Gravelines, le 28 octobre 2024 – À 9h ce matin, une quarantaine d’activistes de Greenpeace France et Luxembourg ont pénétré le périmètre de la centrale nucléaire de Gravelines pour dénoncer sa vulnérabilité aux risques d’inondation et de submersion par la mer. Des activistes, à bord d’embarcations sur le canal de rejet de la centrale, brandissent un message d’information publique : « Montée des eaux, nucléaire à l’eau ». Des cerfs-volants en forme de méduses et 60 fumigènes bleus symbolisent l’eau qui monte sur la centrale. Alors qu’un débat public est en cours, Greenpeace met en lumière la dangerosité du projet d’EDF de construire deux nouveaux réacteurs nucléaires sur ce site, au cœur du delta de l’Aa, en proie à des inondations qui impactent de plus en plus la population, et au bord d’une mer dont le niveau va monter inexorablement.
Quelques semaines après la publication du rapport La centrale nucléaire de Gravelines : un château de sable en bord de mer, Greenpeace France et Luxembourg tiennent à informer la population sur les dernières avancées scientifiques en matière de risques climatiques et sur la dangerosité de ce projet de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en zone inondable.
L’impossible garantie de la sûreté nucléaire face au dérèglement climatique
Dans son dossier des maîtres d’ouvrage, EDF estime que les données sur lesquelles se base le dimensionnement de la centrale sont « suffisamment robustes pour atteindre l’horizon 2070 des troisièmes visites décennales des réacteurs EPR2 (à mi-chemin des 60 années d’exploitation) ». Pour le reste, EDF misera sur une possibilité d’adaptation à la marge selon un principe d’amélioration continue [1].
Alors que le Programme des Nations unies pour l’environnement alerte sur le fait que « les émissions de gaz à effet de serre restent beaucoup trop élevées et entraînent la planète vers un réchauffement de + 3,1 °C », et que les prévisions des scientifiques sur l’augmentation du niveau de la mer et la multiplication des évènements climatiques extrêmes comme les pluies intenses sont alarmantes, EDF fait un pari qui pourrait mettre en danger la population et l’environnement.
Un monde à + 3,1 °C, c’est la multiplication des catastrophes climatiques avec notamment l’accélération de la fonte des calottes glaciaires et donc l’augmentation du niveau de la mer. Tous nos repères actuels seront bouleversés, et il est déjà acté que des territoires côtiers deviendront inhabitables y compris sur la Côte d’Opale [2], littoral au nord-ouest de la France.
Greenpeace considère qu’il est irresponsable de miser sur cette méthode pour des réacteurs nucléaires qu’on peut éviter de construire dans une zone aussi dangereuse que le polder de Gravelines, qui sera de plus en plus exposé aux risques de submersion avec l’aggravation du dérèglement climatique. Il n’est pas envisageable d’improviser face aux risques climatiques.
Un vide abyssal d’informations dans le dossier du projet d’EDF
Greenpeace France dénonce également les lacunes du dossier d’EDF et le manque d’informations pourtant nécessaires au débat public [3] qui a débuté le 17 septembre dernier.
Pour Roger Spautz, chargé de campagne Nucléaire à Greenpeace France et Luxembourg : « Il devrait être aujourd’hui inconcevable de pouvoir lancer un projet de construction d’une infrastructure telle qu’une installation nucléaire sans qu’aucune étude d’impact sur sa vulnérabilité au dérèglement climatique ne soit réalisée. Ce projet devrait être soumis au débat public par l’exploitant et par des experts indépendants ».
Il ajoute : « dans le contexte de la réflexion sur la prolongation de la durée de vie de la centrale de Cattenom, à la frontière Luxembourgeoise et à l’heure où des pro-nucléaires promeuvent la construction d’une nouvelle centrale au Luxembourg, notre gouvernement ne doit pas se laisser aveugler par les promesses du nucléaire français. En France comme chez nous, il ne s’agit ni de prolonger les centrales existantes, ni d’en construire de nouvelles. Le nucléaire doit laisser la place à un mix énergétique durable et sûr ».
Une action pour illustrer la montée des eaux autour de la centrale nucléaire
Côté mer, des embarcations sont entrées dans le canal de rejet de la centrale pour déposer des activistes qui ont déroulé le message « montée des eaux, nucléaire à l’eau » devant les planches en acier censées protéger les réacteurs nucléaires. Des cerfs-volants en forme de méduses ont été déployés pour symboliser l’arrivée de la mer sur la centrale et illustrer sa vulnérabilité à la montée du niveau des eaux.
Côté terre, des activistes ont répandu de la peinture bleue devant les portes « écluses » de la centrale de Gravelines et des vagues ont été dessinées sur ces mêmes portes pour dénoncer le risque d’isolation de la centrale en île en cas d’inondation fluviale et marine.
Les inondations : une épée de Damoclès pour les habitant·es
Les inondations sont de plus en plus fréquentes et intenses ; c’est un effet direct du dérèglement climatique. Et ces inondations ont un coût. La population du Nord de la France a récemment été marquée par des inondations « exceptionnelles » avec des crues « sans précédent » qui ont dépassé les niveaux de référence.
Dans son rapport, Greenpeace a publié des cartes basées sur les prévisions du GIEC qui montrent qu’en 2100, l’ensemble du site de la centrale de Gravelines pourrait se retrouver temporairement sous le niveau de la mer. Ce risque s’ajoute à ceux déjà existants à Gravelines : inondations par les terres, sites SEVESO alentour, débordement du réseau des wateringues lors des dernières crues…
Pour Pauline Boyer, ingénieure et chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France : « Alors que la population est déjà fortement touchée par les inondations en 2024, qu’en sera-t-il en 2120 ? Tous nos repères actuels auront changé à cause des impacts du dérèglement climatique. Il ne s’agira plus alors de relever d’un mètre la hauteur d’un mur ! » Elle reprend : « Ce projet relève tout simplement de l’inconscience. Construire deux réacteurs supplémentaires à Gravelines, c’est rendre le territoire plus vulnérable dans le temps. Avec ce projet, EDF et l’État ajouteraient un nouveau risque nucléaire quand la population va déjà devoir batailler contre les inondations et les risques de submersion aggravés par le dérèglement climatique. »
Greenpeace rappelle qu’il est bien plus efficace, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour la justice sociale, d’investir dans la sobriété, la rénovation des logements et le développement des énergies renouvelables que dans le nucléaire.
Notes aux rédactions :
[1] EDF prévoit le dimensionnement de ses réacteurs nucléaires pour résister aux risques climatiques jusqu’à 2070, alors que leur exploitation est prévue au moins jusqu’en 2100 et leur démantèlement vers le milieu du siècle prochain. EDF dit qu’elle réévaluera et fera des ajustements tous les 10 ans. C’est un fonctionnement par étape.
[2] Le Centre d‘études sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), qui dépend du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en France, a annoncé qu’un certain nombre de terres et de maisons situées sur le littoral de la Côte d’Opale étaient amenées à disparaître.
[3] La CPDP : Commission particulière du débat public.
Contacts presse :
Mary Chevallier – Chargée de communication Greenpeace France | +33 6 14 73 92 29
Lise Bockler – Chargée de communication Greenpeace Luxembourg | +352 661788111