Nouvelle très excitante! Cette semaine, Greenpeace Canada vient de nommer sa nouvelle directrice générale!

Roulement de tambour s’il vous plaît…

Christy Ferguson!

Force tranquille et activiste courageuse, Christy supervisait depuis 5 ans notre département des campagnes (le QG de toutes nos missions). Auparavant, elle avait notamment été à la tête des campagnes Arctique et Climat-Énergie. Négociatrice en haute mer au leadership non-conventionnel et empreint de compassion, elle est une force de la nature à ne pas sous-estimer!

Elle a grandement contribué à transformer la confrontation avec la multinationale Kimberly-Clark (les fabricants de mouchoirs Kleenex) en une collaboration qui a finalement abouti à des gains importants pour la protection des forêts anciennes.

Plus tard, en 2013, alors qu’elle naviguait au nord-ouest de la Russie à bord de l’Arctic Sunrise — l’un des bateaux de Greenpeace — pour dénoncer l’exploration pétrolière dans cette zone, elle a su garder son sang froid lors des négociations avec les autorités russes, même sous la menace de tirs.

Et il y a un an et demi, elle a relevé le plus grand défi de tous : devenir maman.

Christy Ferguson and her baby, William (19 months old).

Alors maintenant … Quelle est la prochaine étape pour Greenpeace avec Christy à la barre?

Continuez à lire pour le savoir!

 

Félicitations pour le nouveau poste Christy! Comment te sens-tu?

Merci! Je ne pourrais pas être plus heureuse.. Depuis mon retour de congé parental en décembre, j’ai ressenti un regain de  motivation et un grand sentiment de compassion. Avant de revenir, je craignais qu’en tant que mère célibataire, un rôle de cette ampleur serait trop difficile à gérer. Mais mon désir de préserver l’avenir de mon fils est incroyablement motivant. Que dire de la vague d’action impulsé par les jeunes partout à travers le monde? C’est tellement inspirant! Et cette planète est tellement incroyable! J’aime sincèrement aller au travail tous les jours et collaborer avec une équipe si talentueuse pour tenter de bâtir un monde meilleur.

 

Tout le monde a une histoire, un moment-clé dans sa vie qui a tout changé. Quel est le tien? Comment t’es-tu retrouvée impliquée dans le mouvement environnemental?

J’étais active dans le mouvement pacifiste dans les mois qui ont précédé le début du conflit en Irak. C’est de cette façon que j’ai rencontré des gens de Greenpeace, dans les rues de Toronto, manifestant contre cette guerre injuste. Ils avaient beaucoup d’énergie et de bonnes idées. Ils étaient créatifs, même face aux réalités politiques terrifiantes auxquelles nous étions confronté·es. Donc, mon implication initiale chez Greenpeace est d’abord née de ma foi en la mission pacifiste de l’organisme. Je me suis impliquée et en ai appris davantage sur l’aspect environnemental par la suite. Tandis que je continuais à faire connaissance avec les personnes qui travaillent dans les coulisses de Greenpeace, j’ai tellement été impressionnée par leur niveau de stratégie et d’ambition et le fait que l’organisation soit guidée par des valeurs qui étaient aussi les miennes que peu de temps après, j’ai accepté mon premier emploi en tant qu’assistante à temps partiel au sein de la campagne pour une agriculture durable. Je n’ai jamais quitté le bateau depuis….

 

Forest Rescue Station in Papua New Guinea where we helped demarcate Indigenous traditional territories threatened by industrial resource extraction.

 

Tu as la réputation de garder ton calme dans des situations extrêmes. Une de ces situations se démarque d’ailleurs dans ton parcours : ton expédition au nord de la Russie à titre de responsable de la campagne Arctique chez Greenpeace. Peux-tu nous raconter ce qui s’est passé avec les garde-côtes russes?  

En 2013, j’étais à bord de l’Arctic Sunrise, ,dans l’Arctique au nord de la Russie, pour manifester contre les préparatifs réalisés en vue d’effectuer un dangereux forage pétrolier en haute mer. Alors que nous travaillions pour exposer la situation dans cette région reculée du monde, il est devenu évident que nos protestations touchaient une corde sensible, au point que les garde-côtes russes ont fini par nous menacer de nous tirer dessus si nous ne dégagions pas.

Ils nous ont abordé et ont exigé que nous quittions la région. Nous n’avons pas obéi. Nous étions dans les eaux internationales et avions tout à fait le droit d’être là. Qui plus est, ce que les compagnies pétrolières faisaient devait absolument être mis au vu et au su de tout le monde. Au milieu de cette mer, submergés par cette environnement spectaculaire que nous tentions de protéger, l’importance de l’enjeu n’en était que plus clair pour nous… nous n’allions pas reculer.

