Et si le plus grand producteur de viande au monde se mettait à se présenter comme le sauveur du climat et comme le premier pourvoyeur de nourriture de la planète ? C’est ce qu’a fait JBS, une méga-corporation qui engrange des milliards et rêve de Wall Street, mais dont la chaîne d’approvisionnement réduit l’Amazonie en cendre depuis des années à un rythme croissant et alarmant.

Si le greenwashing était une entreprise, elle s’appellerait sans doute JBS. Ce géant brésilien de la viande, dont l’empreinte méthane, et son poids dans le dérèglement du climat mondial, rivalise avec ceux des plus grandes entreprises pétrolières, se construit depuis des années une image responsable et soucieuse de la protection de l’environnement. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais l’impact de JBS sur le monde est considérable et se voit dans les nuages de fumée noire qui s’élèvent depuis l’Amazonie, dans ces milliers d’hectares de forêt déboisée et dans les émissions croissantes qui empoisonnent notre planète.

JBS est le plus grand producteur de viande au monde et exploite pleinement un système qui détruit la forêt pour en faire de l’argent.

Une ferme d’élevage à l’Estancia Bahia. © Greenpeace / Daniel Beltrá

JBS n’est pas juste un géant de l’industrie ; c’est le géant

Les personnes en charge des décisions pour JBS veulent faire croire au monde que l’entreprise « nourrit le monde avec ce qu’il y a de mieux ». Pourtant, elle transforme en une véritable boîte à méthane — on parle de 76 000 vaches, de 14 millions de volailles et de 147 000 porcs battus par jour, tout ça pour produire sans répit des quantités de viande qui bien au-delà des limites de la planète — sous la direction de Joesley et Wesley Batista, milliardaires qui traînent dans leur sillon de lourdes affaires de corruption, de fraude et de destruction de l’environnement. 

Le nom des deux frères s’est en effet retrouvé mêlé à de nombreuses accusations. En 2020, JBS a par exemple plaidé coupable pour celles de corruption aux États-Unis et a dû payer 256 millions de $ en amende. Cette année encore, l’entreprise a dû s’acquitter de 6,4 milliards de dollars en dettes judiciaires. Et pourtant, son modèle économique dépend toujours d’une vaste chaîne d’approvisionnement qui détruit l’Amazonie et d’autres biomes brésilien, à une échelle telle que l’expression « crime environnemental » paraît n’être qu’un simple euphémisme. Tout cela au nom du profit.  

En outre, entre 2009 et 2023, les abattoirs de JBS auraient été liés à la destruction de près de 470 000 hectares de forêt, soit près de deux fois la taille du Luxembourg, et cela en ne comptant que ses opérations directes. Sa chaîne d’approvisionnement indirecte serait, quant à elle, liée à la perte de plus de 1,5 millions d’hectares de forêt. Cette dévastation est due à des activités criminelles, telles que le blanchiment de bétail, l’accaparement illégal des terres autochtones et les violations de leurs droits humains.

Les bénéfices de JBS sont considérables mais c’est le reste de la planète qui paie pour ses activités, dont les émissions de méthane égalent celles de Shell et ExxonMobil réunies.

Vue aérienne d’une rivière, entre Santarém et Altamira.  © Daniel Beltrá / Greenpeace

Pourquoi nous en prendre à JBS ? 

JBS prétend appliquer une politique de déforestation zéro. Et pourtant, 14 ans après avoir promis d’éradiquer la destruction des forêts de sa chaîne d’approvisionnement, l’entreprise est toujours étroitement liée à des fournisseurs qui opèrent dans des zones déboisées illégalement. Le plan de développement « durable » de JBS ressemble plus à une opération de relation publique qu’à une véritable promesse de responsabilité. Le directeur du développement durable de la multinationale a d’ailleurs précisé que leur engagement « net-zéro 2040 » relevait plus de l’aspiration que de la promesse

JBS essaye en ce moment même de s’introduire à la Bourse de New York par l’intermédiaire d’une société écran néerlandaise, accompagnée par une proposition de restructuration de l’entreprise qui accorderait à la famille Batista plus de 85% des droits de vote de l’entreprise, détenus par une holding luxembourgeoise. Cette démarche soulève de sérieuses questions en matière de transparence et de responsabilité. On est loin des grandes promesses de protection du climat. C’est la consolidation d’un pouvoir industriel au détriment de la confiance du public, de la santé et de l’avenir des personnes, mais surtout de la planète toute entière.

Trop c’est trop.

Il est plus que temps de montrer JBS telle qu’elle est : une ogresse monstrueuse, dont le modèle économique est ancré dans l’exploitation, la dévastation et l’oppression. 

Le moment est critique pour le climat. Le méthane est un gaz à action rapide, qui réchauffe la planète à vitesse grand V, et JBS en émet des quantités colossales. Si la cotation de l’entreprise à la bourse de New York est couronnée de succès, ses investisseurs ne se contenteraient plus d’acheter de simples actions. Ils et elles cautionneraient la destruction de l’Amazonie et d’écosystèmes vitaux ainsi que le dérèglement du climat mondial.

Ce n’est plus une simple question de sensibilisation. Nous en avons eu plus qu’assez. Si vous aussi vous pensez que l’Amazonie mérite un avenir, agissez à nos côtés.

Article original de Alessandro Saccoccio, Chargé du projet Respect the Amazon pour Greenpeace International.