Lors de la COP26 à Glasgow, le premier ministre Trudeau a commencé son discours d’ouverture en faisant le lien entre les changements climatiques et la tragédie de la ville de Lytton, réduite en cendres par des feux de forêt climatiques. Les résident·es de Lytton sont cependant toujours là et veulent se faire entendre, y compris par les gens qui continuent à verser de l’argent dans des projets de combustibles fossiles. Greenpeace s’est rendue à Lytton, à Nicola Valley et à Kamloops, toutes des régions touchées par les feux de forêt, pour témoigner de ce qui s’y est passé et recueillir des témoignages. Voici quelques-unes des réflexions des résident·es sur ce qui s’est passé, leur vision de leur avenir, et leurs attentes envers les décideurs politiques et financiers. 

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« Certains des impacts personnels que nous avons ressentis en tant que personnes délogées des terres pendant les incendies sont qu’il y avait encore des rappels troublants qui sont des déclencheurs. Il n’y a pas si longtemps, notre peuple a été forcé de quitter nos maisons à cause des pensionnats, de la rafle des années 1960 et d’autres politiques gouvernementales racistes et systémiques. Ainsi, le fait d’être contraint de quitter sa maison est un déclencheur. En plus de la peur, de l’anxiété et de l’inquiétude quant à ce qui allait arriver à notre mode de vie, il y a aussi des déclencheurs à gérer. […] Ce que je dirais à certains de ces PDG, c’est qu’ils doivent prendre du recul et réfléchir à ce dans quoi ils investissent. Et s’il n’y a pas d’avenir sur cette planète pour leurs enfants ou leurs petits-enfants, dans quoi investissent-ils et pourquoi? Ce n’est pas seulement un enjeu autochtone, cela touche tout le monde. Il n’y a pas que les personnes autochtones qui ont été délogées de Lytton. Il y a toute une communauté, tout un ensemble de personnes, et elles sont toutes touchées par ce qui arrive. Il y a des gens qui sont encore sans abri. » 

— Leonora Starr,  résident de Nicola Valley

« Nous continuons à investir dans des économies fondées sur l’extraction et l’exploitation. Les gens souffrent et les gens meurent. Des gens sont morts ici le 30 juin 2021. Des gens meurent à travers le monde, mais c’est toujours pareil. Ma ville natale a été anéantie. Et ce n’est pas seulement que je suis assis ici, je ne sais pas comment je vais rembourser ou nettoyer ma propriété. Je ne sais pas comment je vais obtenir une hypothèque pour reconstruire ma maison. Mais quand on pense que ces mêmes entreprises sont financées par des institutions financières canadiennes, comment ne pas leur demander des comptes? Elles vont se cacher derrière cette fiction juridique. Nous avons juste prêté l’argent. Mais dans mon monde à moi, quand les choses vont mal, il faut suivre l’argent. […] Mes ancêtres ont réussi à exploiter les ressources terrestres pendant huit mille ans en respectant un principe bien simple : s’assurer de laisser quelque chose pour nos enfants et petits-enfants. Ils doivent avoir les mêmes opportunités que nous. Arrêtez d’investir dans les économies fondées sur l’exploitation et commencez à investir votre argent dans vos enfants et vos petits-enfants. »

— Patrick Michell, résident de Lytton

« Si je pouvais parler à un PDG de banque qui finance encore les combustibles fossiles et qui sait combien de millions, voire de milliards, que les banques investissent dans ce domaine, et si je pouvais m’asseoir en face de lui, je pense que je lui demanderais simplement : « Pourquoi? ». Pourquoi faites-vous cela alors que vous connaissez l’impact de vos décisions et que faut-il faire pour que vous arrêtiez? Que doit-il arriver? Jusqu’où les choses doivent-elles aller? Qu’est-ce qui doit vous arriver en tant qu’être humain doté de sa propre boussole morale pour que vous arrêtiez de prendre des décisions qui mènent à cela? Dans votre position, sachant les conséquences que cela entraîne et avec les statistiques qui parlent d’elles-mêmes. Les statistiques sont là, disponibles. Pourquoi continuez-vous à permettre que de l’argent soit investi dans des choses alors que vous savez que cela touche directement l’environnement? Et que faudrait-il pour que vous arrêtiez? »

