Kinshasa, 27 avril 2022:  Le 12 avril dernier, suite à la publication du rapport d’audit de l’Inspection générale des finances (IGF) du secteur forestier, la Vice-Première ministre, ministre de l’Environnement Eve Bazaiba aurait annoncé : « Je vous informe que tous les contrats indexés par l’IGF nous les avons suspendus jusqu’à nouvel ordre ». Selon un examen de Greenpeace Afrique, l’acte du ministre n’est que partiel et reste incohérent.

Mme Bazaiba vient de publier un arrêté daté du 5 avril :, elle n’a suspendu qu’un petit tiers des titres illégaux répertoriés par l’IGF.  C’est le service minimum au peuple congolais, possiblement pour calmer les bailleurs de fonds et préparer le terrain pour la levée du moratoire sur les nouvelles concessions forestières. 

Serait-elle en train de confirmer le statut légal des titres qu’elle a choisi d’ignorer, en prenant à contre pied l’IGF ?

« La suspension par la ministre Bazaiba de seulement d’une douzaine de concessions forestières attribuées illégalement est aussi étrange qu’un dentiste enlevant une seule dent pourrie et en laissant d’autres mauvaises en place », a déclaré Serge Sabin Ngwato, chargé de campagne forêt de Greenpeace Afrique. « Les actions de la ministre Bazaiba doivent être totalement transparentes et complètes afin de protéger la forêt tropicale des criminels environnementaux et de mettre fin à leur impunité», conclut Ngwato.

Lorsque Mme Bazaiba évoque dans son arrêté le « processus de revue légale des concessions forestières en cours au Ministère de l’Environnement », elle ne risque pas de plaire au consortium PPM – OCA Global commis à cette tâche, financée par l’Union européenne. Dans sa note de situation du 11 avril 2022, ce dernier affirme: « Dans le contexte défavorable qui a prévalu jusqu’à la publication du rapport de l’IGF, les travaux de l’équipe d’audit de la Revue Légale ont été considérablement affectés par les difficultés qu’elle a éprouvées pour établir des modalités de collaboration efficaces avec les services publics en charge du suivi du secteur forestier (DGFor, DGF, et DIAF, notamment), dont l’implication active est pourtant indispensable pour permettre l’aboutissement de cette Revue légale ». Rappelons que cette mission d’audit a failli capoter l’année dernière à cause du refus obstiné de Mme Bazaiba de délivrer un ordre de mission. Ce qu’elle a fini par faire deux mois après une intervention personnelle de l’ambassadeur de l’UE. 

Tout porte à croire que le ministère préfère reprendre le contrôle d’un processus dont il aura le dernier mot sur les résultats à présenter.

Selon Greenpeace Afrique, il est impossible de savoir pourquoi son arrêté mentionne des “concessions forestières de conservation” : il n’y en a pas une seule parmi les douze titres suspendus. Peut-être considéré encore l’ordre du Président Tshisekedi l’année dernière de suspendre les six concessions de conservation Tradelink, ordre qu’elle a exécuté avec un retard qui suscite de questionnements. On se souvient qu’à l’époque elle venait de donner un coup de pouce aux entrepreneurs de cette arnaque – dont les concessions ne sont toujours pas résiliées d’ailleurs, et restent seulement suspendues. 

Au-delà des titres vilipendés par l’IGF qu’elle a choisi d’ignorer, Greenpeace Afrique rappelle qu’il existe de nombreux autres titres qui méritent eux aussi une annulation définitive. Des fausses concessions de conservation à l’instar de celles attribuées à l’établissement Buhendwa, à KFBS / Sodefor, ou encore à Renewable Solutions / Safbois. Et bien entendu la flopée de concessions d’exploitation forestière qui ne disposent toujours pas d’un plan d’aménagement. A ne pas oublier les mauvais payeurs et autres “parrains” du développement local. Rappelons aussi que le rapport de l’IGF n’a pas pu se pencher sur le cas de cette société de nettoyage industriel Groupe Services, qui s’est vue attribuer un fief de près de 800 000 hectares en toute illégalité en juin 2020. 

Greenpeace Afrique réitère sa demande au président Félix Tshisekedi d’ordonner une enquête judiciaire sur les responsables du pillage de la forêt congolaise et, le cas échéant, la levée de leur immunité parlementaire. Le refus de la ministre Eve Bazaiba de se conformer à l’ordre du Président de suspendre toutes les « concessions douteuses » nécessite une enquête urgente.

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Raphaël Mavambu, Consultant Media et communication, Greenpeace afrique, [email protected]