Kinshasa, le 5 novembre 2021 — Greenpeace Afrique s’indigne du manque de professionnalisme et des propos intimidants du ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) en réaction à notre communiqué révélant l’implication de la Vice-Première ministre, ministre de l’Environnement Eve Bazaiba dans l’affaire Tradelink.

Les divagations et contre-vérités éhontées de M. Yves Kitumba, Directeur de cabinet de Mme Bazaiba  nécessitent que Greenpeace Afrique fixe l’opinion sur les faits suivants :

Le 9 juin 2021, le Conseil pour la Défense Environnementale par la Légalité et Traçabilité (CODELT) et Organisation Congolaise des Ecologistes et Amis de la Nature (OCEAN) ont introduit auprès de Mme Bazaiba un recours administratif visant l’annulation des six contrats Tradelink.  Ces contrats, portant sur six concessions dites de conservation, couvrant une zone grande comme la moitié de la Belgique, avaient été attribués illégalement par le ministre Claude Nyamugabo en septembre 2020.

Le 24 juin 2021, Greenpeace Afrique a adressé une correspondance à Mme Bazaiba, lui signalant notre exposé du 17 juin sur l’affaire Tradelink. 

L’institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) a confirmé l’illégalité des concessions de la société le 29 juin. 

Le 28 juillet nous avons écrit au Premier Ministre et une réunion avec son équipe a eu lieu par la suite.   

Si Mme Bazaiba n’a jamais daigné répondre à notre correspondance, son collègue, le ministre de l’Aménagement du territoire, M. Guy Loando, n’a pas fait le même choix.  Dans une lettre du 1 août 2021, il a reconnu la “pertinence” de notre requête auprès du Premier Ministre.  Il s’en remettait aux orientations et instructions de celui-ci. 

Dans une lettre du 25 août adressée à Mme Bazaiba, le gouverneur de la province de la Tshuapa appelait à annuler les concessions Tradelink.

La société civile a de nouveau porté l’affaire au cabinet du Premier Ministre au cours d’une séance de travail le 28 septembre. 

Lors de la réunion du conseil des ministres du 15 octobre, le Président de la République déclare avoir été saisi de plusieurs plaintes d’irrégularités dans l’octroi des concessions forestières, citant en particulier celles de Tradelink. Il ordonne à Mme Bazaiba de faire un état des lieux technique et financier de toutes les concessions forestières de la RDC, de suspendre tous les contrats “douteux” en attendant le résultat de l’audit, et d’en faire rapport au gouvernement lors de la prochaine réunion du Conseil des Ministres. 

L’implication de Mme Bazaiba dans l’affaire Tradelink est établie en octobre lors de la découverte de l’ordre de mission qu’elle avait signé le 13 septembre pour sept membres de son ministère d’accompagner une équipe de Tradelink dans la province de Tshopo. Le 13 septembre : c’est trois jours après l’expiration du délai légal dont elle disposait pour répondre au recours administratif déposé par la société civile.

L’affirmation de M. Kitumba selon laquelle “C’est l’équipe [du MEDD] qui est descendue sur le terrain qui a conclu à l’illégalité de ces concessions” est donc totalement farfelue. 

Premièrement, l’équipe que Mme Bazaiba a dépêché sur le terrain n’avait nullement pour mission d’évaluer la légalité des contrats.  Au contraire, son objectif, comme le précise l’ordre de mission, était : “Facilitation de la négociation et signature des accords de clauses sociales, réalisations des enquêtes socio-économiques et la signature du consentement libre, informé et préalable (CLIP) de la Société TRADELINK”.

Et de deux : l’équipe est restée à l’œuvre sur le terrain jusqu’au 28 octobre — presque deux semaines après que le président de la République avait ordonné la suspension des concessions Tradelink, le 15 octobre. Un document de la clause sociale du cahier des charges a été finalisé lors de la mission et était prêt à être signé.  Une panne d’imprimante a empêché sa signature.

Et de trois : selon un deuxième ordre de mission, celui de la coordination provinciale de MEDD Tshopo, un agent de la Coordination provinciale de l’Environnement assurait, lors de cette mission, le rôle de… représentant de Tradelink ! 

Finalement, selon l’ordre de mission de Mme Bazaiba : la mission a été financée par la société.

Lors du conseil des ministres du 22 octobre “un projet d’arrêté portant suspension des six contrats [Tradelink] a été soumis à l’appréciation du Conseil des Ministres”.  S’il a été signé, cet arrêté n’a pas été publié sur le site du MEDD.  Et le compte rendu de la réunion du 22 présente les titres Tradelink comme les seuls à suspendre dans l’immédiat.  Pourtant, depuis le 20 octobre Mme Bazaiba dispose d’une liste — non exhaustive — de 22 concessions illégales, dressée par le Conseil pour la Défense Environnementale par la Légalité et Traçabilité (CODELT) et le Réseau des Organisations de la Société civile pour l’économie Verte en Afrique Centrale (ROSCEVAC).

Lors du conseil des ministres du 29 octobre aucune allusion n’a été faite au dossier des “contrats illégaux et douteux”. 

La menace de M. Kitumba de saisir la justice est digne d’une époque qu’on croyait révolue et ne vise qu’à étouffer la vérité. 

Greenpeace Afrique maintient sa demande au Président de la République d’ordonner une enquête urgente pour établir les responsabilités de tous ceux, y compris la ministre Eve Bazaiba, impliqués dans le complot Tradelink et d’assurer que les sanctions soient appliquées selon la rigueur de la loi.  Nous demandons au Chef de l’Etat d’ordonner la publication immédiate de l’ordre de suspension des contrats Tradelink et de veiller à l’annulation de tous les autres contrats illégaux. 

FIN

Pour plus d’informations et interviews :

Raphaël Mavambu, Media et Communication, Greenpeace Afrique, [email protected]

Irène Wabiwa Betoko, cheffe du projet forêt du Bassin du Congo a.i., Greenpeace Afrique, [email protected]

Local Girl in Cameroon. © John Novis Être impliqué