Depuis le tout début, 2020 nous a plongé dans un film apocalyptique aux innombrables péripéties. La pandémie mondiale a bouleversé des pans entier de notre économie et l’effondrement du prix du pétrole constitue une “menace existentielle” pour l’industrie. Pendant ce temps, l’urgence climatique ne faiblit pas. Elle frappe peut-être à un rythme plus lent que la pandémie, mais ses conséquences à long terme sur la santé publique et l’économie n’en seront pas moins sévères.

Nous voulons savoir ce que vous en pensez, partagez-nous vos idées sur la façon dont les gouvernements devraient réagir dans la section “commentaires” ci-dessous!

Des plans d’aide pour les travailleuses et travailleurs

Alors que la pandémie continue de se propager dans le monde entier, beaucoup d’entre nous sommes inquiet·es pour la santé de nos familles et de nos ami·es, et par les ramifications de cette crise de santé publique sur notre société. En cette période d’incertitude, il est important que les gouvernements interviennent et protègent les personnes qui sont les plus vulnérables, celles qui souffriront le plus, directement ou indirectement. En préparant judicieusement cette réponse, nous avons également la possibilité de sortir de cette crise mieux préparé · es pour l’avenir.

Les investissements consentis par les gouvernements pour faire face à la pandémie et à l’effondrement des prix du pétrole pourraient nous permettre de mieux gérer la crise actuelle, la crise climatique et la crise de la biodiversité. Crises qui font peser des menaces croissantes sur la vie, la santé, les moyens de subsistance et le bien-être des populations. Par la mise en place de leurs mesures de relances, les gouvernements pourraient soutenir la réorientation de l’industrie (pétrolière) et des projets d’infrastructures et nous aider à transitionner vers une économie carboneutre. Ces mesures pourraient apporter des améliorations majeures à la vie quotidienne, à l’emploi et aux revenus des Canadien·nes. 

Le plan d’aide initial de 82 milliards de dollars du gouvernement Trudeau est de bonne augure car un certain nombre de mesures sont centrées sur le bien-être des gens: l’extension du programme d’appui aux travailleu·ses, non couvert·es par l’assurance-emploi; l’augmentation des allocations pour enfants; et le soutien des communautés autochtones qui aideront les plus vulnérables à garder la tête hors de l’eau à court terme. Parce qu’elles s’appuient sur des programmes existants, ces mesures pouvaient être mises en oeuvre rapidement. Malheureusement, beaucoup de gens ne seront pas protégés par ces mesures et leurs besoins doivent être pris en compte.

Le nouveau plan d’aide canadien se distingue clairement des propositions américaines visant à éliminer les impôts sur les revenus (coupure qui ultimement bénéficiera aux riches) et à renflouer les coffres des secteurs de l’exploration (fracturation hydraulique) et de l’aviation. L’offre canadienne inclut en revanche 10 milliards de dollars en soutien financier aux entreprises par l’intermédiaire d’Exportation et développement Canada et de la Banque de Développement du Canada. Les détails et les répercussions de ce soutien restent à déterminer.

En annonçant le plan de relance, les ministres fédéraux ont souligné qu’il ne s’agissait que de la phase 1 – conçue pour aider les gens à surmonter les difficultés à venir – dans une situation qui évolue encore rapidement.

Nous aurons probablement une meilleure idée de ce à quoi ressemblera la stratégie à long terme dans le budget fédéral de la semaine prochaine. Une question clé que nous devrions nous poser est de savoir si les programmes et les priorités énoncés dans le budget visent simplement à revenir à une « normale » qui n’existe plus, ou s’ils adoptent une vision à plus long terme et cherchent à nous préparer aux défis à venir.

Reprogrammer la société pour être plus juste et équitable

La mobilisation pour lutter contre le virus démontre que nous pouvons transformer radicalement nos systèmes et nos sociétés pour combattre une menace. J’ai vécu le krach économique de 2008, lorsque les gouvernements ont dépensé des milliards pour renflouer les initiés du secteur financier qui ont pris des risques irresponsables et ont laissé les plus vulnérables dans une situation difficile. Le coronavirus a mis en évidence les défaillances systémiques de l’économie mondiale, auxquelles nous devons nous attaquer afin de lutter non seulement contre cette crise, mais aussi contre la crise climatique.

Voici ce qu’avait à dire Naomi Klein sur le sujet (en anglais) :

Nous finirons par sortir de l’isolement social (peut-être avec une nouvelle appréciation du rôle des gouvernements, de l’expertise scientifique et de la solidarité entre les communautés), mais nous devons reconnaître que les marchés pétroliers, eux, ne reviendront jamais à leurs jours de gloire d’avant 2014.

