La Commission des droits humains aux Philippines estime que les entreprises et secteurs les plus polluants sont « moralement et juridiquement responsables »  des dommages climatiques

Le 6 mai 2022, la Commission des Philippines des droits humains (CHR) a publié le rapport final de son enquête pluriannuelle sur 47 entreprises privées. Selon l’enquête de la Commission, celles-ci violent les droits humains en contribuant au dérèglement climatique par leurs activités. Il s’agit de la première enquête au monde sur la responsabilité des entreprises dans la crise climatique. 

L’enquête de la Commission philippine des droits humains a débuté il y a sept ans suite à une pétition lancée par des survivant·es du typhon Haiyan ainsi que des ONG locales. Le rapport tant attendu conclut que les entreprises de charbon, de pétrole, d’exploitation minière et de ciment faisant l’objet de l’enquête sont impliquées dans une « tromperie délibérée »  de la science et entravent les efforts de transition mondiale vers une énergie propre.

Parmi les principales conclusions du rapport, on peut citer :

  • Les produits des Carbon Majors [1] ont généré 21,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre entre 1750 et 2011 (p. 99). Les Carbon Majors étaient conscientes des effets néfastes de leurs activités sur l’environnement et le système climatique au plus tard depuis 1965. (p. 101-104)
  • Ces mêmes entreprises ont, directement ou indirectement, délibérément induit le public en erreur en dissimulant le fait que leurs produits entraînent des dégâts importants pour l’environnement et le système climatique. (p. 108-109)
  • Outre cette  responsabilité,, les entreprises de combustibles fossiles peuvent également être tenues responsables par leurs actionnaires pour avoir investi dans l’exploration pétrolière à des fins essentiellement spéculatives. (p. 109)
  • Toute action visant à induire le public en erreur au sujet des faits scientifiques sur le climat et à retarder, faire dérailler ou entraver la transition vers les énergies renouvelables peut constituer un fondement de responsabilité. (p. 115
  • Les Carbon Majors ont une responsabilité d’entreprise de procéder à un contrôle de diligence raisonnable en matière de droits humains (p. 110). Les entreprises, y compris leurs chaînes d’approvisionnement, qui opèrent aux Philippines ou qui relèvent pour d’autres raisons de la compétence de l’archipel, peuvent être contraintes de procéder à un contrôle préalable en matière de droits de l’homme. Elles peuvent être tenues responsables si elles ne remédient pas aux violations des droits de l’homme résultant de leurs activités commerciales. (p. 113-114)

La Commission des Philippines des droits humains a demandé l’abandon de tous les projets de combustibles fossiles existants, ainsi qu’aucun nouveau projet de charbon, de pétrole ou de gaz. De plus, des incitations pour les énergies renouvelables doivent être mises en place et des lois strictes sur la responsabilité des entreprises doivent être introduites.

Yeb Saño, directeur exécutif de Greenpeace Asie du Sud-Est, a aidé à présenter la pétition initiale. Il a qualifié le rapport de la Commission des droits humains de reconnaissance de la violation des droits de millions de personnes par les entreprises de combustibles fossiles.

« Ce rapport est d’une importance historique et constitue une base juridique solide pour les accusations selon lesquelles les activités commerciales destructrices du climat des entreprises de combustibles fossiles et de ciment contribuent aux violations des droits humains. Le message est clair : ces géants de l’industrie ne peuvent pas continuer à se moquer des droits à faire passer leurs profits avant les gens et la planète ».


[1] Les Carbon Majors sont les plus grands groupes pétroliers, gaziers et charbonniers (quelques cimentiers en font également partie), responsables d’une grande partie des gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle. Exemples : ExxonMobil, Shell, BP, Chevron, Peabody, Total, BHP Billiton.