— Susan Cumming, résidente de Kamloops

« Si vous avez le pouvoir et si vous avez l’argent, investissez dans les centres de résilience et investissez dans la jeunesse. Cela va devenir la nouvelle norme. Nos jeunes doivent être préparés parce que c’est à cela que notre vie va ressembler. Fuir les incendies, fuir les inondations et fuir les vents extrêmes ou les glissements de terrain, les catastrophes naturelles seront sans fin. Elles vont se succéder. Nous allons être pris dans cet état constant de rétablissement. Arrêtez cette folie. Vous devez commencer à agir comme si votre maison était en feu et commencer à investir tout votre argent, votre pouvoir et vos intérêts dans un avenir plus durable, un avenir plus sûr. Investissez dans un monde meilleur. »

— Serena Michell-Grenier, résidente de Lytton

« Les grandes institutions sont grandes pour une raison. Elles ont une grande clientèle et à ce titre je me considère comme une partie prenante. Donc si je fais affaire avec les cinq grandes banques, je les aide. Et ce partenariat, ou ce fait d’être une partie prenante, devrait nous donner la voix nécessaire pour leur dire que s’il y a des choses qu’ils peuvent faire à un niveau plus élevé avec le pouvoir qu’on leur a accordé, de toutes ces parties prenantes qui les ont mis dans la position où ils sont, je pense qu’ils devraient prendre cela à cœur. Ils devraient tenir compte non seulement de notre bien-être et de nos finances, mais aussi de notre opinion, qui devrait être écoutée et prise en compte. Ce que je dirais à ces personnes, c’est qu’il faut regarder ses petit-enfants, sa conjointe, les personnes que l’on aime dans sa vie et se demander : « Est-ce que je veux être cupide et avoir tout cet argent et ce mode de vie extravagant? Ou est-ce que je veux faire de cette planète un meilleur endroit pour les générations futures? » »

— Gord Cumming, résident de Kamloops

« J’ai parlé à Xavier et à Isabella, mes deux petits-enfants les plus vieux. Je leur ai dit : « Vous devez mettre vos souliers ». Je leur ai dit : « Vous devez mettre vos souliers tout de suite. Le feu est là. Nous devons partir. […] » Les flammes étaient de ce côté. Elles étaient dans notre quartier. C’était juste un mur de feu et nous avons conduit à travers. […] Le feu nous a enlevé beaucoup de choses. Il nous a enlevé notre maison, notre foyer. Ce n’était pas seulement notre maison. Nous avions beaucoup de personnes qui vivaient avec nous. C’est parce que nous leur fournissions un endroit sûr, un endroit sûr où elles étaient aimées et vous savez, c’était chez elles. Nous n’avons pas perdu qu’un simple bâtiment, mais aussi la capacité de donner aux gens un endroit sûr où exister. »

— Tina Grenier, résidente de Lytton

« Je pense que j’ai surtout ressenti de la peur, et c’était vraiment de la peur pour ma communauté, pour la sécurité de notre communauté. Pour notre maison, aussi, bien entendu. Et je pense que j’avais peur de l’incertitude quant à notre avenir. Les choses que j’ai vues en termes de changements climatiques dépassent l’entendement. Je n’arrive pas à croire que je vis à cette époque. J’ai grandi ici à Kamloops, donc j’ai quelques souvenirs de ce à quoi ressemblait le climat quand je grandissais, et c’était très différent. »

— Selena Lawrie, résidente de Kamloops

« L’incendie a vraiment dévasté nos terres et eu des impacts importants. Nous, les gens, continuons à récolter, à chasser et à pêcher et nous dépendons de beaucoup de sources de nourriture qui se trouvent sur ce territoire. Nous avons perdu beaucoup de ressources comme le bois, les médicaments, la nourriture, les cerfs et toutes ces choses différentes dont nous dépendons. Et nous devons maintenant aller plus loin, car il n’y en a pas ici, et demander aux bandes et tribus voisines la permission d’accéder à certains de ces médicaments et aliments. Les impacts du feu sont donc très importants sur la chasse et la cueillette pratiquées par notre peuple. »

— Arnold Lampreau, résident de Nicola Valley

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Vous pouvez demander des entretiens avec les communautés touchées en contactant Marie-Christine Fiset, responsable des médias, à l’adresse [email protected]

Greenpeace a consulté les résident·es de Lytton, Nicola Valley and Kamloops et a obtenu leur consentement pour interviewer, filmer et partager leurs témoignages et ce matériel dans le cadre de cette campagne.