Vers une transition énergétique

D’ailleurs, l’effondrement actuel du prix du pétrole est à bien des égards un aperçu de ce qui se passera au cours des prochaines décennies, lorsque le pétrole sera remplacé par des énergies renouvelables alimentant des véhicules électriques. La demande est en baisse et ceux qui peuvent produire à bas prix ouvrent les robinets pour protéger leur part d’un gâteau qui se rétrécit.

Depuis cinq ans, Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, nous met en garde contre les changements climatiques qui menacent l’économie mondiale et contre la possible faillite des entreprises qui ne parviennent pas à passer à un monde sans carbone. Même les capitalistes impitoyables comme Blackrock (le plus grand gestionnaire d’actifs au monde) considèrent les combustibles fossiles comme une industrie en déclin.

Nager à contre courant ne ferait que nous enfoncer davantage dans la crise climatique et affaiblir notre économie devant ceux qui auront pris le tournant vert. 

Dans le prochain budget fédéral, la tentation sera forte – tout comme le puissant lobby du secteur pétrolier – de renflouer les compagnies pétrolières. Nous devrions plutôt aider les travailleurs·es de cette industrie et tous les Canadien·nes, en prenant avantage des taux d’intérêt historiquement bas pour lancer un programme de relance à faible émission de carbone, dans le style du “New Deal vert”.

Ce n’est pas seulement un rêve de Greenpeace. Même l’Agence internationale de l’énergie (AIE), très conservatrice de nature, exhorte les dirigeants politiques et financiers mondiaux à concevoir des « plans de relance durables » qui mettent l’accent sur l’investissement dans les technologies énergétiques propres. Selon le Fatah Birol de l’AIE : « C’est une occasion historique pour le monde de créer, d’une part, des plans de relance durables, mais d’autre part, de réduire les investissements sales et d’accélérer la transition énergétique ».

Le coronavirus a mis en évidence les défaillances systémiques de l’économie mondiale, auxquelles nous devons remédier afin de faire face non seulement à cette crise, mais aussi à la crise climatique.

Ce qu’il faut retenir ici – pour emprunter une phrase de l’écrivain et activiste canadien Cory Doctorow – c’est que les catastrophes ne doivent pas nécessairement se terminer par des dystopies. Lorsqu’une catastrophe survient, nous constatons souvent que nos voisin·es ne sont pas nos ennemi·es, mais nos sauveur·ses et que nous avons une responsabilité partagée. De ces perturbations peuvent également naître des solutions créatives qui font de notre monde un endroit meilleur et plus sûr.

S’attaquer aux injustices face à la COVID-19 et à la crise climatique

Le journal scientifique de renommée internationale le  Lancet ainsi que l’Organisation Mondiale de Santé l’ont précisé :  les changements climatiques auront des conséquences importantes sur la transmission des maladies infectieuses. Les changements climatiques ont le même effet pernicieux et multiplicateur de la Covid-19 qui touche inégalement les factions de la société et affecte davantage les plus vulnérables et les marginalisés. En ce temps de crise, il est fondamental que les fonds publics servent à solidifier les systèmes sociaux et écologiques desquels nous dépendons. Pour prévenir la prochaine crise de santé publique, il faut dès maintenant travailler à résoudre les injustices omniprésentes au même niveau que la crise du climat et de la biodiversité.

Alors que nous mobilisons massivement les ressources publiques pour répondre à la pandémie de Covid-19, nous devons veiller à ne pas nous laver les mains des crises et des injustices en cours qui menacent déjà la vie, la santé, le bien-être et les moyens de subsistance des gens, comme les crises du climat et de la biodiversité. En ces temps de crise, il est essentiel que les fonds publics soient affectés au renforcement des systèmes sociaux et écologiques dont nous dépendons. Penser à l’avenir pour prévenir la prochaine crise de santé publique signifie agir maintenant pour remédier aux injustices existantes et aux crises du climat et de la biodiversité. 

Partagez vos idées en commentaires : à quoi devrait ressembler notre société post COVID-19 ? Quel plan de relance souhaitez-vous ?

Aujourd’hui plus que jamais, nous devons travailler ensemble et mettre en commun nos ressources pour le bien public. Selon vous, où les gouvernements fédéral et provinciaux devraient-ils investir ? Ajoutez vos idées aux commentaires ci-dessous et nous les combinerons avec les nôtres pour plaider en faveur d’une réponse forte à ces crises qui se chevauchent.