Rembobinons le fil de cette année pour commencer : les projets de gaz naturel liquéfié (GNL) ont de nouveau fait les manchettes alors qu’on pensait les avoir enterrés une fois pour toutes, à force de mobilisations et d’actions directes.
En effet, à la fin du printemps, les conversations et les intuitions ont commencé à sentir que la piqûre de l’extraction fossile semblait de nouveau trouver un certain écho auprès du gouvernement Legault — un gouvernement qui rappelons le possède un certain penchant pour les projets réchauffés et insensés style 3e lien.
Et c’est ainsi que la menace d’un projet de GNL refait surface, avec une nouvelle mouture, un nouveau tracé, mais bien les mêmes enjeux environnementaux et sociaux, ce que nous allons explorer en détail ici.
Marinvest Énergie Canada propose de construire un terminal flottant de GNL à Baie-Comeau. Le terminal serait relié par un pipeline de gaz (un gazoduc) de plusieurs centaines de kilomètres, reliant le nord de l’Ontario à Baie-Comeau via un tracé dont les contours demeurent encore flous.
Comme pour le défunt projet de GNL Québec au Saguenay, l’entreprise tente de présenter son projet comme une opportunité économique et énergétique pour le Québec, vous savez, un de ces fameux projets qu’il ne faut pas manquer si l’on souhaite prendre le bateau de l’avenir. Mais quand on gratte un peu, on découvre un projet risqué, coûteux et nuisible pour l’environnement. Bref, une vieille recette fossile emballée dans un nouveau papier cadeau.
Que sait-on de Marinvest Énergie?
Marinvest Energy AS est une petite société norvégienne créée en 2020. Basée à Bergen, elle se spécialise dans le développement des terminaux et systèmes d’énergie marine pour transporter du GNL, qu’elle continue de présenter comme une « énergie de transition » — un mensonge de l’industrie que nous démystifions un peu plus bas dans le texte.
Au Québec, Marinvest a récemment enregistré sa filiale, Marinvest Énergie Canada, avec l’aide du cabinet de relations publiques NATIONAL, une firme de communication et de lobbying. Six lobbyistes sont déjà inscrits au registre pour promouvoir le projet auprès des gouvernements québécois et fédéral. Ça ne chôme pas dans les chaumières quand il y a des projets nuisibles à promouvoir…
Qui est derrière ce projet de GNL au Québec?
Le premier constat c’est que le grand nombre de lobbyistes contraste avec la taille réelle de Marinvest : six lobbyistes pour tout au plus une PME qui n’employait aux dernières nouvelles qu’un seul salarié. Son modus operandi? Récolter des appuis politiques pour son projet afin d’attirer des investisseurs par la suite.
Le seul salarié de l’entreprise au Canada est le directeur de l’exploitation, Greg Cano. Vous ne le savez peut-être pas, mais vous le connaissez déjà! Ou du moins, vous connaissez l’un des projets qu’il a pilotés. Figurez-vous qu’il avait un rôle central dans la construction du gazoduc Coastal GasLink (CGL) en Colombie-Britannique. Ce projet a suscité une vive opposition à travers tout le pays et a fait la une des médias internationaux pour son traitement violent des membres de la Nation des Wet’suwet’en s’opposant à sa construction. Amnistie internationale a d’ailleurs documenté les graves violations des droits humains infligées aux défenseur·es des terres Wet’suwet’en par les autorités du Canada ainsi que TC Energy durant la construction du gazoduc.
Autrement dit, les mêmes acteurs qui ont déjà poussé des projets fossiles controversés ailleurs au Canada tentent désormais leur chance au Québec.
Pourquoi ça pose problème?
1. Le GNL ne tient pas la route économiquement
Selon un récent rapport des Investisseurs pour l’Accord de Paris publié en mai 2025, la production mondiale de GNL va exploser dans les prochaines années, surtout aux États-Unis et au Qatar. Mais la demande ne suivra pas. Résultat : une surcapacité qui rend les nouveaux projets comme celui de Marinvest très probablement non rentables.
