétalliques de l’habitat en eaux profondes dont dépend la vie marine revenait à ramasser des « balles de golf sur un terrain d’entraînement ». Mais il s’agit d’un acte désespéré qui constitue la première demande d’exploitation commerciale des fonds marins et qui représente non seulement une grave menace pour les océans, mais aussi un acte de mépris total du droit international et des avertissements scientifiques.
TMC a peut-être connu une période de crise, mais elle joue désormais avec le feu. La ministre française de la Transition écologique a qualifié cette initiative d’acte de piraterie, et l’entreprise elle-même admet qu’elle sera probablement considérée comme une atteinte au droit international qui posera un obstacle majeur à la poursuite de ses activités.
Le Canada doit se prononcer : les océans ne sont pas à vendre
Le gouvernement canadien, qui s’est déjà prononcé en faveur d’un moratoire mondial sur l’exploitation minière en eaux profondes, est resté dangereusement silencieux face aux agissements effrontés de The Metals Company et de Trump.
En tant que membre du Conseil de l’Autorité internationale des fonds marins et siège de The Metals Company, et conformément à son engagement de protéger la nature à l’échelle mondiale, le Canada doit réaffirmer son soutien à un moratoire mondial sur l’exploitation minière en eaux profondes et s’opposer à l’adoption du Code minier – le règlement en voie d’être élaboré par l’AIFM qui légitimerait l’exploitation minière en eaux profondes.
Les océans ne sont pas à vendre; ils constituent le patrimoine commun de l’humanité, et le Canada a la responsabilité de protéger les fonds marins contre les entreprises extractives et avides de profit.