Avez-vous entendu parler de l’accord « 2 pour 1 » conclu entre Shell et nos gouvernements?

Notre nouveau rapport d’enquête, L’art de brasser de l’air, révèle que Shell a gagné plus de 200 millions de dollars en vendant des crédits carbone pour des réductions qui n’ont jamais eu lieu, le tout en faisant du lobbying contre les réglementations visant à plafonner les émissions au sein de l’industrie des combustibles fossiles. Une vraie championne du multitâche!

Tout a commencé en 2008, lorsque Shell a lancé le projet de captage et de stockage de carbone (CSC) Quest. Il s’agissait du premier – et demeure aujourd’hui le seul – projet de CSC dans le secteur des sables bitumineux, et le gouvernement de l’Alberta le présentait comme une solution à la pollution par les sables bitumineux. 

Le projet était basé sur des crédits carbone, dont chacun représente une tonne d’émissions de CO2 réduite ou éliminée de l’atmosphère. Ces crédits sont ensuite vendus ou échangés pour atteindre des objectifs de durabilité commerciaux ou politiques, réaliser des objectifs climatiques ou faire preuve de leadership en matière de climat. Malheureusement, dans le cas présent, il ne s’agissait que d’une supercherie de plus pour entraver toute action climatique concrète.

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© Jiri Rezac / Greenpeace. Vue aérienne de lignes sismiques et d’une mine de sables bitumineux dans la forêt boréale au nord de Fort McMurray, Alberta, en 2009. 

Notre enquête a révélé que les efforts de lobbying de Shell se sont soldés par un accord « 2 pour 1 » lors de négociations en 2008 avec le gouvernement de l’Alberta pour subventionner ce projet de CSC.

« Le gouvernement de l’Alberta a permis à Shell de réclamer deux tonnes en crédits d’émission pour chaque tonne enfouie sous terre. L’entreprise pouvait donc effectivement vendre chaque tonne deux fois, ce qui veut dire que la moitié des crédits d’émission vendus correspondent à des réductions qui n’ont jamais eu lieu », explique Keith Stewart, stratège principal en matière d’énergie chez Greenpeace Canada. 

À la fin de 2022, le projet de CSC Quest avait permis de retirer 5,7 millions de tonnes d’émissions de carbone, mais grâce à cet accord, le gouvernement de l’Alberta a indemnisé Shell deux fois en la rémunérant pour la capture de 11,4 millions de tonnes d’émissions. Et en parallèle, Shell a continué à augmenter sa production de combustibles fossiles.

Et ce n’est pas tout : depuis 2008, Shell a reçu 777 millions de dollars en subventions directes des gouvernements provinciaux et fédéral, ce qui signifie que les contribuables ont subventionné 93 % des coûts de ce projet de CSC. L’accord a été conclu en 2022, mais le mal est fait. La population entière s’est fait escroquer.

« Le gouvernement fédéral est en train de rédiger un règlement visant à plafonner les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues des secteurs pétrolier et gazier. Nous avons révélé les coûts de l’accord « 2 pour 1 » de Shell pour nous assurer que la nouvelle réglementation ne comporterait pas de failles similaires, et nous espérons que nos sympathisant·es soutiendront le plafonnement proposé des émissions de GES », ajoute Stewart. 

Nous demandons aux entreprises pétrolières et aux gouvernements de rendre des comptes, de mettre progressivement fin à la production de combustibles fossiles et de soutenir les communautés dans leur transition vers les énergies renouvelables. Pour le bien de nos jeunes, des générations futures et de la planète, nous devons construire une économie basée sur des énergies renouvelables efficaces, équitables et propres.