A partir de ce jeudi 15 avril, pendant deux mois, les citoyen.ne.s belges pourront s’exprimer sur la prolongation de la durée de vie de Doel 1 et 2. Même si cette consultation arrive tard, elle représente une valeur symbolique pour établir un précédent, aussi bien en Belgique qu’en Europe. Pour le mouvement environnemental, rien ne justifiait ni ne justifie le maintien en activité de ces réacteurs obsolètes ; ils doivent être fermés le plus vite possible.

Victoire pour la démocratie

Il y a un peu plus d’un an, la Cour Constitutionnelle, suivant l’avis de la Cour de Justice européenne, a supprimé la loi de 2015 sur la prolongation de la durée de vie de Doel 1 et 2. [1] Selon la Cour, cette décision devait être précédée d’un rapport sur les incidences environnementales (RIE) et d’une consultation des citoyen.ne.s – quelque chose que le mouvement écologiste a toujours exigé.

Le fait que ce processus ait lieu 6 ans plus tard représente donc une victoire importante pour la démocratie, explique Arnaud Collignon, chargé de mission Energie chez Inter-Environnement Wallonie, l’une des organisations à l’origine du jugement : L’arrêt de la Cour confirme que la prolongation de la durée de vie a été faite en violation de la loi. Le fait que les citoyen.ne.s aient maintenant leur mot à dire est un signal fort; en effet, il ne s’agit pas seulement de l’actuelle prolongation de Doel 1 et 2 jusqu’à 2025, mais aussi d’une éventuelle prolongation de Doel 4 et Tihange 3 au-delà de 2025. Engie-Electrabel et le gouvernement doivent également respecter la loi.”

Absence d’une justification cruciale de l’extension

Pour la prolongation d’utilisation de Doel 1 et 2, le précédent gouvernement s’était basé sur l’argument de la sécurité d’approvisionnement, seule justification dans la loi de 2003 sur la sortie du nucléaire. [2] Doel 1 et 2 seraient, pour ainsi dire, nécessaires pour garder la lumière allumée. Cet argument n’était pas seulement invalide en 2015, mais n’a toujours aucun sens ni aujourd’hui, ni pour la période 2022-25. [3] En fait, lorsque nous avons été au plus près des problèmes d’approvisionnement, fin 2018, Doel 1 et 2 n’étaient même pas disponibles.

“En maintenant les réacteurs inutiles de Doel 1 et 2, le gouvernement précédent a surtout annihilé les incitations à investir dans des capacités de remplacement”, déclare Jan Vande Putte, expert Énergie chez Greenpeace Belgique. “De ce fait, la prolongation de leur durée de vie a eu, sur le long terme, l’effet inverse sur la sécurité d’approvisionnement et a semé les graines pour les subventions aux centrales à gaz, qui sont maintenant discutées pour la période après 2025.”

Les réacteurs vieillissants représentent un risque pour la sécurité

Doel 1 et 2 ne peuvent pas être prolongées sans une justification fondée – et doivent donc être arrêtées au plus tard le 31 décembre 2022. Ceci est déterminé non seulement par la loi sur la sortie du nucléaire et l’arrêt de la Cour constitutionnelle, mais aussi par les principes de la radioprotection. Après tout, Doel 1 et 2 sont des réacteurs obsolètes qui ne répondent plus aux exigences de sécurité actuelles. En particulier, l’enveloppe en béton à simple paroi des bâtiments des réacteurs et la faible protection du bassin de refroidissement n’ont pas été abordées dans le cadre du projet d’extension de leur durée de vie.

En d’autres termes, les réacteurs constituent un réel risque d’accident grave dont les conséquences peuvent dépasser largement les frontières nationales. [4] C’est la raison pour laquelle, parallèlement à la consultation belge, la population et les autorités européennes dans un rayon de 1.000 km autour de la centrale sont également consultées. “Prolonger inutilement ce risque pour la population belge et les pays voisins est irresponsable et inacceptable”, concluent les organisations environnementales.

Notes :

[1] Réaction d’Inter-Environnement Wallonie : “La Cour constitutionnelle annule la loi sur la prolongation des centrales nucléaires Doel 1 et 2”

[2] Art. 9 de la loi du 31 janvier 2003 relative à la sortie progressive de l’énergie nucléaire pour la production d’électricité : “En cas de menace pour la sécurité d’approvisionnement en matière d’électricité, le Roi peut, par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, après avis de la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz, prendre les mesures nécessaires (…)”

[3] Elia, Adequacy and flexibility study for Belgium 2020-2030 (2019). Une nouvelle étude prévue pour la fin du mois de juin tiendra compte, entre autres, de la réduction de la demande d’électricité pour la période 2023-25 en Belgique et dans les pays voisins.

[4] Des simulations basées sur des données météorologiques réelles, réalisées par l’Université de Vienne (BOKU) à la demande du gouvernement autrichien, cartographient la propagation de la radioactivité après un accident nucléaire pour les deux Doel 1 et 2. Dans l’exemple ci-dessous, de vastes zones aux Pays-Bas et en Allemagne devraient être complètement évacuées.

Contacts :

Bureau de presse Greenpeace : 0496 26 31 91 – [email protected]

Arnaud Collignon, chargé de mission chez Inter-Environnement Wallonie : 0477 70 04 56