Mars 2019, près d’une année après que les peuples autochtones du village Lokolama, dans la province de l’Equateur, ont déposé leur dossier de demande d’obtention d’une concession forestière, j’y suis retourné pour célébrer, avec eux, la remise officielle de l’arrêté leur attribuant plus de 11,000  hectares de forêts par les autorités locales.

C’est une histoire de succès qui a commencé en 2016, lorsque les peuple autochtones de ce village ont décidé de lancer leur projet de foresterie communautaire, qui bénéficie de l’accompagnement de Greenpeace Afrique avec la contribution financière de la Fondation Turing. L’objectif est, alors, de sécuriser leurs espaces forestiers à travers l’obtention d’une concession forestière et ensuite de les aider à bien gérer ces forêts et développer des activités non destructrices pour améliorer leurs moyens de subsistance. 

Face aux mépris de leurs droits et de la stigmatisation dont ils sont l’objet au quotidien de la part des communautés bantous, les peuples autochtones de Lokolama ont vite compris que ce projet était la bonne opportunité pour inverser cette tendance et qu’il était important pour eux de se l’approprier. Après s’y être activement impliqués, les peuples autochtones de Lokolama sont devenus ainsi les tous premiers peuples autochtones à obtenir une concession forestière dans toute la République Démocratique du Congo. Ceci a été pour eux un motif de joie et de fierté et un message d’encouragement à d’autres peuples autochtones qu’il est également possible pour les peuples autochtones d’obtenir des droits légaux sur les forêts . 

Le long parcours vers la foresterie communautaire

Seules les concessionnaires forestiers industriels avaient le droit d’obtenir les titres légaux sur les forêts avant la réforme du code forestier en 2002. Dans la même année, le Gouvernement de la RDC cède aux pressions de la société civile et inclut dans le code forestier,la possibilité également pour les communautés d’obtenir des titres légaux pour leurs forêts.

Bien avant, les communautés n’avaient qu’une reconnaissance purement coutumière sur leurs forêts, insuffisante face aux lobbies industriels toujours menaçants. Des nombreuses communautés se sont vues enlever leurs terres coutumières et ont assisté à la destruction de leurs précieuses forêts. Elles ont signé des accords sociaux avec des entreprises forestières qui se sont révélés être des fausses promesses, en plus de les avoir plongé dans une misère indescriptible. Ces accords ont, en plus, provoqué des nombreux conflits sociaux.

En attribuant des concessions forestières aux communautés, l’Etat semble faire un pas vers le rétablissement d’une justice sociale entre tous les utilisateurs de la forêt. Les communautés peuvent désormais décider de ce qu’elles veulent sur leurs forêts et cela inclut  comment elles doivent s’organiser, les types d’activités qu’elles comptent y développer et de quelle manière répartir les bénéfices issus de l’utilisation de leur forêt et financer leurs priorités de développement. 

Alors que les peuples autochtones du village Lokolama appellent à l’aide, les financements publics tardent à venir

Lors de la cérémonie officielle tenue mars dernier pour remettre l’arrêté leur attribuant la concession forestière, le chef traditionnel et représentant coutumier du village Lokolama, M. Joseph Bonkile, a demandé l’aide financière d’autres partenaires afin qu’ils puissent développer des activités dans leur concession et la protéger. Le même a été transmis au Gouvernement congolais par M. Valentin Engobo, président de l’Association des Peuples Autochtones Pygmées de Lokolama.  

Dans un document de stratégie nationale relative à la foresterie communautaire signée en 2018, le Gouvernement de la RDC s’est engagée à attribuer d’ici 2023, 50 concessions forestières aux communautés locales et peuples autochtones, représentant au moins 2.465.000 hectares d’étendue des forêts. Pour assurer la gestion durable de ces concessions, l’Etat congolais s’est également engagé à approuver au moins 50 plans simples de gestion pour la même périod, pour les zones à attribuer aux communautés.

Le rôle de l’Etat devrait être  plus large. A terme, il devrait rendre efficace le financement de ce processus de foresterie communautaire. Malheureusement, tous les projets communautaires actuellement mis en oeuvre sont exclusivement financés par les organisations de la société civile nationale et internationale. Le manque de financement gouvernemental à soutenir les communautés ne peut pas être justifié.

En 2016, la RDC a signé, dans le cadre de l’Initiative pour la forêt de l’Afrique Centrale (CAFI), un accord de financement avec un groupe des donateurs internationaux dirigé par la Norvège. Cet accord fournira à la RDC 200 millions de dollars américains d’ici 2020 pour mettre en place des programmes de réduction des émissions issues de la déforestation et dégradation des forêts (REDD+). 

Au lieu de favoriser un programme controversé visant à apporter un soutien au secteur forestier industriel dont les activités continuent de causer des dommages environnementaux, sociaux et économiques en dégradant les forêts;  le gouvernement de la RDC devrait consacrer une grande partie des fonds CAFI à des projets communautaires.

Je suis convaincu que le meilleur moyen de garantir l’économie locale tout en protégeant les forêts consiste à renforcer l’engagement de la RDC à soutenir des solutions communautaires telles que la foresterie communautaire. C’est l’une des alternatives durables à l’exploitation industrielle.

Serge Sabin Ngwato, chargé de campagne forêt