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L’annonce il y a une semaine du déversement prochain de 8 milliards de litres d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent à Montréal a depuis suscité l’indignation.

Après l’annonce d’un moratoire, le maire Denis Coderre a finalement rétrogradé avant de déclarer que toutes les possibilités avaient été étudiées et qu’il n’était pas possible de faire autrement.

Difficile d’être plus opaque que la ville de Montréal dans ce dossier.

Aussi, nous avons cherché à en savoir plus. La station d’épuration en question, celle située sur la pointe est de l’île, traite entre 40% et 50% des eaux usées de la province. Eaux qu’elle rejette ensuite dans le fleuve après deux étapes de traitement. La première consistant en un traitement primaire (ou dégrillage) qui permet de filtrer la matière solide, accompagné de l’étape du désablage qui a pour fonction de retirer les matières abrasives. Vient ensuite un traitement secondaire (ou physico-chimique) qui élimine la majeure partie des particules en suspension dans l’eau et réduit la quantité de phosphore qui s’y trouve.

Ce qui va se retrouver dans l’eau à partir du 18 octobre ne passera en revanche aucune de ces étapes de traitement. Aussi, nous sommes à 100 % derrière la population quand celle-ci déplore le manque de transparence de la ville de Montréal et quand elle réclame un moratoire le temps d’étudier des alternatives à défaut d’explications claires sur la situation.

Fait important à noter, le traitement tertiaire (accompli par un processus d’ozonation) qui sert à désinfecter l’eau de la majorité de ses bactéries, coliformes et autres virus, et à éliminer le phosphore dissous ou d’autres molécules laissées intactes par le traitement secondaire n’entrera en vigueur qu’en 2018 suite à d’importants travaux de modernisation. Ce qui signifie que d’ici là, déversement ou non, les bactéries, coliformes fécaux, et virus, ainsi que les traces de produits pharmaceutiques et de contraceptifs vont continuer de se retrouver dans le fleuve et d’impacter la qualité de l’eau du Saint-Laurent. C’est là que réside le fond du problème.

C’est sans parler des eaux provenant du secteur industriel chargées en métaux lourds et en substances chimiques synthétiques et autres produits pas très recommandables pour un fleuve qui se jette dans un lac classé au patrimoine de l’UNESCO.

En 2006, Montréal se retrouvait au troisième rang d’un classement établissant les 50 premiers pollueurs de l’eau au Canada, en raison de l’importance des rejets d’ammoniac et de phosphore des usines de traitement d’eaux usées. À l’époque, la station d’épuration de Montréal ne procédait qu’au traitement primaire des eaux reçues. Autant dire que la ville a fait un sacré bout de chemin. On peut donc attendre d’elle un peu plus d’explications et de transparence concernant ce déversement annoncé qui pourrait comporter un risque pour les prises d’eau des municipalités situées en aval du fleuve et pour la faune, qui ne peut malheureusement lire les avis municipaux en interdisant l’usage récréatif.

Des mesures doivent être mises en place toute l’année, comme par exemple une réglementation visant le traitement des eaux industrielles en amont de la station d’épuration,  ainsi que l’accélération de la mise en place du traitement tertiaire à l’ozone. Autres mesures intéressantes : donner une plus grande place aux initiatives visant les économies d’eau dans une province qui consomme presque 20% plus d’eau que la moyenne des autres provinces canadiennes, ainsi que fournir une meilleure information au citoyen concernant l’utilisation des produits ménagers et cosmétiques, ou la façon de disposer des médicaments périmés ( qui doivent normalement être ramenés au pharmacien ).

Finalement, l’unique point positif est que cette nouvelle aura provoqué un questionnement chez beaucoup d’entre nous sur la façon dont nous gérons l’eau que nous utilisons.

Affaire à suivre dans l’attente de l’avis d’Environnement Canada qui pourrait faire interdire le déversement… D’ici là, vous pouvez faire connaître votre opinion à la Ville de Montréal au 311 ou au 514 872-0311 depuis l’extérieur de Montréal.

Des citoyens ont aussi pris les devants en organisant un évènement sur le Saint-Laurent et en publiant une pétition s’opposant au déversement tant qu’une solution alternative n’a pas été trouvée. À l’heure où nous publions ce blogue, celle-ci a déjà recueilli plus de 70 000 signatures.