Finalement, la garde-côtière est montée à bord de notre bateau, illégalement et sous menace de violence. Dans les heures qui ont suivi, le capitaine du navire et moi-même nous sommes assis dans le bureau étroit du navire avec quatre agents russes pour parler de ce qui se passerait ensuite. Nous n’avions pas eu le temps de nous consulter et n’avions pas convenue d’une stratégie de négociation au préalable. Nous ne pouvions communiquer avec personne hors de ces quatre murs. Je dois avouer que j’étais à ce moment précis à la fois terrifiée et exaltée. Nous avons gardé notre sang-froid et avons sans relâche redirigé la conversation vers notre mission et les raisons qui nous poussaient à être là :  forer dans cette région était trop dangereux, et nous voulions protéger l’Arctique contre les risques de déversements qui seraient impossibles à nettoyer.. Nous leur avons rappelé les valeurs d’indépendance et de non-violence de Greenpeace et le fait que nous parlions au nom de millions de sympathisant·es à travers le monde. Malgré la tension palpable qui régnait dans la cabine, j’ai gardé mon calme, forte de ma conviction en notre mission, et parce que je nous savais soutenus par notre équipage.

La discussion a commencé calmement, mais avec le temps, les agents russes sont devenus de plus en plus agités et leur demande de plus en plus pressantes. Ils recevaient des ordres par radio et paraissaient subir des pressions pour nous contraindre à quitter la zone. Leur langage corporel a changé et ils ont fini par nous menacer à nouveau de faire feu sur nous – de façon imminente. Il était clair à ce stade qu’ils ne bluffaient plus. Nous avons donc mis fin à notre manifestation.  Une semaine plus tard, les autorités russes tiraient sur nos activistes, prenaient d’assaut l’Arctic Sunrise illégalement dans les eaux internationales et emprisonnaient tout l’équipage, dont deux Canadiens, dans une crise connue sous le nom des « 30 de l’Arctique ».

Russian Authorities Board the Arctic Sunrise. © Will Rose / Greenpeace

Négociation avec les garde-côtiers lors de notre campagne contre le forage en Arctique 

Tu es une femme, une mère monoparentale, et à 42 ans, tu es une jeune directrice générale sachant que la moyenne d’âge pour ce type de poste est de 58 ans et que les femmes représentent moins de 20% des postes de haute direction au Canada.  Comment espères-tu faire la promotion du leadership au féminin et augmenter la diversité au sein du mouvement environmental?  

Cela va sonner un peu cliché, mais une chose que j’ai apprise c’est qu’en étant soi-même, on permet aux autres de l’être aussi. Encourager différents profils de personnes à assumer des rôles de leadership est essentiel pour démontrer que mener un mouvement peut prendre des formes diverses. Il n’y a pas qu’un type de personnalité, il n’y a pas qu’un curriculum, il n’y a pas qu’un diplôme qui te prépare pour ce genre de poste. Je parle avec douceur, je n’aime pas être le centre d’attention, je suis davantage du type collaboratif que contrôlant. Je raconte de mauvaises blagues et j’aime les programmes télé pour adolescents. On s’entend que je ne représente pas l’image traditionnelle qu’on se fait d’une directrice générale. Et ce ne sont pas seulement mes propres idées préconçues qui parlent!

En arrivant dans le mouvement, je me suis fait dire à plusieurs reprises (souvent par des hommes campés dans des postes de direction) que j’aurais besoin de changer si j’aspirais au succès : parler plus fort, avoir de l’assurance et montrer ma force. Je n’avais juste pas la volonté  de me métamorphoser de la sorte. Et j’en suis heureuse aujourd’hui, car avec le soutien et le mentorat de certains leaders incroyables et non conventionnels, j’ai pu cultiver un style de leadership ouvert, engageant et surtout authentique. Et au final, ces qualités que certains considéraient comme passives se sont avérées être parmi mes plus grandes forces. Dans ce rôle, je veux aider les personnes qui m’entourent à faire de même et à trouver le style qui leur convient. Pas en étant comme moi, mais en étant elles-mêmes. Faire preuve d’empathie et de compassion fait partie de mes valeurs et de la façon dont je souhaite diriger Greenpeace.

 

Comment espères-tu transformer Greenpeace Canada pour faire place à la nouvelle génération de leaders climatiques?

Il s’agit vraiment de donner de l’espace et du soutien aux jeunes, de les laisser transformer l’organisation. Je vois déjà cela se produire au sein de Greenpeace. Nous avons tellement de jeunes employé·es, de sympathisant·es et de bénévoles qui font preuve de talent et de créativité. Parfois, nous devons prendre du recul sur notre façon de penser comment les choses doivent être faites et être à l’écoute des nouvelles idées (parfois très éloignées des nôtres!). Parce que soyons honnêtes : aucun de nous n’a jusqu’ici trouvé la solution pour régler les crises sociale et environnemental auxquelles nous faisons face. Nous devons cesser de prétendre avoir toutes les réponses et essayer de nouvelles approches. Et souvent, ces nouvelles approches viennent de gens qui ont été trop souvent et trop longtemps mis à l’écart.

Je pense aussi que comme mouvement, nous devons laisser les jugements de côté. Je me répète, mais aucun de nous n’a toutes les réponses. Il n’y a pas de mode de vie parfait. Il n’y a pas de politique parfaite. Nous avons besoin d’inviter tout le monde à la table de discussion et de profiter de la diversité des expériences et des idées de chacun·e.

Alors voilà, maintenant vous savez tout, ou presque. Négocier avec les garde-côtes russes? Pas de problème. Gérer l’heure de la sieste? C’est sous contrôle. Le leadership hors norme? Elle a trouvé son style. Suivez Christy sur Twitter et soyez aux premières loges pour voir ce que nous réserve la nouvelle directrice générale de Greenpeace Canada!