Luxembourg, 14 mai 2025 – Dans son discours sur l’état de la nation prononcé ce mardi, le Premier ministre Luc Frieden a annoncé que le gouvernement luxembourgeois donnerait son accord au traité entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Greenpeace condamne fermement cette position gouvernementale. Au vu des conséquences désastreuses qu’engendrerait l’accord, l’organisation de protection de l’environnement demande au gouvernement de revenir sur sa décision et de se joindre aux pays de l’UE qui le rejettent, notamment la France, l’Autriche, les Pays-Bas et la Pologne.
« Le pacte UE-Mercosur ne bénéficiera qu’aux grandes entreprises, au détriment de la protection de l’environnement, du climat, des consommateurs et consommatrices, ainsi qu’au monde paysan, tant en Europe que dans les pays d’Amérique Latine », s’inquiète Martina Holbach, chargée de campagne de Greenpeace Luxembourg.
Dans son discours, le Premier ministre Frieden a fait valoir que « la version finale offre davantage de garanties que notre marché ne sera pas inondé et que nos normes sanitaires et environnementales en matière de santé et d’environnement ne seront pas compromises ». Pourtant, selon Greenpeace, l’accord est toujours aussi néfaste pour la nature, le climat et les droits humains que dans sa version de 2019. Le texte de 2024 contient même de nouveaux éléments alarmants qui menacent le droit de l’UE à réguler les questions sociales et environnementales et conduisent à des reculs dans la lutte contre la déforestation mondiale.
Selon l’organisation environnementale, l’accord complémentaire ajouté au traité n’est rien de plus que du greenwashing et n’aura en aucun cas un effet positif sur la déforestation massive [1] ou le dérèglement climatique [2]. Bien au contraire : l’accord UE-Mercosur ne fera qu’aggraver les problèmes écologiques et sociaux en Amérique latine, car il ne prévoit pas de véritables sanctions en cas de violation des droits.
L’accord incitera à importer davantage de produits agricoles européens d’Amérique du Sud, produits selon des normes différentes et à des coûts de production inférieurs, soit une concurrence déloyale pour les petites et moyennes exploitations européennes. De plus, l’accord ne garantit pas des conditions de concurrence équitables en matière de bien-être animal, d’environnement et de santé [3].
L’accord de 2024 a en outre considérablement modifié le chapitre sur le règlement des différends : il permet désormais au Mercosur de déposer des plaintes contre les nouvelles mesures de l’UE en matière d’environnement, de climat et des droits humains, si celles-ci ont un impact sur les exportations du Mercosur vers l’UE [4].
« L’accord UE-Mercosur constitue une violation des engagements de l’UE en matière de crise climatique et de droit international. Il entraînera des reculs importants dans la lutte contre la déforestation et il ne contient aucune solution pour les agriculteur·ices, en particulier les petites exploitations. De plus, l’accord constitue une attaque contre le droit de l’UE à réglementer », conclut Martina Holbach. « Le Luxembourg doit clairement rejeter cet accord toxique. Ni l’Amazonie ni nos agriculteurs et agricultrices ne doivent être sacrifié·es sur l’autel du libre-échange. »
Notes :
[1] En raison des quotas de viande bovine, l’accord UE-Mercosur accélérerait le taux de déforestation dans la région du Mercosur d’au moins 5 % par an. Cependant, contrairement à ses promesses, non seulement la Commission européenne n’a pas mis en place de mesures de protection des forêts et des autres écosystèmes, mais elle a également accepté des clauses qui remettent en question les politiques et les actions de l’UE contre la déforestation mondiale.
[2] On estime que l’augmentation des volumes d’échanges agricoles liée à l’accord UE-Mercosur entraînera des millions d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires chaque année. D’éminents juristes spécialisés dans l’environnement ont conclu que l’accord était donc contraire aux obligations de l’UE en matière de climat en vertu de la législation européenne et du droit international.
[3] La Commission européenne aurait laissé entendre qu’elle pourrait créer un fonds de compensation pour les agriculteurs européens négativement touchés par l’accord entre l’UE et le Mercosur, mais cela n’a pas été prévu dans l’accord lui-même. L’idée d’un tel fonds a déjà été critiquée par des associations d’agriculteurs.
[4] Ce nouveau système de plaintes ouvre la possibilité de contester des lois et des réglementations parfaitement légitimes, simplement parce qu’elles ont un impact sur le commerce. Il porte atteinte au droit de l’UE de réglementer et met un prix sur l’élaboration des politiques de l’UE, ce qui a un effet dissuasif sur les nouvelles mesures de protection de l’environnement et des droits humains. Il pourrait par exemple être utilisé contre de nouvelles normes européennes en matière de bien-être animal, contre de nouvelles mesures de l’UE visant à améliorer les conditions de travail pour les produits vendus dans l’UE ou contre des interdictions de résidus de pesticides toxiques dans les aliments importés.