Tout le monde savait que l’armée israélienne allait intercepter le Madleen.

Tout le monde savait que les braves activistes à bord allaient se faire arrêter.

Et c’est précisément ce qui rend leurs actions si puissantes.

Ces personnes pacifiques, déterminées et fidèles à leurs principes ont fait voile vers la tempête, avec le cœur ouvert et un objectif moral clair. Elles étaient conscientes qu’elles n’atteindraient pas Gaza. Mais elles savaient aussi que le monde a besoin de se faire rappeler avec courage et avec visibilité que ce qui se passe à Gaza n’est ni normal, ni justifiable et ni acceptable.

Reconnaissons-le : à l’exception du gouvernement d’Israël, d’une bonne partie de sa population et d’un nombre de plus en plus restreint de ses alliés les plus extrémistes, le monde sait que ce qui se passe à Gaza constitue un génocide. Les chiffres parlent d’eux-mêmes – plus de 54 000 personnes ont été tuées, dont 19 000 enfants [1], et la famine est utilisée comme une arme.

Ces actes ne relèvent absolument pas de la « légitime défense ».

Ils constituent la destruction systématique d’un peuple.

Chez Greenpeace Canada, nous croyons à la paix, à la vie et à la dignité pour chacune et chacun. Cet engagement est reflété dans notre nom, et nous prenons la non-violence au sérieux. Nous nous opposons aux projets de forage pétrolier, à la déforestation et aux menaces nucléaires par des actions de protestation pacifiques. Mais nous savons aussi que la non-violence n’est pas passive. Elle exige du courage. Elle exige que nous placions nos corps, nos voix et nos valeurs en première ligne, même si nous savons que nous risquons d’échouer dans l’immédiat.

C’est exactement ce qu’a fait l’équipage du Madleen.

Ses membres ne sont pas des gens radicaux et marginaux ou en quête de publicité. Il s’agit de personnes engagées dont beaucoup, comme Greta Thunberg, sont connues pour leur travail en faveur de la justice climatique et des droits de la personne, et savent que ces deux causes sont indissociables. Nous ne pouvons pas nous mobiliser pour protéger la vie sur Terre tout en ignorant le massacre de populations civiles, la destruction d’écosystèmes entiers par les bombardements ou l’utilisation de crises humanitaires comme instruments de guerre.

Certains murs ne tombent pas du premier coup. Parfois, nous devons cogner dessus sans relâche, et ce, jour après jour. Non pas de manière désespérée, mais avec espoir. Car les murs ne cèdent que lorsqu’un nombre suffisant de personnes refusent de demeurer impassibles.

Parlons franchement : Israël a fait son choix – un choix de guerre, d’occupation et de dévastation. Il ne s’agit pas de juger des individus, mais de condamner une décision politique. L’équipage du Madleen a fait un choix différent : celui de la vie, de la solidarité et de la puissance du témoignage.

Voilà à quoi se résume l’affrontement auquel nous assistons, non seulement entre Israël et le peuple palestinien, mais aussi entre deux visions opposées du monde : l’une basée sur la domination, la peur et le contrôle, et l’autre fondée sur la dignité, le courage et un avenir commun.

Le mal peut sembler inébranlable, mais sa surface se fissure déjà. Greenpeace doit tirer parti de ces failles. Nous devons élever la voix non seulement pour les forêts et les océans, mais aussi pour la justice partout où elle est menacée, car un environnementalisme qui ne tient pas compte des droits de la personne est un environnementalisme vide de sens. Et la paix sans mécanisme de responsabilisation est un mensonge.

Le mur finira par tomber. Et lorsqu’il ne sera plus que ruines, ce sera grâce à celles et ceux qui auront continué à se mobiliser pour la justice, même lorsque le regard du monde était ailleurs.

Source :
[1]  Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies dans les territoires palestiniens occupés et Israel-Gaza war in maps and charts : Live tracker (mis à jour au début février 2025, disponible en anglais seulement)

Yossi Cadan occupe actuellement le poste de directeur administratif intérimaire chez Greenpeace Canada et est un ardent défenseur des droits de la personne. Au début des années 1990, il a travaillé à Gaza pour attirer l’attention sur les atteintes aux droits de la personne dans la bande de Gaza et dans les territoires occupés.