Alors que la demande en véhicules électriques et en panneaux solaires rend incertain l’avenir des carburants fossiles, une industrie pétrolière de plus en plus désemparée misait sur les plastiques à usage unique pour stimuler ses projections de croissance.

Voici trois raisons pour lesquelles la logique derrière cette présomption est plus fragile qu’un sac en plastique bon marché.

1. La mauvaise presse

L’industrie pétrochimique est consciente des problèmes posés par la pollution plastique et par l’accumulation de déchets plastiques dans les océans depuis les années 1960 et 1970 au moins. Ce n’est que récemment cependant que cette problématique est dans la mire des médias. En quelques années, le plastique est devenu une véritable bête à abattre. Par le passé, nous avions tendance à percevoir les déchets plastiques comme une pollution visuelle plutôt que comme une menace réelle pour la biodiversité ou pour notre santé. Désormais, il est impossible d’ignorer les images de tortues piégées dans des anneaux en plastique ou de baleines échouées, l’estomac rempli de gobelets et de sacs en plastique.

Les études démontrant la présence de microplastiques dans l’eau potable ou dans les selles humaines sont en voie d’achever ce travail de sape. Pendant trop longtemps, les industriels ont imposé leur vision selon laquelle il est de la responsabilité des consommateurs et consommatrices de recycler leurs déchets. Mais de plus en plus de personnes commencent à réaliser que le problème trouve avant tout son origine dans le modèle proposé par les grands fabricants, et qu’il revient donc à ces mêmes grands fabricants de remédier au gâchis qu’ils ont contribué à créer, à commencer par réduire à la source leur production de plastique jetable.

Malaysia's Broken Global Recycling System. © Nandakumar S. Haridas

Greenpeace Malaisie a conduit une enquête de terrain pour dénoncer l’échec du système de recyclage et ses conséquences sur la société malaisienne.  Des déchets provenant de pays comme le Canada, les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Finlande, la France, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la Suède, et la Suisse ont été identifiés. © Nandakumar S. Haridas

2. Les réglementations à venir

Toute cette attention médiatique mène bien sûr les décideurs à prendre des mesures. Depuis peu, on observe des interdictions des plastiques à usage unique surgir un peu partout. Comme à l’automne dernier, quand l’Union européenne a pris la décision historique d’interdire une dizaine de produits en plastique jetables parmi les plus problématiques (incluant les cotons-tiges, les pailles, la vaisselle jetable), et de veiller à ce que les producteurs assument les coûts des opérations de nettoyage.

Plus près de chez nous, ce sont les pailles en plastique ainsi que les contenants et les gobelets en styromousse qui seront bientôt bannis de Vancouver, mesure adoptée dans le cadre de la stratégie « zéro déchet » de la ville. Enfin, cette semaine, le NPD a réclamé l’interdiction d’une dizaine de plastiques à usage unique au Canada d’ici 2022, incitant le gouvernement fédéral à s’engager enfin dans une stratégie nationale forte en matière de lutte contre la pollution plastique.

Product Shot of Plastic Items. © Fred Dott

Il semble que ce ne soit qu’une question de temps avant que la majorité des pays ne réalise que pour lutter contre la pollution  plastique, il est nécessaire d’en passer par les interdictions, une transition vers des systèmes de distribution durables et la responsabilisation des grands fabricants. L’industrie pétrolière n’a qu’à bien se tenir. Même BP admet que ces nouveaux réglements pourraient réduire la demande future en pétrole, elle qui a pourtant la réputation de sous-estimer le potentiel de croissance des alternatives qui pourraient concurrencer ses ventes.

3. Une action réussie contre les changements climatiques rendra le plastique plus cher

Bon, celle-ci est un peu plus complexe, mais restez avec nous (version longue ici, en anglais). Lorsque les sociétés pétrolières extraient du pétrole ou du gaz naturel, elles extraient toute une gamme de composants chimiques. Les composants les plus précieux du pétrole sont transformés en essence, diesel ou kérosène, tandis que le composant le plus précieux du gaz naturel (le méthane) est utilisé dans les centrales électriques ou pour le chauffage domestique. Les plastiques quant à eux sont fabriqués à partir des restants qui ne sont pas des combustibles particulièrement efficaces. Si ces restants issus du raffinage n’étaient pas transformés en sacs, bouteilles ou gobelets jetables, l’industrie devrait alors payer pour s’en débarrasser.

En bref : le plastique est bon marché, car nous brûlons beaucoup de combustibles fossiles. Si nous consommons moins d’essence, de diesel et de gaz naturel (et que nous nous conformons à l’Accord de Paris sur le climat en éliminant progressivement l’utilisation de combustibles fossiles d’ici au milieu du siècle), il n’y aura pas une telle quantité de déchets de raffinage à transformer en plastique. Cela devient un cercle vertueux, car à mesure que le coût de fabrication du plastique augmente, les alternatives deviennent plus attrayantes.

Donc, quand vous apportez votre propre tasse à café réutilisable ou pressez vos commerçants locaux ou votre supermarché d’abandonner les plastiques à usage unique, votre geste a beaucoup plus d’impact que vous ne le pensez. Vous contribuez non seulement à la sauvegarde des océans, mais aussi à faire comprendre à l’industrie pétrolière — qui garde espoir qu’un secteur  plasturgique en plein essor prendra le relais et maintiendra ses profits — qu’il est temps de penser à une reconversion.

Pour aller plus loin : demandez aux cinq plus grands pollueurs plastique identifiés au Canada de faire leur part pour réduire la pollution plastique.

 

Ce blog a été co-écrit par Philippa Duchastel de Montrouge, Conseillère en communications de la campagne Océans & Plastique de Greenpeace Canada.