« AnaSamaJën » (Où est mon poisson, en français), telle est la question qui brûle les lèvres de tous les Sénégalais, toutes conditions confondues. Du pêcheur au mareyeur, en passant par l’écailleuse, la transformatrice et les clients, personne ne semble avoir aperçu le poisson, qui jadis était pourtant très abondant sur les côtes poissoneuses du Sénégal ! 

Fort de ce constat, Greenpeace Afrique a lancé le 16 juillet 2022, à la Place du Souvenir africain, le top de la campagne #AnaSamaJën. Ce, pour sensibiliser le public sur l’urgence de la préservation et la bonne gestion des ressources halieutiques, pour le bien- être des communautés de pêcheurs, des consommateurs et surtout des femmes transformatrices qui en dépendent pour leur sécurité alimentaire.

Lancement de la campagne #AnaSamaJën à la Place du Souvenir Africain de Dakar. Photo: Clément Tardif – Copyright: Greenpeace Afrique
Lancement de la campagne #AnaSamaJën à la Place du Souvenir Africain de Dakar. Photo: Clément Tardif – Copyright: Greenpeace Afrique

Inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco le 16 décembre 2021, le Ceebu Jën sénégalais a perdu de sa superbe : le poisson se fait rare dans les bols des foyers sénégalais. Un comble, non ?

Paradoxe, le nouveau rapport de la FAO souligne que le poisson représente désormais près de 17% des apports protéiques mondiaux – pouvant aller jusqu’à 70% dans certains pays côtiers et insulaires. Cette entité des Nations-Unies estime par ailleurs, que les pêches et l’aquaculture font vivre 10 à 12% de la population mondiale.

Le coupable ? Quelque cinquante (50) usines de fabrication de farine de poisson qui sévissent au Sénégal, en Gambie, en Guinée et en Mauritanie. En ce qui concerne la Gambie, selon BBC Afrique, « une usine en Gambie absorbe à, elle seule, plus de 7 500 tonnes de poisson par an, principalement une espèce locale d’alose appelée bonga – un poisson argenté d’environ 25 cm de long ».“Ce poisson pourrait créer des emplois et nourrir les gens dans ma communauté, ou n’importe où en Afrique de l’Ouest. Mais au lieu de cela, il sera utilisé pour nourrir les poissons d’élevage et les animaux en Europe ou en Asie. Il faut que cela cesse !“, estimait Fatou Samba, présidente de l’association des femmes transformatrices de produits halieutiques de Xelcom (Bargny-Sénégal), à l’occasion de la Journée mondiale de la Pêche du 21 novembre 2021.

Awa Ba, volontaire Greenpeace Afrique – Photo: Clément Tardif – Copyright: Greenpeace Afrique

Le mot n’est pas trop fort. C’est un « Mur des Lamentations » qui s’offre aux membres du staff de Greenpeace Afrique, aux volontaires, aux représentants d’organisations d’acteurs de la pêche, au public.

A la place de textes, les empreintes de main, tel que nous le montre Awa Bâ, volontaire de Greenpeace Afrique. Ce « Mur des Lamentations », sera érigé sur cinq (5) sites différents. Afin de témoigner de l’urgence de nous pencher sur le sort que nous réservons à la protection de la mer et de ses ressources. Parce que l’heure est grave.

« Au moment où les populations peinent à avoir du poisson dans leurs assiettes, la priorité des autorités devrait être axée sur la gestion durable des ressources plutôt que le bradage du poisson et la transformation de poisson consommable en farine et huile pour nourrir le bétail et les fermes aquacoles en Europe et en Asie. Nous espérons qu’à l’échéance des élections législatives au Sénégal, les nouveaux députés mettront cette question au centre de leur priorité », a déclaré Dr. Aliou Ba, responsable de la campagne Océans de Greenpeace Afrique.

Pendant environ six (6) semaines, de concert avec les communautés de pêcheurs, les associations et consommateurs locaux du Sénégal, de la Gambie et de la Mauritanie, Greenpeace Afrique entend « appeler les décideurs à mieux gérer les ressources halieutiques pour les populations d’aujourd’hui et du futur ». Les communautés locales du Sénégal devront également pousser pour amener « les décideurs à reconsidérer les statuts des femmes transformatrices de poisson », par la signature du décret de reconnaissance et de professionnalisation des métiers de la transformation artisanale des produits halieutiques enclenchée depuis près de 10 ans.

Lancement de la campagne #AnaSamaJën à la Place du Souvenir Africain de Dakar. Photo: Clément Tardif – Copyright: Greenpeace Afrique

« Les mers en Afrique de l’Ouest constituent un trésor que nous devons protéger. Partout dans le monde, les mers se vident et, en raison de la pêche illégale et de la surpêche, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des acteurs sont menacés », a lancé en guise d’alerte, Dr. Aliou Bâ, Manager de la campagne Océans de Greenpeace Afrique. 

Rien n’a changé sous les cieux et il ne se passe pas une semaine sans que la communauté des pêcheurs ne fassent la Une des journaux du pays : arrestations au niveau des eaux des pays voisins, disparitions en mer, collisions avec des navires, implication dans le transport irrégulier de migrants, entre autres faits divers.

Et pourtant, ce n’est pas faute pour cette communauté, d’avoir demandé assistance et protection à l’Etat. Jusqu’à ce jour, leur demande de publication de la liste des navires industriels étrangers autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises, est restée vaine. Leur doléance pour le relèvement des limites de la zone dédiée à la pêche artisanale, connaît le même sort.

Une politique de pêche qui se veut sérieuse et pertinente, peut-elle se faire à l’exclusion des acteurs clés du secteur ? 

Projection de film lors du lancement de la campagne #AnaSamaJën à la Place du Souvenir Africain de Dakar. Film réalisé par Thomas Grand, cinéaste, auteur du film “Poisson d’or, poisson africain” et “SOS Yaboy” – Photo: Clément Tardif – Copyright: Greenpeace Afrique

La campagne dénommée #AnaSamaJën (où est mon poisson), à l’initiative de Greenpeace Afrique, a été lancée officiellement le samedi 16 Juillet 2022, à la Place du Souvenir Africain. 

A cette occasion, le Chargé de la Campagne Océans à Greenpeace Afrique, a présenté au public, Thomas Grand. Ce dernier est un cinéaste et co réalisateur du film « Poisson d’or, poisson africain ».

Ce film raconte l’histoire de ces hommes et de ces femmes, venant de loin parfois, qui en Casamance, au Sud du Sénégal, contribuent par leur labeur, à la sécurité alimentaire de nombreux pays africains. Pourront-ils continuer à résister toutefois à la concurrence du projet d’usine à farine de poisson financé par la Chine à Kafountine ? Pour combien de temps ?   

Dans le cadre d’un partenariat, Greenpeace Afrique s’est engagée à accompagner le réalisateur dans sa tournée de diffusion de ce film à travers tout le pays, constituant ainsi une entrée en matière de choix pour la campagne de sensibilisation « #AnaSamaJën ». 

Lancement de la campagne #AnaSamaJën à la Place du Souvenir Africain de Dakar. Photo: Clément Tardif – Copyright: Greenpeace Afrique

Cheikh Bamba Ndao, Greenpeace Afrique – Twitter: @publicheikh