Alors que 46 économistes estiment dans une lettre ouverte que le projet coûterait entre 33 et 41 milliards $ – une somme titanesque, soit l’équivalent de quatre complexes La Romaine — un rapport de Nature Québec paru en juin 2025 affirme que pour voir le jour et être rentables, les projets de pipeline au Québec doivent être financés par les contribuables. C’est donc dire que ces investissements colossaux ne peuvent se faire sans subventions publiques et qu’une partie de la facture finirait dans les poches des Québécois·es!
2. C’est un désastre pour le climat
Contrairement au discours de l’industrie, le gaz naturel liquéfié n’est pas une énergie de transition. Tout au long de son cycle de vie — extraction, transport, liquéfaction, consommation — il génère d’énormes fuites de méthane, un gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le CO₂ sur un horizon de 20 ans.
Résultat? Le GNL est une énergie aussi polluante que le charbon, voire pire. Miser sur le gaz, c’est retarder la transition vers les énergies renouvelables et enfermer le Québec dans des infrastructures fossiles pour des décennies.
3. Parce que ça va à l’encontre de la volonté populaire
En 2021, la mobilisation citoyenne a permis de bloquer GNL Québec, un projet semblable proposé à Saguenay. Le gouvernement du Québec avait alors reconnu que ce type de projet n’était pas compatible avec nos engagements climatiques ni avec l’acceptabilité sociale.
Depuis ce rejet, le contexte politique et économique mondial à changer drastiquement : le retour de Trump à la maison blanche et ses nombreuses lubies (discours sur l’annexion du Canada, tarifs par-ci, tarifs par là…) ont propulsé Mark Carney au sommet du pouvoir à Ottawa. Le nouveau premier ministre canadien a depuis adopté une loi pour accélérer les grands projets dits d’intérêt national (C5) qui fait passer Stephen Harper pour un écologiste modéré…Mais même dans ce contexte d’incertitude économique, les Québécois·es sont clairs : les pipelines ne font pas partie de la solution. Un récent sondage de la firme Léger démontre que les potentiels projets d’intérêt national qui reçoivent le moins d’appui au Québec sont les pipelines de pétrole et de gaz.
En 2025, la population québécoise veut plutôt :
- protéger les communautés affectées par les phénomènes climatiques extrêmes,
- adopter des mesures d’adaptation aux changements climatiques,
- construire des logements abordables, des hôpitaux et des écoles;
Relancer aujourd’hui un projet de pipeline de gaz au Québec, c’est ignorer la voix de la population qui s’est déjà exprimée clairement pour que la société québécoise abandonne les énergies fossiles
Comment peut-on s’y opposer?
Les Québécois·es ont déjà démontré leur capacité à faire reculer les géants de l’industrie fossile. Le rejet de GNL Québec l’a prouvé : quand la population se mobilise, elle peut bloquer des mégaprojets destructeurs de plusieurs milliards de dollars.
Pour s’opposer à Marinvest, il faut :
- S’informer sur les vrais impacts économiques et climatiques du projet, et en parler autour de nous afin de contrer le discours de l’industrie;
- Faire pression sur nos élu·es provinciaux et fédéraux pour qu’ils ferment la porte aux énergies fossiles une fois pour toutes!
- Restez à l’affût – nous vous proposerons des outils clé en main dans les prochaines semaines pour contacter nos élu·es.
Greenpeace et ses alliées vont continuer à dénoncer ce projet fossile d’un autre siècle. Mais le rôle des citoyen·nes est central: chaque fois qu’un projet comme celui-ci est stoppé, on fait un pas de plus vers un avenir basé sur les énergies renouvelables.
Restons mobilisés pour que ce projet ne voie jamais le jour — comptez sur nous pour mener la charge!